891, 10 octobre. — Poitiers.

Pièce complémentaire

Le jeune Èbles ayant donné à Saint-Martin de Tours, pour le repos de l'âme de son père Ramnulfus, de ses oncles Gauzbertus et Èbles, de la sienne propre et de ses autres parents, trois alleux : Layré et son église Saint-Pierre, dans le « pagus » de Brioux[-sur-Boutonne] et la « vicaria » de Savigné-sur-Charente, que son père avait acquis de son cousin Adalardus, fils d'Ededo, et qui comporte 44 « manselli » ; Sully, près de Doussay, avec son église Saint-Sauveur, dans le « pagus » de Poitiers et la « vicaria » de [Saint-Jean-de-]Sauves, que son père avait acheté à son cousin Ramnulfus et qui comporte 40 quartes ; et Courcôme, dans le « pagus » de Brioux[-sur-Boutonne] et la « vicaria » de Villefagnan, qui contient 34 quartes, le doyen de Saint-Martin Fulradus, le trésorier Bernon et les autres frères du consentement de l'abbé Robert, les concèdent audit Èbles en précaire et y ajoutent la « villa » de Doussay et son église de Saint-Martin, dans le « pagus » de Poitiers et la « vicaria » de Brizay, comportant 106 quartes, jadis remise à l'abbaye par Charles [le Chauve], puis usurpée par Magenarius et son fils Osbertus, restituée aux religieux par Eudes à Orléans et ensuite consignée au comte Ramnulfus, ladite précaire étant accordée, moyennant un cens annuel de cent sous, audit Èbles, ainsi que, après son mariage, à son épouse Aremburgis et éventuellement, à leur fils aîné.

Référence : Georges Tessier et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des actes d'Eudes roi de France (888-898), Paris, 1967, noNS.

A. Original perdu.

B. Copie du début du xviiie siècle, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 76, fol. 158 (anc. 154).

C. Copie du xviie siècle par Jean Besly, Bibliothèque nationale, Collection Dupuy, vol. 841, p. 13, d'après la Pancarte noire, n° XVII.

D. Copie du xviie siècle, en partie figurée, Florence, Bibliothèque Laurentienne, Collection Ashburnham, ms. 1836, fol. 34, sans doute d'après la Pancarte noire.

E. Copie du xviie siècle, Bibliothèque nationale, Collection Du Chesne, vol. 49, fol. 121, d'après la Pancarte noire.

F. Copie (abrégée et fautive), de 1643, par Dom Lesueur, Bibliothèque nationale, ms. lat. 13898, fol. 76 v°, n° 66 (anc. p. 64).

G. Copie du xviiie siècle, Bibliothèque nationale, ms. lat. 17709 (recueil de copies de Bouhier), p. 67-69, d'après D.

H. Copie abrégée du début du xviiie siècle, Bibliothèque nationale, collection Baluze, vol. 76, fol. 162 (anc. 158).

a. J. Besly, Histoire des comtes de Poictou, 1647, p. 209, d'après C [892].

Indiqué : É. Mabille, La pancarte noire de Saint-Martin de Tours, n° XVII, p. 68, et p. 179, n° 92 [890].

Indiqué : E. Favre, Eudes, p. 126.

Indiqué : L. Auzias, L'Aquitaine carolingienne, p. 441, n. 77.

Nous croyons utile d'éditer ici et d'étudier cette précaire, parce que, non seulement elle rappelle un acte d'Eudes (cf. Recueil, acte n° 9), mais aussi parce qu'elle mentionne expressément l'archichancelier Èbles, dont le précariste était le neveu et que nous l'avons plusieurs fois invoquée au cours de notre introduction. De plus, le document n'a été publié qu'une seule fois, au xviie siècle, et fort mal.

