967, 7 juillet. — Verberie.
Acte faux
Lothaire, à la prière du comte de Chartres Eude et du duc Hugue Capet, accorde l'immunité au monastère de Saint-Florentin de Bonneval.
A. Original prétendu, perdu.
B. Copie du 5 mars 1483, dans un vidimus sur parchemin (noirci de noix de galle et presque illisible) de la Petite chronique de l'abbaye de Bonneval (xiie s.), délivré par Simon Gaultier, garde des sceaux de la prévôté de Bonneval, Archives d'Eure-et-Loir, H 605, n° 1.
C. Copie du 24 mai 1497, dans un vidimus sur papier de la même chronique, délivré par Jean Guyot, tabellion juré à Bonneval, Archives d'Eure-et-Loir, H 605, n° 2.
D. Copie fragmentaire du xviie s., par Dom Estiennot, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12775, p. 77, d'après B.
E. Copie fragmentaire du xviie s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 12663, fol. 287, d'après B (?), avec la mention: «Extrait pris des titres du Thrésor du Roy».
a. V. Bigot, dans Dom Thiroux et Dom Lambert, Histoire abrégée de l'abbaye de Saint-Florentin de Bonneval, Introduction, p. lxvii (Public. de la Soc. archéol. de Châteaudun), d'après B.
Indiqué : Mabillon, Acta sanctorum ordinis S. Benedicti, saec. IV, pars II, p. 506, et Annales ordinis S. Benedicti, XLVII, 11, t. III, p. 584.
Indiqué : Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 631, note c.
Indiqué : René Merlet, Inventaire sommaire des archives départementales d'Eure-et-Loir, série H, t. I, p. 77.
In nomine regis eterni, ante secularia tempora Dei, omni[s] creatoris hominis, in fine temporum redemptoris universorum, Domini nostri Jhesu Xpisti. Clotharius, deifica annuente gratia rex. Merito regie altitudinis serena dignatione cumulacius ac multiplicius sublimantur qui ei fideliter et instante officio famulantur. Quocirca universorum catholice matris ecclesie nostrorumque fidelium instancium necnon eciam futurorum generaliter noticia sagaci perpenderit industria quoniam fidelis nosterque dilectus Odo, comes clarissimus, favente pariter et obsecrante [secum] Hugonis gloriosissimi ducis, fidelis nostri, benignitate, celsitudinis nostre exorabilem supplex appeciit clementiam, ut quoddam cenobium, candidato grege monachorum diffuse oppinionis ac vite per omnia probalis excellentissime decoratum, culmine beatissimorum Xpisti martirum Florentini et Ilarii antiquitus perspicaciter irradiatum, in ipsius prefati fidelis nostri comitis Odonis comitatu Dunensi atque ex ejusdem beneficio, auctoritatis nostre precepto per futura temporum spacia in precinctu muniremus. Perpendentes pietatis intuitu, pervigili meditacione, cultum divine religionis pacis et silentii muneribus indultis ante Dei oculos jugiter proficere in augmentum, perseveranti quoque quietatis amice tenore monasteriales diligentius et delectabilius esse semper memores interioris custodie, Christo domino annuente, prelibati oratorii cenobitarum pii operis fructibus in perhennis perceptione remedii confidenter preoptantes et optabiliter nos communicare confidentes, si, ut a fideli nostro atque dilecto superius nominato comite Odone humili petebatur devocione, per diuturna seculorum spacia ab eisdem monachis regularis propugnaculo institucionis nostre forenses arcebuntur querimonie, semper invidentes quieti professionis monastice, precibus ipsius, videlicet sepedicti fidelis nostri dilectissimi comitis Odonis, adquievimus libentissime. Igitur favorabiliter, ut dictum est, supplicibus votis jamdicti fidelis nostri Odonis comitis accedentes, ob nostram et suam ipsius aeternaliter in suprascripto monasterio memoriam conservandam, jure regalis efficacie instituendo, stabilimus et ad totius noticiam posteritatis litterarum seriei tradere precipimus quatinus a die presenti in reliquum evum neque ipse aut aliquis judicum in presenti seu in futurum aliquid horum que aut legum dictacione aut ipso usu existente ad judices, comites, vicecomites vel vicarios vel ad quoslibet multiplicium professionum officiales dicuntur respicere in cunctis finibus eorum que ad predictum monasterii dictionem seu possessionem pertinent aut respiciunt vel religiosorum devota oblacione per futura tempora ipsi adjacebunt divina gratia inspirante, ulla ratione, ullo tempore presumat exigere. Quapropter tocius christiane milicie generacio instanti subsequenti quoque seculo [noscat] quod propter ineffabilem sancte ac individue Trinitatis amorem, ad tabernaculi glorie ipsius perpetuum decorem, pro diuturna monachorum quiete pro communi omnium Xpisto domino eternitatis spe militancium, pro adipiscenda pace sanctorum, decrevimus omni pietatis studio, que ad omnia utilis approbatur ac proficua, summa invigilet consulare solercia, ne aliqua, ut res exigi solent, existente sine Deo cupiditate, calumniari violarique permittant. Quam eciam nostri decreti auctoritatem corroborando propria manu subnotavimus et anuli nostri impressione sigillari ac decorari jussimus.
