889, 30 décembre. — Chartres.

Eudes, à la requête de l'abbé Èbles (Ebolus) et de ses « proceres » Hubaut (Hubaldus) et Herbert (Heribertus), confirme aux frères de Saint-Hilaire de Poitiers les biens que ledit abbé avait affectés à leur entretien, savoir les « villae » de Champagné, Rouillé, Pouant, Lussay, Frontenay, Cuhon, Vouzailles, Masseuil, Benassay, Gourgé, « Cambentium », le Vivier, « Fabrisum », celle de « Gauriacum » avec l'église de Saint-Hilaire en Quercy, celle de « Cainandum » en Toulousain, le « locus » de Saint-Mammès et « Campum Oliveti » en Carcassès, et il y ajoute, à la prière de l'abbé, des alleux lui appartenant en propre : <« Crispiacum », Eterne, « Remcionacum », « Clavinnum », « Belloria », ainsi que la « villa » de Saint-Laurent (Longum Rete) en Bourgogne>. Il confirme aux frères l'usage de maisons individuelles à l'intérieur du monastère ou de l'enceinte urbaine et interdit au comte et aux agents publics de reprendre possession du terrain sis à l'intérieur de l'enceinte que les frères ont acquis par échange contre le quart de la « villa » de Pouant.

Référence : Georges Tessier et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des actes d'Eudes roi de France (888-898), Paris, 1967, no16.

A. Original (ou pseudo original). Parchemin jadis scellé. Hauteur : 562 mm à gauche et 557 mm à droite, largeur : 720 mm en haut et 677 mm en bas. Archives départementales de la Vienne, G 485. Carton 4 des pièces restaurées.

B. Copie de la fin du xiie siècle, avec monogramme figuré, Archives départementales de la Vienne, G 485, d'après A.

C. Copie du xviiie siècle, avec monogramme figuré et notes de Dom Fonteneau, Bibliothèque nationale, Collection Moreau, vol. 3, fol. 57, d'après A, avec renvoi au « Livre à la chaîne » ou cartulaire (perdu) de Saint-Hilaire de la fin du xiiie siècle, ainsi qu'à b et c.

D. Copie du xviiie siècle, Bibliothèque de Poitiers, Collection Dom Fonteneau, t. X, p. 67, d'après A.

E, F. Copie du xviie siècle, avec monogramme figuré, par Besly, Preuves de l'histoire des comtes de Poitou, Bibliothèque nationale, ms. lat. 6007, fol. 65, « ex tabulario S. Hilarii Pictav. », d'après A ; autre copie partielle, Bibliothèque nationale, Collection Dupuy, vol. II, fol. 21.

G. Copie de 1673, par Dom Estiennot, avec corrections d'une autre main, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12755 (Antiquitatum in diocesi Pictaviensi benedictinarum pars Ia), p. 514, « ex tabulario S. Hilarii Pictavensis » d'après A.

H, I, K. Copies du xviie siècle, par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, nouv. acq. franç. 7433 (anc. de Camps, vol. 103), fol. 60 : « ex chartulario ecclesiae S. Hilarii Pictav. » ; Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 46, fol. 167 ; copie partielle, Bibliothèque nationale, Collection Du Chesne, vol. 76, fol. 74.

L. Copie du xviie siècle, Bibliothèque nationale, Collection Dupuy, vol. 222, fol. 35, sans doute, d'après le cartulaire.

M, N. Copies notariées de 1667 et 1692, la première signée en outre de Denis Godefroy, historiographe du roi, Archives départementales de la Vienne, G 485, d'après a.

a. J. Bouchet, De l'Université de la ville de Poictiers (1643), addition aux Annales d'Aquitaine (réédition de 1644), p. 46, d'après A, avec traduction française, p. 47.

b. Besly, Histoire des comtes de Poictou, preuves, p. 200, « ex tabulario monasterii, collationné d'après l'original ».

c. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 450, n° XII, d'après A.

d. L. Rédet, Documents pour l'histoire de l'église de Saint-Hilaire de Poitiers, dans Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, t. XIV, 1847, p. 12, n° XXII, d'après A.

Fac-similé : Lot et Lauer, Diplomata Karolinorum, fasc. VII, pl. XIV (Eudes, n° 4).

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 344.

Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1882.

Indiqué : Favre, Eudes, p. 33, n. 10, et 129, n. 5.

