889, juin [avant le 24]. — Abbaye de Saint-Mesmin.

Le roi Eudes, à la requête de l'abbé de Beaulieu, Gérou (Gerulfus), confirme la protection royale, déjà accordée par ses prédécesseurs à ladite abbaye, et lui accorde le privilège de l'immunité, les contrevenants étant frappés d'une amende de 600 sous. Il lui confirme la « villa » de Chameyrat, donnée par l'archevêque [de Bourges] Raoul (Rodulfus), et celle du Saillant (Orbaciacus), donnée par l'[arch]evêque [de Bourges] Frotier (Frotarius), les manses et les serfs donnés par Ermenricus à Dignac, la « villa » de Girac donnée par le comte [de Quercy] Godefroy (Gothefridus), les biens provenant des échanges faits par l'archevêque Raoul avec l'évêque [de Limoges] Stolidus et le comte [de Quercy] Raimond (Ragemundus). Il donne licence d'établir un marché à Sioniac, dont il affecte le produit au domaine de l'abbaye et qu'il soustrait à l'activité des agents publics. Il autorise les religieux à élire librement leur abbé parmi eux et se réserve enfin la connaissance des causes trop dispendieuses pour l'abbaye.

Référence : Georges Tessier et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des actes d'Eudes roi de France (888-898), Paris, 1967, no4.

A. Original perdu.

B. Copie du milieu du xiie siècle, dans le Chartularium monasterii Sancti Petri de Belloloco, Bibliothèque nationale, ms. nouv. acq. lat. 493, fol. 15 v°, d'après A (acquis en 1890, c'est le « manuscrit Costa, à Beaulieu », utilisé par d sous le sigle C).

C. Copie du xviie siècle par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Du Chesne, vol. 22, fol. 322.

D. Copie du xviie siècle, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12858, p. 26, « ex chartul. D. Justel, quod nobis concessit D. d'Hérouval, 1660 ».

E. Copie du xviie siècle, Bibliothèque nationale, ms. lat. 17674, fol. 116 v°.

F. Copie du xviie siècle, Bibliothèque nationale, ms. lat. 17674, fol. 132.

G. Copie partielle du xviie siècle, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12777 (D. Estiennot, Miscellanea monastica, A-C), p. 166, « ex cartulario Belliloci, exemplari recenti et vitiosissimo, p. 17 ».

H. Copie du xviie siècle pour D. Bouquet, Bibliothèque nationale, nouv. acq. fr. 22211, fol. 62.

I. Copie de 1722 pour le président Bouhier, Bibliothèque nationale, ms. lat. 17089, p. 601.

a. Chr. Justel, Histoire généalogique de la maison de Turenne, Preuves, p. 12, éd. incomplète, d'après B.

b. Baluze, Historia Tutelensis, appendix, col. 319, d'après B.

c. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 441, n° II (ann. 888), d'après B.

d. M. Deloche, Cartulaire de l'abbaye de Beaulieu (Collection des documents inédits), n° XII, p. 28, d'après B, C, D, E, F, I.

e. R.-H. Bautier, Les diplômes carolingiens suspects pour l'abbaye de Beaulieu-en-Limousin (Bulletin philologique et historique, 1955 et 1956 [1957], p. 396-398), d'après B.

Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1871.

Indiqué : Favre, Eudes, p. 123 et n. 5.

Indiqué : J. de Font-Réaulx, Diplômes carolingiens de l'abbaye de Beaulieu (Le Moyen Age, t. XLI, 1931, p. 4-10).

Indiqué : F. Lot, Le diplôme de Charles le Chauve du 13 juillet 876 pour l'abbaye de Beaulieu-en-Limousin (Le Moyen Age, t. XLIV, 1934, p. 88-92).

Indiqué : G. Tessier, Charles le Chauve, t. I, n° 207, p. 525 ; t. II, n° 409, p. 415.

Indiqué : R.-H. Bautier (cité sous la lettre e), p. 375-398.

