878, 20 juin. — Saint-Martin de Tours.

Louis le Bègue donne à la basilique de Saint-Martin de Tours par le présent précepte, qu'il dépose sur le tombeau du saint, la « villa » de Merlaut sur la Vière, dans le Chamsesais, pour être affectée aux besoins de la communauté. Du vivant du roi, un repas sera servi aux frères sur les revenus de la « villa » aux jours anniversaires de sa naissance (1er novembre) et de son sacre (8 décembre), et après sa mort, au jour anniversaire de celle-ci. Aux mêmes dates, la communauté célébrera des offices pour le roi et la famille royale, les frères du roi, Charles [le Jeune], Carloman et Lothaire étant expressément désignés.

Référence : Félix Grat, Jacques de Font-Réaulx, Georges Tessier et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des Actes de Louis II le Bègue, Louis III et Carloman II, rois de France (877-884), Paris, 1978, no12.

A. Original perdu.

B. Copie figurée du xe s., Bibliothèque nationale, ms. lat. 8837, fol. 59.

C. Autre copie figurée, contemporaine de la précédente, Bibliothèque nationale, ms. lat. 8837, fol. 60.

D. Copie du xviie s., par Peiresc, Bibliothèque de Carpentras, ms. 1791 (Antiquités françaises, t. XXIII, 1), fol. 502, d'après la Pancarta nigra, « fol. lvii ».

E. Copie du xviie s., par Jean Besly, Bibliothèque nationale, Collection Dupuy, vol. 828, fol. 87, d'après la Pancarta nigra, fol. 57.

F. Copie du xviie s., par le même, ibidem, vol. 841, fol. 66.

G. Copie du xviie s., par Jean Bouhier, Bibliothèque nationale, ms. lat. 17709, fol. 100.

H. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Mélanges Colbert, vol. 46, fol. 60, d'après la Pancarta alia.

I. Copie du xviie s., par Dom Lesueur, Bibliothèque nationale, ms. lat. 13898, fol. 69 v°, n° 50, d'après la Pancarta alia, fol. 47, 54 et 64.

J. Copie du xviiie s., exécutée pour la Chambre des comptes, Archives nationales, K 186, n° 30.

K. Copie du xviie s., par Sirmond, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 139, p. 112.

L. Copie du xviiie s., Bibliothèque nationale, Collection de Touraine, vol. 1, fol. 130.

a. Labbe, Alliance chronologique, t. II, p. 483.

b. R. Monsnyer, Celeberrimae Sancti Martini Turonensis ecclesiae historia generalis, p. 167.

c. Martène, Thesaurus novus anecdotorum, t. I, p. 48, d'après la Pancarta alia.

d. Martène, Amplissima collectio, t. I, col. 205, d'après la même source que c.

e. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 403, n° VII, d'après d.

f. Ph. Lauer, Les deux copies figurées du diplôme des fondations de Louis le Bègue à Saint-Martin de Tours, dans Mélanges Félix Grat, t. II, p. 72-74, d'après C, avec l'indication des variantes de B.

Fac-similé : Lithographie de B, dans Champollion-Figeac, Chartes latines, 4e et 5e livraisons, n° 4, et Collection des fac-similés de l'École des chartes, ancien fonds, n° 34.

Fac-similé : Phototypies de B et de C, dans Lot et Lauer, Diplomata Karolinorum, VIII, pl. xxx** et xxx*.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 315.

Indiqué : Kopp, Palaeographica critica, t. I, p. 428, § 450 (fac-similé de la mention dorsale de B, reproduit par É. Chatelain, Introduction à la lecture des notes tironiennes, p. 202).

Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1835.

Indiqué : Mabille, La Pancarte noire, p. 91, n° LI, p. 96, n° LIX, p. 103, n° LXXII et p. 160, n° 74.

Indiqué : Grat, Catalogue, n° 9.