Tant dans son fond que dans sa forme, ce diplôme présente des irrégularités nombreuses qui conduiraient indubitablement à en dénier la sincérité si l'original ne nous en avait pas été conservé avec des traces évidentes de scellage. Il est cependant licite de se demander si nous n'avons pas affaire ici à un pseudo-original ; à tout le moins, nous pouvons être en présence d'un acte refait, ou bien d'une copie en forme d'expédition qui aura pu être scellée abusivement pour lui donner plus de crédit.

C'est tout d'abord le seul diplôme d'Eudes dont le monogramme ne porte pas la marque visible de la manus propria du roi : ici le V à l'intérieur du losange central a été dessiné en même temps que le monogramme lui-même, de la même plume et de la même encre.

La formule de datation, réunissant en un seul membre de phrase introduit par Actum les deux éléments, chronologique et topographique, généralement distincts (Datum et Actum), est unique à la chancellerie d'Eudes. Une formule de ce type (Actum Karnotis, III kal. januarii, anno, etc.) n'entrera en usage qu'avec l'avènement de Louis IV en 936. De plus cette formule est dessinée en grands caractères allongés, analogues à ceux de la souscription royale et de celle du notaire, ce qui est totalement aberrant ; ces caractères sont d'ailleurs démesurés (de 35 à 37 mm), s'étirant entre deux lignes de la réglure du parchemin, et sont quatre fois plus allongés que ceux de la première ligne (environ 8 mm). En revanche, par une curieuse fantaisie, les chiffres de l'année de l'Incarnation sont écrits en petits caractères entre les lignes. Ceci aussi rappelle certaines fantaisies ou irrégularités de présentation qui peuvent s'observer dans les diplômes du milieu du xe siècle.

Si nous n'attachons pas une importance excessive à d'autres caractères exceptionnels, tels que le très gros module des lettres (4 mm de hauteur) ou la formule anormalement développée de la notification (sollers industria ac nobilis in omnibus prudentia), nous devons souligner le type aberrant de l'apprécation finale : In Domino feliciter au lieu de In Dei nomine feliciter, et surtout la très insolite clause menaçant les contrevenants de la damnation éternelle : quod qui presumpserit, sub anathemate perpetuo sciat se damnandum.

Ajoutons que le style de la seconde partie, à partir de la ligne 5, est des plus mauvais. Ainsi la requête de l'abbé Èbles, déjà signalée à sa place normale dans l'exposé, est encore mentionnée deux fois dans la même phrase du dispositif : flagitante Ebolo (1.5) et rogante Ebolo (1.6). La clause « excepto alienacione alterius et extranee faciendi persone » (1.7) (sauf de faire aliénation à personne autre et étrangère) est particulièrement mal construite. Mais celle de la ligne 8 est difficilement compréhensible : « invasor... terre infra muros posite mutuate a fratribus ex una quarta in villa Potente fieri audeat per consensu abbatis et fratrum » ; nous croyons voir ici une interdiction faite au comte de « se faire l'envahisseur d'une terre sise intra muros, que les frères ont acquise par échange contre un quart de la villa de Pouant, du consentement de l'abbé et du chapitre ».

La personnalité de l'abbé Èbles a soulevé bien des difficultés, et précisément à propos de ce diplôme : doit-on en effet le confondre avec le chancelier du même nom, abbé de Saint-Denis et de Saint-Germain-des-Prés et neveu de l'abbé Gozlin ? Mabille et Favre l'avaient contesté ; mais R. Poupardin et L. Levillain ont consacré des mémoires particuliers à cette question pour réfuter leur opinion et démontrer l'identité des deux personnages. Sans doute les arguments mis en avant par L. Levillain ne sont-ils pas tous de la même valeur et il est malaisé de trancher avec une certitude absolue, en raison de la rareté et de l'imprécision des textes de cette époque. Nous nous sommes cependant rallié à son opinion qui a pour elle beaucoup de vraisemblance et nous nous permettons de renvoyer à ce que nous disons dans notre introduction à propos de l'archichancelier Èbles.

Certes on peut être étonné, avec Favre, de constater qu'Èbles, bien qu'archichancelier, ait fait appuyer sa démarche auprès du roi par deux grands, Hubaud et Herbert. Levillain répond à l'objection en affirmant que devant la situation troublée de l'Aquitaine, Eudes devait justement douter de la fidélité de son chancelier et des moines de Saint-Hilaire. Nous ne sommes cependant qu'en 889, l'année même de la nomination du chancelier, et celui-ci restera en fonction deux ans encore. On pourrait cependant songer que, comme il adviendra plus tard, les actes délivrés en faveur du chancelier devaient présenter des garanties spéciales pour éviter des expéditions subreptices : la présence de ces deux personnes comme co-requérants auraient pu passer pour une de ces garanties.

