889, 13 juin. — Abbaye de Saint-Mesmin.

Eudes, à la requête de Thierri (Teodericus), abbé de Solignac, concède à cette abbaye, jadis fondée sur la Briance par saint Éloi, l'immunité pour tous ses biens, abandonne à l'abbé et aux moines toute redevance susceptible d'être levée sur les possessions du monastère et reconnaît aux moines la liberté de l'élection abbatiale.

Référence : Georges Tessier et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des actes d'Eudes roi de France (888-898), Paris, 1967, no2.

A. Original. Parchemin jadis scellé. Hauteur : 677 mm ; largeur : 522 mm. Archives départementales de la Haute-Vienne, série H, fonds de Solignac (carton provisoire des diplômes carolingiens : H 16988).

B. Copie du 19 janvier 1302 (n. st.), dans un vidimus de Pierre, chantre et official de Limoges, Archives départementales de la Haute-Vienne, H provisoire, n° 9195, avec reproduction assez fantaisiste du monogramme, vraisemblablement d'après A.

C. Copie de 1676 par Dom Claude Estiennot, Antiquitatum in dioecesi Lemovicensi benedictinarum pars IIIa, Archives départementales de la Haute-Vienne, H provisoire, n° 9240, p. 122, « ex origin. », d'après A.

D. Autre copie par le même, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12748, p. 132, d'après A.

E. Copie du xviie siècle, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 46, p. 417, d'après A.

F. Copie du xviie siècle par Jacques Sirmond, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 141, fol. 181 v°, d'après A.

G. Copie de la fin du xviie siècle, Bibliothèque nationale, ms. lat. 11897, fol. 159, « ex schedis v.c. Jacobi Sirmondi », d'après F.

H et I. Copies du xviiie siècle pour Dom Bouquet, Bibliothèque nationale, nouv. acq. fr. 22211, fol. 64 et 129, peut-être d'après F.

J. Extrait, par Gaignières, du xviie siècle, Bibliothèque nationale, ms. lat. 17118, p. 404, d'après A.

a. Baluze, Capitularia regum Francorum, t. II, col. 1515, n° CXXI, d'après F ou G [888].

b. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 442, n° III [888].

Fac-similé : Lot et Lauer, Diplomata Karolinorum, fasc. VII, pl. XI (Eudes, n° 1).

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 341 [888].

Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1872.

Indiqué : Favre, Eudes, p. 123, n. 5 et p. 124.

Ce diplôme, comme la plupart de ceux qui furent expédiés en juin 889 de Saint-Mesmin et d'Orléans, présente des éléments chronologiques discordants et même fautifs. Si l'indiction VII et l'an II du règne d'Eudes correspondent à l'année 889, l'année de l'Incarnation est nécessairement fautive : 883. Ceci doit être rapproché de la leçon identique offerte par des copies du diplôme n° 1. Il est certain qu'à ce moment des erreurs graves ont été commises par la chancellerie royale dans le compte des années de l'Incarnation et souvent aussi dans celui des années indictionnelles (cf. Introduction, p. cxviii et cxx).

Le texte proprement dit du diplôme et son protocole final sont écrits par des mains différentes.

a. Texte proprement dit. — On doit noter le soin très médiocre avec lequel l'acte a été rédigé et écrit. Des mots ont été oubliés, d'autres corrigés ; à la fin de la sixième ligne, la finale d'un mot a été ajoutée au-dessus de la ligne pour éviter de la rejeter à la ligne suivante. Du haut en bas du parchemin, l'écartement des lignes diminue très sensiblement : 40 millimètres entre la première et la seconde ligne, 38 millimètres entre la seconde et la troisième, 36 millimètres entre la troisième et la quatrième, 34 millimètres entre les lignes suivantes, 33 millimètres enfin entre les deux dernières. En même temps le module des lettres se réduit fortement : de 4 millimètres de hauteur à la première ligne, elles passent à 3 millimètres à la quatrième ligne, à 2 millimètres à la huitième, à 1,5 millimètre à la treizième et dernière ligne. Concurremment l'écriture se resserre : de 142 lettres à la première ligne, on en arrive à 194 à la douzième.

Bien d'autres faits dénotent ce même manque de soin. Bien que le parchemin ait été préalablement réglé à la pointe sèche, l'écriture de la première ligne ondule ; par la suite, le scribe s'est montré incapable de suivre le tracé de la ligne : il se tient généralement au-dessus de cette ligne (jusqu'à 4 mm), mais quelquefois au-dessous d'elle (jusqu'à 2 mm), et la souscription royale elle-même est traversée par la réglure. Aucune régularité non plus dans les parties du texte traditionnellement écrite en caractères allongés : la première ligne a pris la forme d'un fuseau, les premières lettres allongées atteignant 8 millimètres de hauteur, tandis que les dernières n'ont plus que 5 millimètres, à peine plus que celles de la ligne suivante en caractères ordinaires (4 mm).

