897, 21 octobre. — Fisc de Nanteuil[-le-Haudouin].

Eudes, à la requête du comte Richard, concède en pleine propriété à son fidèle Gislebertus des biens fiscaux sis en Atuyer, sur la rivière Norge, savoir quinze manses dans la « villa » de Blanchaincourt et de Véronne (aujourd'hui Saint-Julien), avec une église et la moitié d'une autre.

Référence : Georges Tessier et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des actes d'Eudes roi de France (888-898), Paris, 1967, no42.

A. Original. Parchemin autrefois scellé. Hauteur : 552 mm ; largeur : 548 mm en haut, 546 mm en bas. Archives départementales de la Côte-d'Or, 1 H 2, diplôme n° 11.

a. Joseph Garnier, Chartes bourguignonnes inédites des ixe, xe et xie siècles, dans Mémoires présentés par divers savants à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2e série, t. II, 1849, p. 134, n° CXVI, d'après A.

b. Musée des Archives départementales, p. 24, d'après A.

Indiqué : G. Chevrier et M. Chaume, Chartes et documents de Saint-Bénigne de Dijon..., t. II, 1943. Introduction : Chartes et documents des origines à l'abbatiat de Guillaume... Catalogue sommaire, n° 136, p. XLI.

Indiqué : Favre, Eudes, p. 193.

Fac-similé : Musée des Archives départementales, pl. IX, n° 11.

Fac-similé : Lot et Lauer, Diplomata Karolinorum, fasc. VII, pl. XVII (Eudes, n° 7).

Ce diplôme a été rédigé et écrit de la main du notaire-chancelier Heriveus (voir notre Introduction, p. lii). Inconnu jusqu'en 1845, il avait été alors découvert par l'archiviste de la Côte-d'Or, J. Garnier, dans un résidu du fonds de Saint-Bénigne ; il n'avait pas été transcrit au cartulaire de l'abbaye, les biens dont il portait concession à un particulier ayant échappé dès le xie siècle au monastère. L'identification des lieux (villa Blankenicorte ac Verona) sur la rivière de Norge, affluent de la Tille, a été faite par le chanoine Chaume (loc. cit., p. xli, et, antérieurement, Les Origines du duché de Bourgogne, 2e partie, fasc. III, 1931, p. 907) : Blanchaincourt est une des localités qui se sont fondues dans le village actuel de Saint-Julien, et la Véronne était encore en 1626 le nom de la rivière de Flacey qui se jette dans la Norge à Saint-Julien. Cette identification (différente de celle de J. Garnier) est corroborée par les traces d'une ancienne cote carolingienne inscrite au dos du parchemin, où on lit : [Sancto] Junani.

Il convient de signaler les circonstances dans lesquelles ce diplôme est passé au chartrier de Saint-Bénigne de Dijon. Le 2 septembre 1038, au jour de sa vêture monastique, Renaud, sire de Châtillon[-en-Bazois], fit don à Saint-Bénigne, du consentement de sa femme Élisabeth et de son fils Humbert, d'un alleu héréditaire sis en Atuyer sur la Norge, avec l'église de Saint-Julien : « jure hereditario a parentibus meis mihi relictis... sicut ego per preceptum regale ab antecessoribus meis accepi et ex integro in alodum tenui », à charge d'en laisser la moitié à titre viager à sa femme et d'installer sur l'autre moitié une maison religieuse où vivront trois moines. Renaud ajoute que Saint-Bénigne possèdera ce domaine « non solum dono, sed eciam regali precepto quod habebam » ; cet imparfait ne laisse pas de doute que le diplôme fut remis à l'abbaye à cette occasion. L'acte de Renaud est passé solennellement devant les évêques de Langres et de Soissons et est assorti de lourdes clauses pénales en cas de « calumnia » : 40 livres d'or payables au fisc royal et 400 livres d'argent à la partie lésée.

On ne saurait trop insister sur l'intérêt de ce document qui montre les circonstances dans lesquelles s'est constitué un alleu héréditaire d'origine fiscale, ce que souligne encore ces clauses pénales d'un caractère très exceptionnel pour l'époque.