Cette précaire n'est pas sans soulever quelques difficultés, vu l'histoire de la « villa » de Doussay dans la seconde moitié du ixe siècle. A l'en croire en effet, Charles le Chauve aurait restitué ce domaine à l'abbaye : « olim rex domnus Karolus ad usus fratrum per suum preceptum restauravit ». De même une autre précaire concernant ce même domaine, dont il sera question plus loin, en faveur du père d'Èbles, affirmait aussi : « olim domnus Karolus per praeceptum ad serviendum fratribus reddidit ». Nous ne connaissons pas un tel précepte de Charles le Chauve opérant expressément cette restitution aux religieux de Saint-Martin, sinon la confirmation solennelle du 23 avril 862, dans laquelle, parmi de très nombreux autres biens, figurait Doussay sous la forme suivante : « Dociacus cum capella ac manso dominicato et factis XXXIIII ». Il n'y aurait donc pas eu un diplôme spécial de restitution de la part de Charles, mais affectation à la mense capitulaire de biens dont certains avaient été tenus jusque-là par les abbés. Nous en voyons une preuve dans la phrase dont se servira en 894 le comte-abbé Robert, restituant une nouvelle fois Doussay à la mense capitulaire : « quam quidem villam delegaverat olim gloriosissimus rex, senior noster Carolus, canonicis Sancti Martini per praeceptum..., sicut aliae villae ad ipsos fratres pertinentes illis ad eorum usu deserviebant ».

On peut aussi se demander si, lorsqu'ils ont fait inscrire Doussay au nombre de leurs biens en 862, les chanoines de Saint-Martin en avaient bien la possession. Nous ne devons pas croire notre précaire lorsqu'elle affirme : « post multum tempus Magenarius dolo usurpavit et post eum filius ejus Osbertus injuste tenuit ». A nos yeux, il n'y eut en effet ni dol, ni usurpation proprement dite ; car l'acte de précaire dont il a déjà été question et sur lequel nous allons revenir, nous révélait que, après la « restitution » ordonnée par Charles le Chauve, « Magenarius et ejus filius Osbertus injuste in beneficio tenuerunt » : autrement dit, ces personnages tenaient le domaine en bénéfice de l'abbé et ce dernier point nous est attesté indirectement par l'acte déjà cité du comte-abbé Robert en 894, puisque celui-ci à cette date le restituera à la mense capitulaire.

La restitution d'Eudes ne dut pas davantage avoir d'effet sur la possession du domaine : l'année même où Eudes à Orléans « restituait » Doussay, le puissant comte de Poitou Ramnulfus sollicitait des religieux la remise de cette même « villa », dont, nous dit-on, dépendait vingt autres « villae » ; il les reçut en précaire, offrant à titre de compensation trois autres alleux qu'il reprenait de même en précaire, sa vie durant et pour celle de son fils Èbles, sous condition de leur retour à l'abbaye après leur décès. Nous noterons que le comte ne faisait aucune mention d'une quelconque mesure d'Eudes en la matière ; l'abbé Robert, frère du roi, donna son accord à l'opération. Dans ces conditions, il est permis de penser que l'acte royal n'avait été qu'une simple formalité, à un moment où, pour des raisons politiques, lui et son frère acceptaient que le comte de Poitou — qui naguère avait été compétiteur d'Eudes au royaume et venait de faire sa soumission — arrondît ses domaines des possessions poitevines de Saint-Martin.

Très peu de temps après, sans doute le 5 août 890, Ramnulfus mourait brusquement : aux termes du contrat, la précaire aurait dû passer automatiquement sur la tête de son fils. En fait l'abbaye obtint que soit rédigé un nouvel acte, celui que précisément nous étudions présentement : sans doute les religieux tenaient-ils à réserver l'avenir et ils le pouvaient d'autant mieux qu'ils avaient affaire cette fois à un jeune homme, « Ebolus, juvenili adhuc aetate florens ». Èbles ne tint d'ailleurs pas Doussay longtemps ; on sait que le roi, dès la fin de 891 ou le début de 892, le dépouilla de son comté qu'il donna à son propre frère Robert. Celui-ci dut ainsi s'emparer des domaines propres d'Èbles, notamment de Doussay, puisque le jour de Pâques, 31 mars 894, il le restituait très solennellement par son gant déposé sur le tombeau même de saint Martin, rejetant les usurpations antérieures sur la méchanceté de certains et sur les conséquences de l'occupation par les « païens » de cette région occidentale, « occiduas partes ». Ainsi la mense capitulaire récupérait-elle de la main du comte-abbé la possession d'un bien qui lui échappait sans doute depuis bien longtemps et que les actes successifs de Charles le Chauve et d'Eudes avaient été bien incapables de lui assurer.