Quant à la forme de la rédaction, elle présente des irrégularités. L'invocation initiale est formulée dans des termes anormaux : In nomine Dei summi et eterni regis, au lieu de In nomine Domini Dei et Salvatoris Jesu Christi ou de In nomine sanctae et individuae Trinitatis. La suscription royale : Odo gratia Dei rex, semble empruntée à un diplôme de Charles le Chauve. Après une première notification, faite normalement à tous les fidèles de l'Église et du roi pour introduire l'exposé, nous en trouvons ici une seconde, en plein milieu du dispositif et sous une forme insolite : « preceptum... fieri jussimus, per quod prefatum monasterium... sub nostre immunitatis tuitione suscepisse universis fidelibus nostris notum esse volumus ». Par ailleurs, si les éléments constituant le dispositif paraissent en eux-mêmes parfaitement admissibles (immunité, affectation à l'abbaye des revenus éventuels du fisc, liberté de l'élection abbatiale), ils sont rédigés selon des formules inhabituelles.

Plus étonnante est la formule finale par laquelle le roi voue à la vindicte divine ceux qui auraient enfreint sa volonté : « Haec namque si quis nostrae bonae voluntatis sancita delere conatus fuerit, tali eum Dominus feriat ultione quatinus nullo modo suam vindicet voluntatem qui hanc nostram infringere voluerit auctoritatem. »

b. Protocole final. — La souscription de chancellerie diffère du type qui se rencontre le plus généralement à cette époque, exception faite du n° 3 : le mot subscripsit en effet ne s'y lit pas, ni en entier, ni même en abrégé ; la ruche est également d'un type différent. La souscription est suivie, cas unique, du mot feliciter écrit en toutes lettres. Enfin, à l'intérieur de la ruche, sont inscrites des notes tironiennes, indiquant que l'archevêque Frotarius aurait été l'ambasciator et le notaire Throannus le scriptor.

Le monogramme royal ne répond pas davantage au type régulièrement adopté par la chancellerie d'Eudes. Si, en effet, partout ailleurs l'X du mot REX prend la forme d'un trait oblique sur la barre médiane du E placé à droite du losange central, ici l'X est dessiné sur la ligne qui unit le losange central et cette lettre E. De plus, si l'on distingue bien à l'intérieur du losange le signum manus du roi, écrit d'une encre différente, il ne se présente pas sous la forme habituelle d'un V, mais en dessous figure un trait vertical semblable à un I.

Que devons-nous penser d'un tel diplôme ? Manque de soin exceptionnel, forme diplomatique défectueuse, monogramme et ruche aberrants plaident à ce point contre lui qu'on pourrait hésiter à en reconnaître la sincérité s'il ne nous était pas parvenu sous la forme d'un parchemin d'aspect original, qui a été scellé et qui présente les notes tironiennes que nous venons de signaler.

Nous estimons pour notre part que le diplôme aura été préparé en dehors de la chancellerie royale. Il aura pu l'être par les soins d'un clerc de l'archevêque de Bourges Frotarius, qui apparaît dans les notes comme ambasciator et dans la province de qui était placée l'abbaye de Solignac : à cette date se tenait en effet le premier plaid général réuni par le roi, et la chancellerie devait être débordée par le nombre de diplômes à expédier en quelques jours, puisque neuf des quarante-quatre diplômes d'Eudes dont le texte nous a été conservé ont été délivrés à quelques jours d'intervalle. Nous pensons cependant qu'il aura été rédigé et écrit par les soins du destinataire lui-même ; déjà sous le règne de Charles le Chauve les diplômes pour Solignac présentaient des caractères nettement aberrants — sinon suspects — qui pourraient s'expliquer par une rédaction dans le scriptorium même de l'abbaye.

La mention de la ruche : Throannus notarius scripsit, pourrait s'expliquer en l'appliquant non pas au texte même du diplôme, mais au protocole final seul. De fait, il y a une parenté très étroite entre l'écriture de la date de ce diplôme et celle de l'original du n° 3 : nous avons dit ailleurs que nous croyons pouvoir attribuer au notaire-chancelier Throannus l'écriture de ce n° 3 et par conséquent le protocole final du présent diplôme. Il faut alors admettre que la doctrine du nouveau notaire-chancelier n'était pas encore formée : ni le monogramme royal, ni la souscription de chancellerie, ni la date n'ont encore pris sous sa plume leur forme définitive et nous avons précisément signalé des étapes intermédiaires entre ce diplôme et ce que nous avons appelé le « groupe homogène du notaire Throannus ».

