891, 15 juillet. — Abbaye de Meung-[sur-Loire].
Eudes, à la requête de l'évêque de Gérone Servus Dei et à l'exemple des rois ses prédécesseurs, prend cette église sous sa protection et mainbour et lui accorde l'immunité pour tous ses biens présents et futurs et pour tous ses hommes, tant libres que serfs, interdisant de lever sur eux le tiers des tonlieux et des droits de pulvérage, de pâturage et de rivage, la part du fisc étant abandonnée aux pauvres et aux clercs de l'église, le tout sanctionne par une amende de 600 sous en cas d'infraction et à charge de prières pour le roi et le royaume.
A. Original perdu.
B. Copie du xiiie siècle, Archives de l'évêché de Gérone, cartulaire dit de Charlemagne, fol. 7 v° d'après H.
C. Copie du xiiie siècle, Archives du chapitre de Gérone, Livre vert, fol. 184 v° d'après A.
D. Copie du début du xviie siècle, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 116, fol. 156, d'après B.
E. Copie du xviie siècle, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 108, fol. 158, d'après B.
F. Copie du xviie siècle, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 108, fol. 194 v°, d'après C.
G. Copie du xixe siècle, Archives de la Couronne d'Aragon, Notularuim du P. Ribera, ms. 80, C n. 4, fol. 18, d'après une copie de C.
a. P. de Marca, Marca Hispanica, appendix 53, col. 827 (= D), d'après B.
b. Recueil des historiens de la France, t. IX, n° XX, p. 458, d'après a.
c. España sagrada, t. XLIII, appendix XI, p. 385, d'après B.
d. R. d'Abadal, Catalunya carolíngia, vol. II, 1re partie, Gerona, n° VII, p. 141.
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 346.
Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1888.
Indiqué : Botet y Sisó, Cartoral de Carles Many. Index cronologic..., dans Boletín de la Real Academia de Buenas Letras de Barcelona, t. III, n° 13, p. 92.
Indiqué : Favre, Eudes, p. 137.
Le roi fait allusion aux actes antérieurs de ses prédécesseurs sans cependant les citer nommément : il s'agit des diplômes de Louis le Pieux (834), Charles le Chauve (844), Louis II (878), Carloman (881), Charles le Gros (886), publiés par M. d'Abadal (op. cit., n° II-VI). Ce dernier fait remarquer (p. 141) que le diplôme d'Eudes en est fondamentalement différent : « il est indépendant de tous les autres, il ne les copie pas, n'y fait pas allusion et ne comporte pas de liste de biens ». En fait Eudes y fait une allusion rapide, mais nette (regum predecessorum nostrorum morem in hoc imitari laudabimur) et le texte de son privilège est en relation étroite avec eux. Son originalité tient au fait qu'il est le seul des diplômes carolingiens pour l'église de Gérone à se limiter à une confirmation de protection et d'immunité en termes généraux, sans préciser l'état des dépendances de l'église ni les pagi ou comtés de sa juridiction.
L'explication doit en être cherchée, non pas avec M. d'Abadal (p. 118), dans le fait qu'Eudes aurait sciemment rompu avec la tradition carolingienne (ses successeurs de la dynastie légitime ayant voulu renouer par-dessus lui avec cette même tradition), mais dans les conditions politiques de la Marche d'Espagne à cette époque. Nous avons indiqué ailleurs les difficultés auxquelles l'évêque Servus Dei avait eu à faire face et l'érection de nouveaux diocèses « usurpés » en Catalogne aux dépens des sièges épiscopaux traditionnels. L'omission de toute précision de la part de la chancellerie d'Eudes ne saurait être que volontaire ; on a eu d'ailleurs recours à une formule d'une prudence exemplaire : possessiones predicte ecclesie quas moderno tempore juste et rationabiliter possidere videtur in quibusdam pagis et territoriis... Le diplôme a été délivré à Meung-sur-Loire ; or on sait qu'à cette même date se tint en cette abbaye un synode réuni par le roi. On peut penser que l'évêque avait accompagné à cette assemblée l'archevêque de Narbonne et son co-suffragant de Béziers et qu'il profita de l'occasion pour essayer d'obtenir l'intervention royale en vue de mettre fin au schisme qui sévissait dans son diocèse. Il se sera contenté d'un diplôme qui, tout en marquant l'intérêt du roi pour son église, laissait les affaires en suspens sans pour autant compromettre l'avenir.