La précaire publiée ci-après présente une discordance dans sa formule de datation : l'année de l'Incarnation et le chiffre de l'indiction concordent avec l'année 891, la troisième année du règne répond au contraire à 890. La concordance des deux premiers éléments nous conduise à adopter cette date de 891, d'autant plus volontiers que l'erreur du scribe de la Pancarte noire, III pour IIII, semble des plus vraisemblables.

G est une copie très soignée qui reproduit exactement D : pour des raisons de commodité, nous signalons ci-après les variantes de cette copie et non celles de D que nous n'avons pas eue entre les mains.


(Chrismon) Cum multiplex misericordia Dei multis modis remedia poenitentiae generi humano contulisset, hanc etiam laudabilem consolationem unicuique homini non denegavit ut quilibet homo, degens in hac valle lacrimarum et mente considerans nequitiarum suarum multitudinem justo libramine, possit res suas erogare seque redimere, teste Scriptura quia « sicut aqua extinguit ignem, ita elemosina extinguit peccatum » et in Evangelio voce dominica dicitur : « Quicumque dederit calicem aquae frigidae, tantum in nomine meo non perdat mercedem suam ». Quamobrem ego Ebolus, juvenili adhuc aetate florens, videns cotidie judicium Dei in minimis et maximis et istius saeculi deciduum lapsum, in quorum intentu meos quidem agnosco casus, ac tractans aetatis meae excessus pavensque diem tenebrarum et caliginis, quatinus propitium habere merear Creatorem meum ejusque omnes sanctos intercessores maximeque beatum Martinum adjutorem, pro remedio animae genitoris mei Ramnulfi, cujus mercede hujus rationis exordia obtinui, ac avunculorum meorum Gauzberti et Eboli et retributione animae meae seu aliorum meorum parentum, offero omnipotenti Deo ac sancto Martino, confessori suo, seu fratribus ejusdem congregationis, donatumque in perpetuum esse volo, alodum meum proprium quem haereditate paternali hereditavi, nuncupantem Aleriacum, in pago Briosinse, in vicaria Saviniacinse super fluvium Carantum, cum ecclesia in honore sancti Petri constructa et corte dominica ac viridiario, cum vineis, silvis, farinariis duobus, pratis, pascuis, aquis aquarumve decursibus, mobilibus et immobilibus suisque omnibus adjacentiis ac mancipiis utriusque sexus inibi commanentibus, sicut a nobis praesenti tempore possideri videtur, totum ad integrum, cultum et incultum, quaesitum et ad inquirendum, de jure meo in jus et dominationem praedicti patris sancti Martini et fratrum ejusdem congregationis perpetualiter habendum, tradimus et donamus, veluti per instrumenta cartarum ab Adalardo filio Ededonis, nostro propinquo, illum obtinuit pater meus, habentem in se plus minus mansellos XLIIII ; et in alio loco similiter dono donatumque esse volo alterum alodum, nuncupantem Ciliacum, in pago Pictavensi, in vicaria Salvinse, prope villam sancti Martini ac eorumdem fratrum nomine Dociacum, cum ecclesia in honore sancti Salvatoris consecrata et aut quam aspiciunt arpennos vineae IIII et quarta una terrae arabilis et juncti de prato IIII, cum corte dominica ac vineis, silvis, pratis, pascuis, rebus mobilibus et immobilibus suisque omnibus adjacentiis ac mancipiis utriusque sexus inibi commanentibus, totum et ad integrum, sicut et a nobis successione paternali possideri videtur, et in jus et dominationem praelibati patris domni Martini suorumque canonicorum perpetualiter dominandum tradimus atque ad habendum confirmamus, per auctoritatem cartarum a genitore meo Ramnulfo, datis suis pretiis, acquisitum a Ramnulfo ejus propinquo, habentem in se plus minus quartas XL ; in tertio autem loco, similiter, in sanctae Trinitatis nomine, tertium alodum, nomine Curcolmum, dono et in omni tempore donatum esse volo, cum domibus suis, adjacentiis et cultoribus utriusque sexus debitum inibi servitium facientibus, cum ecclesia et corte dominica, vineis, silvis, pratis, condaminis, terris cultis et incultis, aquis aquarumve