On notera dans ce diplôme de nombreux e cédillés (exceptionnels dans les autres diplômes d'Eudes conservés en original) à côté des formes ae et e. Nous avons préféré restituer pre et non prae ou prę l'abréviation du préfixe dans les mots premia, pretextu, preceptum, etc.


(Chrismon) In nomine Dei summi et ęterni regis. Odo gratia Dei rex. Quandocumque servorum Dei nostrorumque fidelium justis et rationabilibus efflagitationibus aurem celsitudinis nostrę assensum [2] prebentes accomodamus, regię majestatis consuetudin[em exerc]emus ac per hoc premia aeternę felicitatis facilius nos adepturos nullatenus dubitamus. Ideoque notum sit omnibus sanctę Dei [3] Ecclesię fidelibus et nostris, presentibus sive futuris, quia venerabilis vir Teodericus, abba ex monasterio Solemniaco, olim constructo ab Elegio, Noviomagensis episcopo, tempore Dagoberti gloriosissimi regis Francorum, [4] posito super fluviolo Brivancia, quod jam dictus pontifex in honore sanctę Dei genitricis Marię sanctique Petri atque omnium apostolorum, Dionysii sociorumque ejus atque Pancratii, Crispini et Crispiniani et sanctorum confessorum Hilarii, [5] Martini atque Medardi [construxit], ad nostram accedens reverenter clementiam, deprecatus est ut idem monasterium, cum omnibus hominibus et villis ac rebus sibi juste legaliterque pertinentibus, simul etiam cum his quae divina pietas [6] per suos quosque fideles eidem monasterio augere voluerit, sub nostrę immunitatis tuitione ac defensionis pretextu recipere dignaremur. Cujus precibus clementi favore annuimus ; quin etiam ob [id] magnitudinis nostrę preceptum speciali [7] condicione fieri jussimus, per quod prefatum monasterium, veluti premissum est, cum omnibus rebus sibi pertinentibus, sub nostrę immunitatis tuitione suscepisse universis fidelibus nostris notum esse volumus, precipientesque jubemus ut nulli liceat fidelium Dei atque [8] nostrorum, presentibus vel futuris temporibus, idem intrare monasterium vel in quamlibet sibi pertinentem villam aut agros sive silvas ad causas audiendas aut judicia publica terminanda aut paratas faciendas vel exigendas aut mansiaticos vel [9] paraveredos vel ullam quamlibet redibitionem exigendam, sed quicquid e[x prefati monas]terii rebus exigi potest, abbatibus et monachis in eodem loco Deo servientibus proficiat in stipendiorum augmentis. Statuimus interea ut habeant monachi in eodem loco Domino famulan-[10]-tes, secundum patris Benedicti regulae institutionem, omni tempore [licentiam] ex seipsis eligendi abbatem ac nulli liceat aliquando ex rebus ejusdem ecclesiae quicquam illis subtrahere vel minuere aut homines sibi pertinentes vel super terram ipsius commanentes inquietare, [11] distringere aut fidejussores tollere, sed omni tempore rectoribus et monachis frequenter dicti monasterii quicquid ex eis esse potest, prosit in erogationem et animae nostrae proficiat ad liberationem. Haec namque si quis nostrae bonae voluntatis sancita delere conatus [12] fuerit, tali eum Dominus feriat ultione quatinus nullo modo suam vindicet voluntatem qui hanc nostram infringere voluerit auctoritatem. Ut autem haec magnificentiae nostrę auctoritas omni tempore inviolabilis et a nobis et a successoribus nostris observetur, [13] manu nostra eam subter firmavimus et de anulo nostro sigillari fecimus.

[14] Signum Odonis (Monogramma) gloriosissimi regis.

[15] Troannus notarius ad vicem Eblonis recognovit et (Signum recognitionis in quo notae : Fr-o-ta-rius archi-episcopus am-bas-ci-a-vit Tro-an-nus notarius scripsit. Locus sigilli). In Dei nomine, feliciter.

[16] Datum idus junii, anno Incarnationis Domini DCCCLXXXIII, indictione VIIa, anno secundo regnante domno Odoni regis gloriosi. Actum monasterio Sancti Maximini. In Dei nomine, feliciter. Amen.


Localisation de l'acte

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