NS.
Acte faux
Eudes, à la requête de son frère, Robert, « dux Francorum » et abbé de Saint-Aignan [d'Orléans], confirme le don fait à cette abbaye par une nommée « Logia » du clos de vigne d'« Arena » avec tous les terrains voisins situés dans l'enceinte du monastère et d'une île de la Loire avec l'eau du fleuve, le roi consentant que les chanoines possèdent ces biens et en disposent indépendamment de leur abbé.
A. Pseudo-original perdu.
a. R. Hubert, Antiquités historiques de l'église royale Saint-Aignan d'Orléans, 1661, preuves, p. 76, « ex tabulario ecclesiae Sancti Aniani ».
b. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 462, n° XXV, d'après a.
Indiqué : Analyse, d'après une copie de 1667, Bibliothèque nationale, ms. fr. 11994, p. 569.
Indiqué : Favre, Eudes, p. 97 et 228 (vers 893 : cf. Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 349, ad ann. 893).
Indiqué : J. Dhondt, Études sur la naissance des principautés territoriales en France (Rijksuniversiteit te Gent. Werken uitg. door de Faculteit van de Wijsbegeerte en Letteren, 102e Afl., 1948), p. 102, n. 1.
Ce diplôme appartient, selon toute vraisemblance, à la catégorie des faux d'érudition, qui comptent souvent parmi les plus habiles. Une seule source nous en a transmis le texte : l'édition en 1661 des preuves des « Antiquités historiques » de l'abbaye de Saint-Aignan par R. Hubert, qui prétend avoir trouvé dans le chartrier de l'église une charte du roi Robert contenant en vidimus la série des plus anciens titres de Pépin le Bref à Eudes. Ce prétendu vidimus royal, qui serait le premier connu, n'est pas daté et sa forme est plus que suspecte, bien que Hubert affirme l'avoir vu « scelé d'un gros scel de cire blanche où est représentée l'effigie d'un roy couronné tenant en la main droite une double croix et en la gauche une pomme, et autour sont écrits ces mots : Rodulfus, gratia Dei rex Francorum... ». M.W.M. Newman (Catalogue des actes de Robert II, n° 136) a souligné certaines anomalies. Notons spécialement que le diplôme de Robert aurait pris la forme d'un véritable « cartulaire » : « unde placuit ut immunitates et praecepta regum in uno volumine conscripta manu nostra confirmarentur ».
Si l'on en croyait Hubert, les originaux des divers diplômes vidimés existaient encore de son temps : « la distinction s'en fait facilement par les actes des originaux qui sont au Trésor de nostre Église ». Nul cependant ne les a vus, ni n'en a tiré copie, et, lorsqu'en 1667 (après la publication de l'œuvre de Hubert), on éprouva le besoin d'en tirer une copie notariée, ce n'est point sur l'« original » qu'elle fut dressée : on présenta à un notaire parisien une copie notariée sur parchemin qui aurait été réalisée en 1518 au greffe d'Orléans ; encore ce « cartulaire » était-il « entre les mains du prevost de Tillay » et non au Trésor de Saint-Aignan (Bibl. nat., ms. fr. 11994, p. 569).
Le diplôme de Charlemagne et les deux diplômes de Louis le Pieux, reproduits dans le vidimus du roi Robert ont été attentivement examinés à la fois par Sickel et par Mühlbacher qui, tous deux, ont conclu à leur fausseté évidente, en dépit d'une présentation apparemment érudite. Ph. Lauer en revanche n'a élevé aucun soupçon à l'encontre des deux diplômes de Charles le Simple du 19 juin 914. Quoiqu'il en soit, le diplôme d'Eudes nous apparaît comme des plus suspects : suscription royale inexacte (Odo gratia Dei rex), absence de préambule, de date et de souscription de chancellerie, notification de forme inhabituelle, monogramme de fantaisie. L'intimatio du requérant se substitue à l'ordinaire precatio : la comparaison est aisée avec d'autres diplômes impétrés du roi par son frère ; la formulation de l'exposé est faite en termes étrangers à la chancellerie d'Eudes ; la clause mettant les biens des chanoines hors du contrôle de l'abbé est, de plus, de nature à inspirer des doutes.
Notons surtout que Robert est qualifié de dux Francorum ; or, écrit M. Dhondt (loc. cit.), « c'est là un cas unique non seulement pour le règne d'Eudes, mais encore pour les règnes de Charles le Simple et de Raoul... elle précède de quarante ans toute autre mention similaire. Cela suffirait déjà, dit-il, à justifier toutes les défiances ».
Mühlbacher estimait que la fabrication des diplômes de Charlemagne et de Louis le Pieux ne pouvait être antérieure au règne de Robert le Pieux : c'est ce roi en effet qui reconstruisit l'abbaye et qui, en 1029, au témoignage du moine Helgaud, procéda à sa dédicace et à la translation solennelle des reliques de saint Aignan. En fait, la forgerie du prétendu vidimus se situe nécessairement bien après le xie et même le xiie siècle, celle des actes qui s'y trouvent insérés aurait exigé des connaissances peu communes chez les hommes du Moyen Age. Pour notre part, nous pensons donc qu'il s'agit, pour tous les textes, d'une forgerie moderne : leur but était de donner un fondement aux « antiquités historiques de l'abbaye royale » et d'établir une prétendue liste d'abbés. Chacun des diplômes en effet nous indique un illustre abbé, un Théodulphe, évêque (qualifié d'archevêque) d'Orléans, ou, ici, le frère même du roi, Robert, prétendu « duc des Francs ».
In nomine Domini Dei aeterni et Salvatoris nostri Jhesu Christi. Odo gratia Dei rex. Noverit omnium fidelium industria quia charissimus nobis Robertus, dux Francorum et abbas monasterii Sancti Aniani, nostrae excellentiae intimavit quod quaedam Dei ancilla, nomine Logia, vineam clausi quod dicitur Arena, cum omnibus areis in circuitu ipsius monasterii et prope ipsam vineam sitas [sic] et insulam cum aqua Ligeris et omnibus adjacentibus, in jus proprietarium aeternaliter canonicis habendum et possidendum tradidit ut ipsi [et] successores eorum haec omnia absque alicujus futuri abbatis contradictione possiderent. Quocirca idem illuster dux videlicet Robertus nostram humiliter postulavit celsitudinem ut canonicis ipsam vineam et areas et insulam et Ligeris aquam nostrae auctoritatis praecepti in perpetuum habendas et ecclesiae possidendas confirmaremus. Cujus petitionibus consentientes, hoc nostrae altitudinis praeceptum damus, per quod praecipimus atque confirmamus ut praefati canonici ipsam vineam et areas et Ligeris aquam et insulam absque ullius abbatis contradictione possideant, teneant atque disponant. Ut autem hoc nostrae auctoritatis scriptum firmius habeatur, manu propria subter illud firmavimus et annuli nostri impressione sigillari jussimus.
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Sig. O.I.S.S.R.
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