decursibus, mobilibus et immobilibus et cum rebus omnibus ad eum pertinentibus ; est autem situm in pago Briosinse, in vicaria Villae Famacinsae et habet ibi minus plus quartas XXXIIII. In recompensatione autem tanti beneficii, ut praedicti Eboli oblatio potiorem erga nos obtineat effectum, nos, in Dei nomine, Fulradus, sanctae congregationis beati Martini sacerdos atque decanus, necnon et Berno, sacerdos et archiclavis, ceterique praelibatae congregationis fratres, concedimus, per consensum domni Rotberti abbatis, predicto largitori, scilicet Ebolo, usus fructuario et more precario, easdem res quas sancto Martino et nobis spontanee delegavit et, ut libentius hoc ageret, tribuimus ei ordine precario villam nostram Dotiacum, quam olim orthodoxus rex domnus Karolus ad usus fratrum per suum praeceptum restauravit et, post multum tempus, Magenarius dolo usurpavit et, post eum, filius ejus Osbertus injuste tenuit, sed rursus, domni Odonis regis imperio, Aurelianis civitate, nobis restitutam in praesentia suorum procerum, hoc eodem modo Ramnulfo comiti, per consensum senioris nostri domni Rotberti, consignare disposueramus, quae sita est in pago Pictavis, in vicaria Braciacinse, cum ecclesia in honore sancti Martini constructa, ad quam aspiciunt quartae CVI, vineis, silvula quoque et condaminis, pratis, pascuis suisque omnibus adjacentiis et quicquid ad ipsam villam pertinere videtur, cultum et incultum, totum et ad integrum, de jure nostro in potestatem ac dominationem ejus tradimus atque transfundimus, eo quidem tenore ut tam pro praedictis rebus quas ipse partibus nostris delegavit quam pro praenominatis rebus quas ei precario jure concedimus, annuatim in festivitate sancti Martini autumnali exsolvere studeat in censu nobis ac successoribus nostris argenti solidos C, et sic utrasque res diebus quibus advixerit teneat et precario more possideat. Si vero evenerit ut sponsa ejus, nomine Aremburgis quam per sponsalia jura in futuris nuptiis obarratam habet, prolem ex ipsa habeat, eadem ratione tam ipsa quam et ejus primogenitus filius diebus vitae suae praedictam precariam obtineant sub praedicto censu. Et ut melius ac justius ipsis rebus uti possint, id emeliorare tam aliis alodis quam et in censu ac reliquis serviciis omni modo studeant. Si vero negligentes aut tardi ex jamdicto apparuerint censu, secundum terrae morem et aequitatis justitiam id ipsum emendare quantocius studeant et res quas tenuerint non amittant. Post horum quoque digressum, memoratas omnes res quicumque tunc temporis decanus congregationis Sancti Martini extiterit, cum omni integritate et emelioratione in potestatem fratrum ac dominationem, absque alicujus contradictione aut consignatione, revocare studeat, quatinus deinceps quicquid eis libuerit habeant perpetualiter faciendi potestatem. Illud autem nobis pro tota firmitate inserere placuit quod, si fuerit aliquis, mala voluntate aut cupiditate deceptus, qui hanc precariam ob quaestum rerum nostrarum actam infringere aut inquietare temptaverit, insuper cui molestiam fecerit auri libras XXX coactus exsolvat et sua repetitio nil valeat. Haec vero precaria, nostris aliorumque nobilium hominum manibus roborata, omni tempore firma et stabilis valeat permanere.

Ego Ebolus + hujus precariae donum a me factum propria manu subscripsi et reliquos nobiles laicos subter signare rogavi.

S. Adraldi. S. Adalardi comitis. S. Goldini. S. Geroardi. S. Achardi. S. Rainaldi. S. Guillelmi. S. Ungarii. S. Stephani. S. Gauzberti. S. Isembardi. S. Aimerici. S. Gamalfredi vicecomitis. S. Gundoini. S. Eimerici. S. Ermenrici. S. Frotarii. S. Ragemberti. S. Rogenonis. S. Autberti.

Actum Pictavis, ubi facta et firmata fuit, anno Incarnationis Christi DCCCmo XCImo, indictione VIIII, die Xmo mensis octobris, regnante domno Odone rege anno III°.

Ego Rotbertus notarius scripsi et subscripsi.


Localisation de l'acte

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