[889, juillet – mi-décembre]. — [Forêt de Cuise].

Eudes mande au comte de Nîmes Raimond d'enquêter sur la plainte formulée devant lui, tandis qu'il chassait dans la forêt de Cuise, par l'évêque de Nîmes Gibert à l'encontre d'un certain Genès (Genesius), accusé d'avoir usurpé la « villa » de Bizac dans le « pagus » de Nîmes, donnée à l'église de cette cité par une certaine Bligardis et possédée sans trouble pendant douze ans environ, et aussi de s'en être fait investir par le comte sur présentation de prétendues lettres du roi.

Référence : Georges Tessier et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des actes d'Eudes roi de France (888-898), Paris, 1967, no14.

Acte perdu, mentionné dans la notice de plaid tenu en conséquence de ce mandement royal par le comte Raimond die jovis, in mense aprilis anno III regnante Odone rege, c'est-à-dire en avril 890 (le 2, 9, 16, 23 ou 30 avril).

Partant de l'opinion, déjà exprimée par Ménard dans son Histoire de Nîmes, qu'Eudes n'aurait été reconnu à Nîmes et à Béziers qu'entre avril et juillet 889, Favre (Eudes, p. 137 et n. 4) estimait qu'on n'avait commencé à compter les années du règne en Languedoc qu'à partir de cette date. Il plaçait donc cette notice de plaid en avril 892 et l'intervention royale en faveur de l'évêque à la fin de 891 ou au début de 892, pour faire coïncider ce séjour d'Eudes dans la forêt de Compiègne avec sa campagne contre Baudouin en Vermandois. En fait, la date d'avril 890 ne fait aucun doute.

Ceci nous permet de rechercher la date du mandement expédié par le roi ; il précède en effet de quelques mois seulement le jugement : les temps légaux de citation, de délai de comparution laissé à la partie défaillante et de seconde citation. Nous connaissons fort mal l'itinéraire d'Eudes ; pourtant une chose est certaine : il n'a pu se trouver dans la forêt de Cuise entre la seconde moitié de décembre 889 et les premiers jours d'avril 890. Durant ce temps, nous trouvons en effet le roi à Chartres (30 décembre), à Orléans (10 janvier), aux confins de la Bretagne (fin janvier), à Tours (22 mars). De Tours enfin, il n'est pas impossible qu'il ait gagné pour le début d'avril la région de Compiègne, puisque nous le retrouvons à Verberie le 21 mai. Mais si le roi était en forêt de Cuise au 1er avril, il est impossible que le comte et l'évêque aient été tous deux de retour en Nîmois au plus tard le 30 du même mois et que les délais de citation et autres dont nous parle la notice aient été respectés.

Dans ces conditions, la délivrance du mandement aura nécessairement eu lieu entre juillet et décembre 889, puisque le roi, après son grand plaid général de juin à Orléans, était à Paris en juillet pour repousser les Normands de la cité et que nous le retrouvons à Laon le 14 décembre. Entre ces deux dates, rien n'empêche le séjour du roi à Compiègne, plus probablement en automne, saison propice aux grandes chasses royales en cette région. Il ne serait pas impossible qu'Eudes, après avoir obtenu la retraite des Normands, ait tenu un plaid général à Compiègne ou aux environs, comme semble bien en témoigner la présence à la cour à la fois du comte et de l'évêque de Nîmes et des autres évêques, comtes et vassaux dont il est fait mention dans la notice nîmoise : ceux-ci avaient sans doute été convoqués avec leur contingent militaire en raison de la menace sur Paris et Abbon fait précisément état de Francs, de Bourguignons et d'Aquitains dans l'armée royale.


Cum igitur, more regio, rex Odo in foreste Coysa ad exercendam venationem consisteret prope locum qui vocatur Audita, cum episcopis, comitibus seu vassis dominicis, veniens Gibertus episcopus in conspectu ejus, proclamavit quod res quas Bligardis foemina in comitatu Nemausense per scripturam solempniter ejus ecclesie condonaverat et per XII annos fere seu et amplius justo ordine possederat, homo quidam, Genesius nomine, absque ulla inquisitione et mallo seu judicio, ipso absente episcopo, villam Bizagum invasit ac malo ordine retinet. Raimundus itaque, comes ipsius pagi, ibidem coram rege adstabat ; cui interrogavit ipse rex qualiter hoc in ejus potestate actum fuisset. Sed predictus Raimundus comes dixit quod : « Ex vestra parte prefatus Genesius literas michi detulit, in quibus continebatur ut de ipsa villa eum revestirem ». Quo audito, omnes qui adstabant dixerunt quod : « Nequaquam ex parte regis preceptum tibi fuit in presentem episcopum de rebus sue ecclesie, ut dicit, tanto tempore ab eo possessis, ipso absente, absque inquisitione et mallo seu judicio, expoliares et alicui redderes ». Itaque rex jussit predicto episcopo suas litteras dare, in quibus continebatur ut Raimundus comes, veniens in pago Nemausense, inquisitionem per circummanentes homines mitteret et, si ipse episcopus justam causam haberet et suas scripturas veras adprobare potuisset, absque ulla dilatione in predictis rebus eum informaret. Veniens itaque Raimundus in predicto comitatu, prefatus episcopus regales litteras ei ostendit et ut ipse comes ei justitiam, secundum regis jussionem, faceret postulavit...