Signum Clotharii regis (monogramma).
Gezo, notarius ejus, ad vicem domni Odelrici, archiepiscopi et summi cancellarii, recognovit et subscripsit.
S. Gofredi vicecomitis. S. Herberti comitis. S. Harduini. S. Rotrochi. S. Hugonis ducis. S. Roberti Blesensis. S. Odonis comitis. S. Odonis, filii ejus.
Datum nonas julii, regnante domno Clothario anno .XIII., indictione .X. Actum Verberiaco palacio. Feliciter, in Christi nomine.
Ego Odo comes hoc preceptum fieri rogavi pro remedio anime mee, uxoris et filiorum meorum necnon et vicecomitis Gaufredi, fidelis nostri, cunctorumque fidelium nostrorum.
EXAMEN. Ce prétendu diplôme (est-il besoin de le faire remarquer?) ne saurait avoir été rédigé par la chancellerie du roi Lothaire: tout dans sa forme dénote, au contraire, un acte fabriqué ou refait au xie ou au xiie siècle. En outre, la souscription d'Eude (le futur Eude II de Blois), fils d'Eude Ier de Chartres, constitue un anachronisme, puisque en 983 ce même Eude était encore au berceau (voir Lex, Eudes, comte de Blois, dans les Mémoires de la Soc. acad. d'agriculture, sciences, arts, belles-lettres de l'Aube, t. LV, 1891, p. 205, et tir. à part p. 21). Et cependant on relève dans ce prétendu diplôme des détails d'une précision remarquable: le 7 juillet 967, il est très vraisemblable que Lothaire ait été à Verberie, puisque nous avons de lui un diplôme daté de cet endroit, le 5 juin de cette même année; la souscription du chancelier est aussi celle qui convient. Quelque mauvaises que soient certaines formules, toutefois celle de la date, précisément, et celle de la souscription du chancelier (en supprimant le mot ejus) sont parfaitement bien rédigées. En outre, le monogramme est bon. S'ils avaient eu un diplôme authentique de Lothaire sous les yeux, les moines de Bonneval n'eussent pas fait un faux aussi ridicule; s'ils n'avaient eu pour guide que leur imagination, ils n'auraient pu placer les détails précis que nous venons de signaler: nous en conclurons qu'ils ont fabriqué l'acte d'après une analyse d'un diplôme authentique à eux concédé par Lothaire, mais disparu à la suite d'un incendie ou de quelque autre accident. Cette hypothèse est d'autant plus admissible que nous possédons encore une sorte d'inventaire de nombreux actes de donations faites à l'abbaye dans la Petite chronique de l'abbaye de Bonneval (éd. René Merlet, dans les Mémoires de la Soc. archéol. d'Eure-et-Loir, t. X, 1896, p. 28-35): les actes analysés au milieu du xie siècle par le chroniqueur ont tous disparu. Dès lors n'est-il pas logique de supposer que le diplôme authentique de Lothaire a subi le même sort et dans les mêmes circonstances? Au début du xiie siècle, Louis VI déclarait avoir vu un acte scellé du roi Lothaire accordant l'immunité à l'abbaye et, semble-t-il, en confirmant les possessions: cet acte, étant donné surtout ce dernier détail, devait être non pas celui qui nous a été conservé, mais l'acte original; la fabrication du présent diplôme se placerait donc postérieurement à 1122, c'est-à-dire vers le milieu du xiie siècle, époque à laquelle il fut transcrit à la suite de la Chronique de Bonneval. Ajoutons d'ailleurs qu'à tous ces points de vue, comme aussi peut-être au point de vue de la rédaction, il mérite d'être rapproché d'un prétendu diplôme pour Saint-Père de Chartres, que l'on trouvera publié plus loin, sous le n° LXVIII.