Il n'en reste pas moins qu'on peut légitimement s'étonner que ce diplôme ne donne nullement à Èbles son titre de chancelier.

Quant au scribe qui a écrit l'acte, ce n'est assurément pas Throannus, bien qu'à cette époque tous les autres actes originaux qui nous sont parvenus sont écrits de sa main. Peut-on admettre que ce soit un clerc attaché à l'abbé Èbles, lequel aurait établi l'acte sur l'ordre de celui-ci, en dehors de la chancellerie et dans les pires conditions de forme ? Ou un moine de Saint-Hilaire, dont on sait par la suite l'activité comme bureau d'écriture des comtes de Poitiers ? L'hypothèse, présentée au début de cette notice, d'un acte refait, d'une copie abusivement scellée ou d'un pseudo-original, et tout spécialement cette dernière éventualité, présente à nos yeux le plus de vraisemblance.

Quoi qu'il en soit, l'acte a sans doute fait l'objet par la suite d'un remaniement, car la ligne 6, qui donne la liste des alleux concédés par le roi, est toute entière récrite sur un grattage, d'une écriture un peu plus tardive, dessinée d'une encre plus noire ; les différences peu sensibles à l'œil apparaissent nettement sous les rayons ultra-violets.


(Chrismon) In nomine Domini Dei aeterni et Salvatoris nostri Jhesu Xpisti. Odo misericordia Dei rex. Si loca sancta divinis cultibus mancipata rite, propter amorem Dei et reverenciam sanctorum inibi requiescencium, ordinamus et disponimus, fidelium nostrorum animos in Dei et nostre fidelitate ferventiores [2] fore credimus Deumque nobis ob id propitium presenti seculo et futuro minime diffidimus. Quocirca noverit omnium Dei nostrorumque, tam presentium quam et futurorum, sollers industria ac nobilis in omnibus prudentia quia adiit clemenciam serenitatis nostre venerabilis abbas Ebolus, junctis secum proceribus nostris Hubaldo et Heriberto, et deprecati sunt ut villas [3] de potestate precellentissimi confessoris Xpisti Hilarii, a prefato abbate fratribus delegatas in diversis usibus eorum necessariis, id est : Campaniacum, Roliacum, Potentum, Lusiacum, Fronteniacum, Cuionnum, Vosaliam, Masogilum, Benaciacum, Gurgiacum, Cambentium, Viviarium, Fabrisum ; in comitatu Cadurcino, Gauriacum cum ecclesia in honore Sancti [4] Hilarii, et Cainandum in pago Tolosano ; in pago Carcassio, locum Sancti Mammetis et, in eodem pago, Campum Oliveti, cum omni integritate vel omnibus ibidem pertinentibus necnon aspicientibus, cultis et incultis, quesitis et inquirendis, et omnibus suprapositis seu consentaneis commanentibus, concede-[5]-remus adque confirmaremus. Quorum petitionibus annuentes, quod postulabant libenti animo concessimus hac prefatas villas usibus fratrum et necessitatibus perpetualiter subministraturas confirmavimus. Concedimus etiam, flagitante Ebolo, venerabili ejusdem loci abbate, alodos vero proprie originis, id est : [6] <Crispiacum, Es[ter] num, Remcionacum, Clavinnum, Belloriam, cum omnibus suprapositis vel legitime pertinentibus, cum villa Longumrete in Burgundia, fratribus prelibanti pontificis Hilarii, rogante Ebolo, confirmamus>. [7] Mansiones vero infra monasteri[um a]ut infra muros civitatis constructas ipsis fratribus concedimus ut habeant licenciam unusquisque de sua quod voluerit, excepto alienacione alterius et extraneae faciendi persone. Nullusque comes vel aliquis reipublice [exac]tor invasor istarum rerum et terre [8] infra muros posite, mutuate a fratribus ex una quarta in villa Potente fieri audeat, per consensu abbatis et fratrum. Quod qui presumpserit, sub anathemate perpetuo sciat se damnandum. Ut vero hoc testamentum firmius credatur ac verius, manu nostra subtus firmavimus et anulo nostro insigniri decrevimus.

[9] Signum Odonis (Monogramma) gloriosissimi regis.

[10] Troannus notarius ad vicem Eboli recognovit et s. (Signum recognitionis et locus sigilli).

[11] Actum Karnotis III kalendas januarii, anno Incarnacionis Domini DCCCXC, indictione VIII, anno secundo Odonis gloriosissimi regis. In Domino, feliciter. Amen.


Localisation de l'acte

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