889, juin.

Eudes, du consentement de ses grands et à la requête de Sabborellus, abbé de Saint-Paul de Fontclara, prend sous sa protection ce monastère, récemment construit dans le « pagus » de Gérone par cet abbé et ses « vicini », et lui confirme ses possessions ; il y ajoute ce qui appartient au fisc dans la « villa » de Boada, ainsi que la maison de Santa-Reparada avec les vallées et la forêt de Morella, la maison de « Sanctus Mathaeus » et la « Font Clara » qui coule dans l'abbaye ; il lui concède en outre l'immunité et la liberté de l'élection abbatiale, à charge de prières pour lui, les siens et le royaume.

Référence : Georges Tessier et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des actes d'Eudes roi de France (888-898), Paris, 1967, no6.

A. Original. Parchemin jadis scellé. Hauteur : 627 mm, à gauche, 656 mm à droite ; largeur : 485 mm en haut, 495 mm en bas. Bibliothèque nationale, ms. lat. 8837, fol. 63.

B. Copie collationnée en 1668 par Gratian Capot, Bibliothèque nationale, Collection Doat, vol. 66, fol. 92, d'après A.

a. Recueil des historiens de la France, t. IX, n° V, p. 444, d'après A, « in Bibliotheca regia ».

b. R. d'Abadal, Catalunya carolíngia, vol. II, 1re partie, p. 112-115, Fontclara n° I, d'après A.

Fac-similé : de l'original : Lot et Lauer, Diplomata Karolinorum, VI, pl. IV (Eudes, n° 1).

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 341.

Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1875.

Indiqué : Histoire générale de Languedoc, éd. Privat, t. V, col. 1647, n° XXII, d'après B.

Indiqué : Favre, Eudes, p. 124, note.

Ce diplôme, dont l'authenticité ne peut faire aucun doute, a une place à part parmi les diplômes originaux de la chancellerie sous le notaire-chancelier Throannus : d'abord parce qu'il n'est pas écrit par ce notaire lui-même (cf. notre introduction, p. xlix-l) ; ensuite à cause de certains détails formels. Ainsi dans le protocole final, le nom du notaire est écrit en lettres capitales et la date en très grands caractères. L'annonce de la souscription royale : eas subter firmavimus, ne fait pas expressément mention de la manus propria du roi, comme il est de règle. La date ne comporte qu'une partie des éléments habituels : mois, année de l'Incarnation (avec la faute fréquente : 888 pour 889) et année du règne ; il manque le quantième, l'indiction et la date topographique introduite par le mot Actum. Mais ce diplôme a précisément ce trait en commun avec les nos 7 et 8, qui indiquent cependant l'indiction. Ceux-ci orthographient aussi Troannus (ou Troanus) le nom du notaire et non pas Throannus, et de même Eboli (ou Ebuli) le nom du chancelier et non pas Eblonis : nous sommes donc en présence d'un petit groupe homogène de diplômes dressés sans doute par un même scribe au début du règne. Le type du monogramme s'apparente d'ailleurs à celui du n° 2, antérieurement à la fixation du type définitif.

On notera en tout cas l'effroyable syntaxe de ce diplôme, aussi mauvaise que celle des nos 7 et 8 : le texte reproduit sans nul doute en très large partie la pétition présentée par l'établissement destinataire.

Il s'agit ici de l'unique document qui nous soit parvenu concernant cette abbaye de Saint-Paul de Fontclara. Sans doute celle-ci ne survécut-elle pas à son fondateur et premier abbé. Le diplôme nous est en effet parvenu par le fonds d'archives de l'abbaye de La Grasse au diocèse de Carcassonne, indice certain de l'union de Fontclara au temporel de cette abbaye. M. d'Abadal qui a d'ailleurs conclu en ce sens, a écrit (op. cit., p. 112) : « Pourtant nous ignorons à quelle date et en quelles circonstances eut lieu cette agrégation. Il est certain que ni dans les préceptes francs, ni dans les bulles jusqu'à celle du pape Gélase de 1119 qui comporte un inventaire très détaillé des possessions obtenues par La Grasse, ne figure jamais une mention de notre monastère ». En fait c'est entre 899 et 908 que La Grasse prit possession de Fontclara : aucune allusion n'y est faite dans le diplôme de Charles le Simple du 29 mai 899 ; par contre, on lit dans le diplôme suivant de ce même souverain, du 3 novembre 908, parmi les très nombreux biens dont la possession était confirmée à La Grasse : « In pago Gerundense, Fonte clara cum ecclesia sancti Pauli, quod donavit Odo rex per preceptum ad Saborellum abbatem, ipsos fiscos quod in precepto Odono regi resonant et Wifredus comes ipsos fiscos consensit ». La référence à notre diplôme d'Eudes est certaine, bien que l'analyse n'en soit point tout à fait exacte, le roi n'ayant pas donné l'abbaye et les biens fiscaux à l'abbé Saborell, mais ayant donné des biens fiscaux à l'abbaye gouvernée par l'abbé Saborell. Une telle distinction juridique sur la notion de propriété était-elle encore bien sentie par les hommes de cette époque ? On remarquera avec intérêt que le texte du diplôme de Charles le Simple signale le consensus du comte Wifred à la cession par le roi de biens du fisc ; cette mention n'est pas isolée, mais n'en est pas moins importante. C'est certainement à tort que Ph. Lauer estimait que cette référence au comte Wifred se rapportait à une donation faite à l'abbaye de La Grasse par ce comte en 878, mais relative à des biens tout différents à Prades et en Conflent ; il s'agit évidemment d'un acte, aujourd'hui perdu, du comte Wifred, délivrant à l'abbaye de Fontclara les possessions du fisc que le roi Eudes avait concédées à celle-ci.