La présence de deux copies figurées du précepte de Louis le Bègue dans le chartrier de Saint-Martin de Tours, exécutées par la même personne (voir p. 29, n. 2) une cinquantaine d'années après la donation de Merlaut, différentes l'une de l'autre dans leur présentation et leurs graphies et se distinguant en plus par une variante d'une certaine importance, ne laisse pas d'être énigmatique. On remarquera d'autre part que le diplôme était transcrit trois fois dans la Pancarta nigra et aussi dans la Pancarta alia, comme l'ont noté, d'une part, Baluze (voir ci-dessous, note 2) et Mabille (voir la rubrique Indiqué), et de l'autre, Dom Lesueur (éopie I), et on en conclura que le copiste de la Pancarte avait à sa disposition trois expéditions originales ou prétendues telles. Il est à présumer que les deux copies figurées qui ont été conservées avaient à ses yeux valeur d'originaux et qu'il les a transcrites séparément dans le cartulaire. Quant au troisième texte copié dans la Pancarte, nous ignorerons toujours s'il s'agit de celui d'une expédition originale ou d'une copie figurée analogue à B et à C. Il paraît en tout cas raisonnable d'admettre que B et C tiennent la place de deux expéditions originales distinctes et on se demandera si l'affectation des dîmes à l'hospice des nobles et à l'hospice des pauvres doit être considérée comme primitive, ou bien si elle doit être rejetée comme une interpolation dans B ou comme une addition subrepticement introduite dans l'original qui lui a servi de modèle. Ph. Lauer tenait le passage pour interpolé (art. cité sous la rubrique Indiqué). On hésite à formuler un jugement aussi catégorique. En tout cas, le mot decimae paraît susceptible de deux interprétations différentes selon qu'il est complété ou non par la proposition relative : « quę in usus cedentur hospitalis nobilium atque pauperum ». S'il est employé isolément, on le considérera comme s'appliquant à l'impôt ecclésiastique qui pesait sur les habitants du domaine de Merlaut et on s'étonnera d'en voir la mention introduite dans le formulaire d'une donation. Dans le cas contraire, on serait tenté de penser au dixième des produits globaux de la villa et on rapprocherait cette disposition de la coutume d'affecter à l'entretien des hospices ou hôtelleries dépendant d'un établissement religieux une quote-part des revenus des villae lui appartenant. En ce qui concerne précisément Saint-Martin de Tours, Charles le Chauve avait stipulé que « nona pars ex omnibus frugibus et ex vino... videlicet ex omnibus quae... ad usus abbatum vel fratrum deputatae fuerunt hospitali reddatur integerrime nobilium ». « Hospitale vero pauperum, ajoutait-il, antiqua constitutione permaneat » (précepte du 23 avril 862 dans Recueil, t. II, n° 239, p. 39, l. 19 à 24. Cf. ibidem, n° 338, p. 253, l. 10 à 12 ; n° 407, p. 409, l. 29 ; n° 433, p. 468, l. 1 à 3, des dispositions analogues pour Saint-Médard de Soissons, pour Saint-Ouen de Rouen, pour Nivelles).

G. Tessier estimait donc qu'il s'agirait au pire d'une glose introduite dans le texte plutôt que d'une interpolation proprement dite et il ne se croyait pas autorisé à préférer ici la version courte à la version longue. Nous voudrions cependant souligner que C avait d'abord laissé tomber la mention des dîmes ; il a ensuite profité d'un espace libre pour ajouter ac decimis ; dans B, le sens de ces mots a été précisé. On peut donc écarter difficilement l'idée que sur ce point une interpolation ait été accomplie en deux temps, sans doute au temps du roi Raoul.

Malgré la disparité des copies B et C, Ph. Lauer semble avoir admis l'existence d'une seule expédition originale qui aurait été déposée sur le tombeau de saint Martin et serait demeurée à cette place sans entrer dans le chartrier. Le dépôt de la charte sur le tombeau peut tout aussi bien être considéré comme un geste symbolique destiné à opérer la tradition sans que pour autant le parchemin soit resté à une place qui ne lui était pas destinée.

On notera un certain parallélisme entre ce précepte et le précédent dans la facture des éléments de pure formule.