Gislebertus avait été identifiée par Garnier et par Favre avec le fils de Manassès I de Vergy, qui épousa une fille de Richard le Justicier. Mais ce Gilbert était (ou devint) comte d'Autun, d'Avalois, de Beaunois, etc., et après la mort de ses deux beaux-frères, Raoul (le futur roi) et Hugues, il devait leur succéder à la tête du duché de Bourgogne de 952 à 956 ; sa propre fille épousa Otton, fils de Hugues le Grand, lequel fut duc à son tour de 960 à 965. Il y a donc lieu de douter très fortement de cette identification ; car, à supposer qu'en 897, le « fidèle » Gilbert n'ait eu que vingt ans, il n'aurait pas été appelé au gouvernement de la Bourgogne avant l'âge de soixante-quinze ans et il y a les plus fortes présomptions du contraire. De plus, nous connaissons bien la descendance de la maison de Vergy, et l'on voit mal la filiation qu'il pourrait y avoir entre le duc Gilbert et le Renaud de Châtillon-en-Bazois de 1038. Or celui-ci insiste trop dans sa donation sur la transmission héréditaire de sa terre de Saint-Julien et il n'y a aucune raison valable de douter qu'il faille voir dans ce seigneur du xie siècle, tige de seigneurs puissants du xiiie, le descendant direct d'un fidelis du roi de la fin du ixe siècle.

Dans cette transformation du fidelis ou vassallus dominicus en seigneur, tout comme dans celle de l'ancien fisc royal en alleu, réside, semble-t-il, l'intérêt essentiel de ce diplôme d'Eudes.


(Chrismon) In nomine Domini Dei aeterni et Salvatoris nostri Jhesu Xpisti. Odo clementia Dei rex. Regalis excellentiae ac sublimitatis mos est fideles regni sui donis ingentibus [2] honorare potentesque efficere. Proinde ergo nos morem praedecessorum nostrorum regum videlicet Francorum sequentes, oportet sublimitati nostrae ut quae procerum nostrorum expetierit affabilitas, [3] regia dignanter adimpleat dignitas. Quocirca omnium sanctae Dei Ecclesiae fidelium nostrorumque, tam praesentium quam et futurorum, industria noverit quod, adiens nostrae serenitatis dignitatem [4] Richardus, illustris dilectusque nobis comes, humiliter petiit quatinus cuidam fideli nostro, nomine Gisleberto, quasdam res fiscales in pago Attuerensi sitas per praeceptum nostrae largitatis [5] in jus proprium concedere dignaremur. Cujus petitioni libenter assensum praebentes, concedimus eidem Gisleberto in pago Attuerinse super fluvium qui dicitur Norgia, in villa [6] scilicet Blankenicorte ac Verona, mansos quindecim, cum omnibus ad eosdem pertinentibus rebus, silvis, pratis atque mancipiis utriusque sexus et ecclesia una et medietatem alius [7] ecclesiae. Unde et hoc altitudinis nostrae praeceptum fieri eidemque dari decrevimus, per quod praecipimus atque jubemus ut ab hodierna die ac deinceps praefatus Gislebertus [8] asscriptas res cum integritate omni teneat et possideat, vel quicquid exinde agere decreverit liberam in omnibus habeat potestatem faciendi, sicuti et ex aliis suae [9] proprietatis rebus, nemine inquietante. Ut autem hujus largitionis nostrae praeceptum per tempora labentia inviolabiliter conservetur veriusque [10] ab omnibus credatur, manu propria subter firmavimus et anuli nostri impressione sigillari jussimus.

[11] Signum Odonis (Monogramma) gloriosissimi regis.

[12] S. Heriveus notarius ad vicem Gualterii recognovit et subscripsit. (Signum recognitionis et locus sigilli)

[13] Datum .XII. Kalendas novembris, indictione .XV., anno X reni Odonis gloriosi regis. Actum apud Nantolium fiscum. In Dei nomine, feliciter. Amen.


Localisation de l'acte

Make this Notebook Trusted to load map: File -> Trust Notebook