Il semble bien que dès 908 l'abbaye de Fontclara avait perdu son caractère monastique : elle est seulement désignée comme ecclesia Sancti Pauli et non pas comme cella ou domus. La Grasse dut en perdre assez rapidement le contrôle, car nous n'en retrouvons nulle trace dans les documents ultérieurs de l'abbaye.


(Chrismon) In nomine Domini Dei et Salvatoris nostri Jhesu Xpisti. Odo, misericordia Dei rex. Si erga loca divinis cultibus mancipata propter amorem Dei servis Xpisti in eisdem ei famulantibus [2] beneficia largimur oportuna, proemium nobis a Domino ob id aeterne retributionis rependi non diffidimus. Idcirco noverit omnium fidelium nostrorum, tam praesentium quam et futurorum, sollertia quia adiit [3] sollertiam nostram venerabilis abba, nomine Sabborellus, monasterii qui dicitur Fons Clara, qui est situs in pago Gerundensi, ecclesiaque in honore sancti Pauli apostoli, et deprecatus est nos ut predictum locum, noviter [4] ab illo et vicinis ejus aedificatum, sub nostra defensione et tuitione susciperemus. Cui libenter optemperantes, simul cum procerum nostrorum fidelium consensu, decrevimus quatinus praefatus abba et omnia [5] ad ipsum locum pertinentia et omnibus ibidem a vicinis largitis ita precepto nostro sancimus. Placuit etiam nobis ut quicquid in villa Boada vel infra ejus terminos ex fisco esse dinoscitur, ibi conce-[6]-dimus, et in alio loco infra predicto territorio domum Sanctae Reparate con valles et silva vel loca Morella, discurrente terminia per littore maris de ipso gradu sicut aqua discurrit subtus domum [7] jam dictae Reparate usque ad ipso stagniolo et pervenit ad cacumina montis Guardiae, de alia parte pergit ad stagnum Dodoni, et de tertia parte per cacumina Castellarum montis Aspero, sicut aqua [8] vergit a villa Palus vel ad ipsos stagnos usque ad praedicto gradu ; et in alio loco domum Sancti Mathaei cum omnibus curticiis suis ad se pertinentibus. Haec omnia concedimus illi vel successoribus suis [9] una cum ipsa fonte quę dicitur Clara, in ipso monasterio defluente, cum ................ sive terris in heremo positis ibidem consistentes in supradictis locis ad proprio. Et constituimus ut nullus comes, [10] judex aut quislibet rei publicae exactor, neque in theloneis, neque in pascuariis, neque de hominibus illorum circumquaque commanentibus, nec in nulla redibitione neque exactione, aliquam vim vel occasionem inferre [11] praesumat, nec in mallis, neque in ullis locis illis litem inferat, non solum de dudum quocumque modo licitae impetratis, sed abhinc ritae de quocumque homine vel parentum illorum acceptis, aeternaliter teneant, [12] nullo eos impediente, quatinus pro nostra et conjugis prolisque nostrae ac totius regni [a] D[e]o nobis collati [stabilitate] Domini clementiam implorare delectet ; proprioque abbate divina vocatione rogato quemcumque [13] juxta ordinem et regulam sancti Benedicti elegerint, perpetuo habeant abbatem. Ut autem hae litterae firmiorem atque nobiliorem optineant melioremque vigorem, a fidelibus vero nostris per succedentia tempora [14] firmius credantur, eas subter firmavimus anulique nostri impressione insigniri jussimus.

[15] Signum Odonis (Monogramma) gloriosissimi regis.

[16] TROANNUS NOTARIUS AD vicem Eboli recognovit et (Signum recognitionis, cum notis : et subscripsit. Locus sigilli).

[17] Datum mense junii, anno Incarnationis Domini DCCC LXXXVIII., anno secundo Odonis gloriosissimi regis. In Dei nomine, feliciter. Amen.