Quant à la réalité de la donation de Merlaut par Louis le Bègue à Saint-Martin, nous n'avons aucun doute à avoir : lui-même, confirmant les biens de cette basilique, le 5 septembre suivant (infra, n° 15), s'exprimera ainsi : « Nuper nos villam nostram Merlaum prona devotione obtulimus in necessitatibus fratrum habendas, cum omnibus sibi rebus pertinentibus », et Eudes fit allusion en ces termes à la donation de son prédécesseur, dans le diplôme du 2 juin 896 portant confirmation générale des biens de Saint-Martin (R.-H. Bautier, Recueil des actes d'Eudes, n° 41, p. 167-178) : « Merlaum, quam domnus Hludovicus rex, cum omnibus rebus sibi pertinentibus, fratribus predicti loci dederat more regio ».

Sur l'interprétation à donner de cet acte, certainement expédié par le roi motu proprio, voir notre Introduction, supra, p. LXXXII.

Texte de B. — Les variantes et graphies de C sont indiquées dans les notes critiques.


(Chrismon) In nomine Domini Dei aeterni et Salvatoris nostri Jhesu Christi. Hludovicus misericordia Dei rex. Si locis divinis cultibus mancipatis emolumentum nostrae largitatis impendimus, id nobis procul dubio [2] ad presentem vitam facilius transigendam et ad aeternam felicius capessendam prodesse confidimus. Quocirca noverit omnium fidelium sanctae Dei Ecclesiae nostrorumque, presentium scilicet ac futurorum sollercia [3] quia nos, divina inspiratione tacti ac de aeterna remuneratione solliciti, libuit celsitudini nostrae ob perpetuam mercedem domni genitoris nostri piae memoriae Karoli imperatoris [4] augusti ac genitricis nostrae gloriosae videlicet reginae Hyrmindrudis, sed et nostri, ad basilicam sancti Martini sitam in suburbio Turonicae civitatis et ad ipsius ecclesiae canonicos, [5] qui ejusdem beatissimi patris jugibus excubiis gloriosum venerantur templum et tumulum, quasdam res et mancipia nostrae proprietatis delegare ac perpetualiter eidem loco et predic-[6]-tis fratribus in proprium conferre, id est villam nostram Merlaum sitam in pago Camsiacinse super fluvium Vigeram cum omnibus appendiciis et integritatibus suis <ac decimis quę [7] in usus cedentur hospitalis nobilium atque pauperum>. Unde hoc nostrae altitudinis preceptum fieri jussimus ac super sepulchrum ipsius sanctissimi patris manu propria posuimus, quatinus [8] eandem villam cum omnibus ad se pertinentibus, sicut hic insertum esse cognoscitur, ipsi fratres ad supplenda eorum victus necessaria perpetuis temporibus teneant atque possideant, [9] nemine inquietante. Volumus etiam ut jam dicti fratres, diebus dum advixerimus, diem nativitatis nostrae, quae est kl. novembris, et diem unctionis nostrae qua per misericor-[10]-diam Dei in regio culmine sublimati sumus, id est VI idus decembris, refectione sibi ex predictis rebus parata, annis singulis observent, et, sicut dictum est, pro [11] genitore et genitrice nostra ac fratribus nostris, Karolo scilicet et Karlomanno, sed et nobis conjugęque ac prole vigiliis et missarum sollemniis ex more celebratis [12] Domini misericordiam cordetenus implorent, nobis vero Deo propitio ad meliora migrantibus, diem obitus nostri annis singulis similiter observare ac pro nobis Dei omnipotentis [13] clementiam exorare non negligant. Ut autem nostrae donationis auctoritas firmior habeatur et futuris temporibus ab omnibus diligentius observetur, [14] manu propria subter eam firmavimus et anuli nostri inpressione assignari jussimus. Petimus etiam ut memoriam Hlotharii fratris nostri similiter habere non negligant.

[15] Signum Hludovici (Monogramma) gloriosissimi regis.

[16] (Chrismon) Vulfardus notarius ad vicem Gozleni recognovit et s. (signum recognitionis).

[17] Datum XII kl. julii, indictione XI, anno I regni domni Hludovici gloriosissimi regis. Actum Turonis monasterio sancti Martini. In Dei nomine feliciter. Amen.


Localisation de l'acte

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