Comme les actes nos 6, 7 et 8, le présent diplôme ne comporte pas, dans la date, d'indication du quantième. Le lieu d'expédition (Saint-Mesmin de Micy), qui s'y trouve mentionné au contraire de ces actes, nous permet de le placer antérieurement au 24 juin, puisque ce jour était délivré un diplôme (n° 5) à Orléans, tandis que le roi était à Saint-Mesmin les 13 et 16 juin (nos 1, 2 et 3). Peut-être cet acte serait-il antérieur au 13 juin, si l'on admettait un développement logique dans les règles de datation de ces premiers diplômes de la chancellerie d'Eudes : nos 6, 7 et 8 (en juin, sans quantième ni lieu), puis n° 4 (en juin sans quantième mais avec indication du lieu), ensuite les nos 1 et 2 (13 et 16 juin, avec indication du quantième et du lieu).

Nous avons examiné dans le mémoire cité ci-dessus les problèmes posés par les diplômes carolingiens de l'abbaye de Beaulieu et spécialement par ce diplôme d'Eudes ; nous nous permettons d'y renvoyer et nous en résumons seulement ici les résultats.

Eudes confirme les préceptes royaux de protection, accordés par ses prédécesseurs, Charles le Chauve en 859 et Carloman en 882 et il les complète par l'octroi de l'immunité. Il confirme ensuite diverses donations, mais non pas toutes celles qui ont été faites à cette époque à l'abbaye ; sans doute peut-il s'agir seulement des biens d'origine fiscale. Ces biens sont : Chameyrat, donné à l'abbaye par l'archevêque Raoul qui le tenait en bénéfice de Charles le Chauve ; Le Saillant (Orbaciacus) donné en 887 par l'archevêque Frotarius, lequel l'avait acheté peu de temps auparavant, en pleine propriété, au comte de Toulouse Eudes et à sa femme ; des manses à Dignac, donnés par Ermenricus en 885 ; la « villa » de Girac, donnée par le comte Godefroy de Quercy, frère de l'archevêque Raoul, en octobre 866 ; des biens donnés par l'archevêque Raoul en mai 859, après les avoir reçus en échange du comte de Quercy Raimond et de l'évêque de Limoges Stolidus, c'est-à-dire essentiellement l'église et des terres à Sioniac et un manse à Veliavinea. Nous devons noter que cette dernière donation concernait Sioniac, mais que le diplôme, sous sa forme actuelle, ne mentionne pas Sioniac à la place ou elle devrait être portée à l'occasion de cet échange Cependant la phrase du diplôme est difficilement compréhensible et nous sommes disposé à supposer une interversion de mots et à proposer une correction. Au lieu de : « Similiter et commutationes quas... fecerunt. Concedimus etiam Siviniaco villa, et vico sibi licentiam habeant mercatum construendi... », nous proposons de lire, en supposant un signe d'interversion, non compris par l'auteur du cartulaire, et en corrigeant et vico en ut in eo, paléographiquement vraisemblable : « Similiter et commutationes quas... fecerunt in Siviniaco villa. Concedimus etiam ut in eo sibi licentiam habeant mercatum construendi... ».

Cette longue clause autorisant la construction d'un marché, en affectant les revenus à l'abbaye, interdisant aux agents publics d'y intervenir etc., paraît ici à sa place et formulée d'ailleurs en termes parfaitement admissibles, tandis que dans le privilège de Charles le Chauve de 859 elle constituait, en plein milieu d'un privilège d'ordre général, une évidente interpolation.

Le précepte se termine au contraire par une interpolation possible, que nous avons également condamnée à propos du diplôme de Carloman de 882 : la réservation à l'audience royale des causes trop dispendieuses pour l'abbaye. Si cette clause en elle-même n'est pas absolument aberrante, elle est insérée après l'annonce du monogramme et du sceau. On ne peut même pas songer à un oubli du scribe, qui aurait rejeté cette phrase à cette place, car elle ne semble se relier à aucune autre phrase du dispositif.