Les éléments de la date (année du règne, an de l'Incarnation, indiction) correspondent. C'est le dernier diplôme, à notre connaissance, qui, souscrit par le notaire Throannus, mentionne encore le chancelier Èbles.
La collation des copies B et C a été assurée grâce à l'obligeance de Ferran Valls Taberner, alors directeur des Archives de la Couronne d'Aragon.
In nomine Domini Dei eterni et Salvatoris nostri Jhesu Xpisti. Odo clementia Dei rex. Si erga loca divinis cultibus mancipata propter amorem Dei ejusque in eisdem locis sibi famulantibus beneficia opportuna largimur, regum predecessorum nostrorum morem in hoc imitari laudabimur ac per hoc presentis vite cursum felicius transiturus et eterne vite beatitudinem adepturus nos non dubitamus. Quapropter comperiat omnium fidelium nostrorum, tam presentium quam et futurorum, sollercia quia, veniens obtutibus nostris vir venerabilis nomine Servus Dei, sedis Gerundensis episcopus, culminis nostri adiit sublimitatem deprecatusque est serenitatem nostram ut eandem ecclesiam que est in honore sancte Dei genitricis Marie, cui ipse Deo auctore preest, sub nomine et auctoritatis nostre defensione reciperemus atque cum omnibus rebus et hominibus sibi subjectis sub pretextu tuitionis nostre, mundiburdo et immunitatis consistere faceremus, quatinus sic ab infestatione et inquietudine judiciarie potestatis eandem munita atque defensa fuisset ecclesia. Cujus peticionibus, ob Dei amorem et suam deprecationem, omnibus assensum benigne prebuisse notum esse volumus et hoc preceptum magnificentie nostre fieri et illi dari jussimus, per quod precipientes jubemus atque jubentes decernimus ut a nemine nostrorum, tam presentium quam et futurorum, fidelium hujusmodi nostre immunitatis absolutio infringi aut corrumpi in aliquo presumatur, scilicet ut nullus judex publicus nec quislibet ex judiciaria potestate aut ullus ex fidelibus sancte Dei Ecclesie atque nostris in ecclesias aut loca aut agros seu reliquas possessiones predicte ecclesie quas moderno tempore juste et rationabiliter possidere videtur in quibuslibet pagis et territoriis, quicquid ibi propter divinum amorem conlatum est, queque etiam deinceps in jure ipsius ecclesie aut per nos aut per alios divina pietas augeri voluerit, ad causas audiendas vel freda exigenda aut mansiones vel paratas faciendas aut fidejussores tollendos vel homines ipsius ecclesie, tam ingenuos quamque et servos, qui supra terram ipsius ecclesie residere videntur distringendos, nec ex pulveratico nec ex teloneis neque ex pascuario qui de eo exit comitatu nec ex ribatico quod ab hominibus recipitur, nullus ei in aliquo ipsam omnem terciam partem nec contendere presumat nec subtrahere liceat nec ullas occasiones aut ullas redibitiones quislibet ullo umquam tempore ingredi audeat vel exactare presumat. Et quicquid de rebus prefate sancte Dei ecclesie fiscus sperare poterat, nos totum predicte sancte Dei ecclesie concedimus ut perpetuis temporibus in alimonia pauperum et stipendia clericorum ibidem Deo famulantium proficiat in augmentum. Quod si quis temerario ausu hoc corrumpi presumpserit, sexcentorum solidorum numero se sciat esse mulctandum et hujusmodi immunitas et homines illic commanentes inviolabiliter maneat inconcussa ; sed liceat memorato presuli suisque successoribus, cum rebus vel hominibus ad se aspicientibus, sub tuicionis atque immunitatis nostre defensione, remota tocius judiciarie potestatis inquietudine, quiete residere atque pro incolumitate nostra et regni nobis a Deo collati jugiter Dei misericordiam, cum clero et populo sibi commisso, exorare delectet. Ut autem hec indultionis nostre pie confirmatio pleniorem in Dei nomine optineat vigorem et a fidelibus sancte Dei Ecclesie et nostris futuris temporibus diligentius conservetur, manu propria subter firmavimus atque anuli nostri impressione insigniri jussimus.
Signum Odonis (Monogramma) gloriosissimi regis.
Throannus notarius ad vicem Eblonis recognovit et subscripsit (Signum recognitionis).
Data idus julii, indictione nona, anno Incarnationis dominice DCCC. XCI., anno IIII regnante Odone gloriosissimo rege. Acta Maduino monasterio. In Dei nomine, feliciter. Amen.