In nomine Domini Dei ęterni et Salvatoris nostri Jhesu Xpisti. Odo misericordia Dei rex. Si erga loca divinis cultibus mancipata, propter amorem Dei, servis Xpisti et eisdem ei famulantibus beneficia largimur oportuna, pręmium nobis a Domino ęterne retributionis ob id rependi minime diffidimus. Quapropter noverit omnium fidelium Dei nostrorumque, tam presencium quam et futurorum, sollercia, quia adiit clementiam nostram venerabilis abba nomine Gerulfus ; deprecatus est ut monasterium situm in pago Tornensi, super fluvium Dornonię estque constructum in honore clavigeri Petri, ubi prefatus abba cum non modica turba monachorum amabilem Deo videtur exhibere servitutem, sicut a predecessoribus nostris regibus decretum est, ipsum monasterium sub nostra tuicione et defensione reciperemus, quod ętiam libenti animo facere decrevimus. Quapropter volumus et per nostrae auctoritatis precepto decernimus atque omnino constituimus ut nullus judex publicus vel quislibet exactor reipublicę aut ex judiciaria potestate, in cellas, villas vel loca seu agros vel reliquas possessiones memorati monasterii, quas moderno tempore infra potestatem regni nostri juste vel racionabiliter possidet, sicut in preceptis regum precedencium que in presenti habentur continetur, vel quę deinceps in jurę monasterii ejusdem divina pietas voluerit augere, ad causas audiendas vel freda aut tributa seu thelonea exigenda aut mansiones vel paratas faciendas vel fidejussores tollendos necnon ejusdem monasterii ingenuos quam servos super terram ipsius commanentes distringendos nec ullas redibiciones requirendas, nostris futurisque temporibus ingredere audeat, vel ea quę superius nominata sunt pęnitus exigere presumat. Confirmamus ętiam villam quam Rodulfus archiepiscopus donavit, Camariacum, in pago Lemovicino, cum omnibus ad se pertinentibus et mancipiis utriusque sexus ; similiter, in eodem pago, in valle Exandonense, Orbaciacum villam, quam Frotarius episcopus dedit sancto Petro, cum omnibus ad se pertinentibus ; similiter, in eodem pago, in vicaria Barrense, mansos et mancipia quę Ermenricus per quartam censionis donavit sancto Petro, cujus caput vocatur Dinachus ; et in alio loco, in pago Caturcino, villam Agaracum, quam Gothefridus comes dedit sancto Petro ; similiter et commutaciones quas Rodulfus archiepiscopus et Stolidus episcopus et Ragemundus comes inter se fecerunt. Concedimus ętiam Siviniaco villa, et vico sibi licentiam habeant mercatum construendi, et quicquid inde exigitur eorum dominio deputetur. Ideoque constituimus ut nulli liceat eidem loco aliquam inferre litem, et neque comes aut aliquis judicum reipublice exactor de tractis aut theloneis cujuscumque mercati vel parafredi seu angariis ac paratis nec in fidejussoribus nec in hominibus tam ingenuis quam servis supra potestatem predicti loci, id est Bello lo, commanentibus neque districtionem nec aliquam redibicionem loco manui nostrae subactum aliquando inferre presumat. Simili modo ętiam concedimus ut si aliquis temerario ausu ex his omnibus quę jubemus vel decernimus aliquid infringere seu violare temptaverit, sexcentorum solidorum pręcio damno digne judicetur usibusque fratrum rite deputetur. Si vero vocacionis divine tempus abbati prędicto aut alicui successorum ejus advenerit, constituimus ex semetipsis secundum regulam sancti Benedicti eligere proprium abbatem absque ullius contradictione vel prohibicione. Ut vero testamenti nostri auctoritas per succedentia tempora pleniorem atque, in Dei nomine, optineat vigorem et a fidelibus ętiam nostris verius firmiusque credatur, manu propria eam subter firmavimus anulique nostri impressione insigniri rogavimus. Si autem adversus eos causę ortę fuerint quę habeant gravis dispendii expensam, ad nostram reserventur presentiam.

Signum Odonis gloriosissimi regis.

Actum Sancti Maximini monasterio subtus Aurelianis civitate.

Troannus notarius ad vicem Eboli recognovit.

Datum mense juni, anno Incarnacionis Domini DCCCLXXXVIIII, indictione VI, anno secundo Odonis regis. In Dei nomine, feliciter. Amen.


Localisation de l'acte

Make this Notebook Trusted to load map: File -> Trust Notebook