878, 24 juillet. — Saint-Martin de Tours.
Louis le Bègue, à la prière des frères de Saint-Martin de Tours, s'interdit à lui-même — sauf en cas de maladie, comme il est arrivé présentement, — et interdit à tous ses officiers de prendre gîte dans les bâtiments qui doivent être reconstruits après l'incendie allumé par les Normands, qu'il s'agisse soit des maisons desdits frères bâties dans l'enceinte du monastère, soit des « cellae » se trouvant à l'intérieur de la cité ou du bourg. Il garantit d'autre part aux frères et après eux à leurs « nourris » la possession paisible de toutes leurs installations.
A. Original perdu.
B. Copie de l'année 1711, par Baluze, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 76, fol. 61, d'après A.
C. Copie du xviiie s., par Baluze, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 76, fol. 60, « Pancarta nigra, fol. 58, et in alia, fol. 48 ».
D. Copie du xviiie s., exécutée pour la Chambre des comptes, Archives nationales, K 186, n° 31, d'après une des pancartes.
E. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Mélanges Colbert, vol. 46, fol. 62, d'après la Pancarta alia.
F. Copie abrégée du xviie s., par Dom Lesueur, Bibliothèque nationale, ms. lat. 13898, fol. 71 v°, n° 53, d'après la Pancarta alia.
G. Copie du xviiie s., exécutée pour Dom Bouquet, Bibliothèque nationale, ms. fr. nouv. acq. 22210, fol. 271, d'après a.
a. Martène, Amplissima collectio, t. I, col. 206, d'après la Pancarta alia.
b. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 405, n° IX, d'après a.
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 316.
Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1837.
Indiqué : Mabille, La Pancarte noire, p. 93, n° LIII et p. 177, n° 75.
Indiqué : Grat, Catalogue, n° 11.
Les Normands s'étaient, on le sait, emparés de Tours le 8 novembre 853, avaient brûlé la ville et, en même temps qu'elle, le monastère de Saint-Martin (Annales Bertiniani, éd. F. Grat, p. 68) ; cf. Audradus Modicus, Liber revelationum, éd. L. Traube, dans Abhandlungen der Bayer. Akademie der Wissenschaften, philos.-philol. Klasse, München, 19, 1892, p. 378-389 ; et Recueil des actes de Charles le Chauve, t. I, p. 441, n° 167. La ville fut de nouveau pillée par eux au printemps de 857 (Annales Bertiniani, p. 74) et il n'est pas impossible qu'elle l'ait été de nouveau en 862 ou l'année suivante quand les Normands remontèrent la Loire sur Orléans et que les moines de Saint-Martin se réfugièrent à Léré. La ville ne fut mise à l'abri des coups de main que lorsque Charles le Chauve, en 869, ordonna d'en relever les remparts (Annales Bertiniani, p. 166), mais la reconstruction — à laquelle fait allusion le présent diplôme — n'intervint que postérieurement : le 26 décembre 871, le pape Hadrien Ier exhortait vivement le souverain à ne pas souffrir que Tours, métropole illustrée par les vertus de saint Martin destrui, desolari et deshonorari vestro in tempore, l'engageait à la reconstruire pour qu'elle fût dans l'avenir appelée Carolidunum et non plus Caesarodunum (éd. Perels, dans M.G.H., Epistulae, t. VI, p. 742-743, n° 35 ; cf. Jaffé-Loewenfeld, Regesta, n° 2946 [2239]) et exhortait les évêques à intervenir dans le même sens cum pene omnes res ipsius ecclesiae depopulatae (ibid., n° 34, p. 738-739).
Plusieurs années avant l'incendie, le 5 janvier 844 ou 845, Charles le Chauve avait déjà interdit à ses gens de prendre gîte dans les maisons des chanoines (Recueil, t. I, p. 177, n° 62). Le 27 décembre 845, à l'occasion d'une première confirmation de l'immunité, la même interdiction avait été formulée à l'adresse de tous les officiers publics (ibidem, p. 223, n° 80) ; elle s'étend ici au roi lui-même.
Le précepte a probablement été rédigé par un chanoine de Saint-Martin. On ne s'expliquerait guère autrement le caractère archaïque de l'énumération « nec ullus ex ducibus, abbatibus, domesticis, comitibus, grafionibus, centenariis, vicariis... », qui semble inspirée par la notification du précepte du 27 décembre 845 mentionné ci-dessus, elle-même recopiée sur un modèle plus ancien.
Si d'aventure la sincérité du diplôme venait à être contestée, l'allusion à la maladie du roi « nisi pro tantae infirmitatis necessitate, sicuti nunc egisse cognoscimur » pourrait être invoquée pour sa défense. Venu à Tours en mai, le roi y tomba malade au point qu'on désespéra de sa vie et y resta jusqu'à la fin d'août (Annales Bertiniani, éd. F. Grat, p. 222). — Des particularités orthographiques nous incitent à admettre que la copie B a bien été exécutée par Baluze sur l'original lui-même, ou une copie ancienne. L'indication systématique des variantes des autres copies ne ferait que charger inutilement l'apparat critique.
Texte et graphies de B
In nomine Domini Dei aeterni et Salvatoris nostri Jesu Christi. Hludowicus misericordia Dei rex. Decet enim regalis clementiae dignitatem cuncta quae a servis Dei rationabiliter postulata fuerint, sollerti cura prospicere et oportuna ac congrua eis beneficia non denegare, ea quoque quae anteriorum acta regum pro Dei intuitu concedere visa sunt plenius confirmare. Quapropter notum sit omnibus fidelibus sanctae Dei Ecclesiae et nostris, praesentibus scilicet ac futuris, quoniam fratres, viri scilicet venerabiles, ex monasterio sancti Martini in suburbio Turonicae civitatis sito ad nostram accedentes clementiam petierunt suppliciter ut, pro Dei omnipotentis amore ac beatissimi Martini venerabillima religione, sanctorum quoque omnium suffragio, ipsi congregationi celsitudinis nostrae praeceptum fieri juberemus, ut quiete et tranquille in restaurationibus construendarum sibi mansionum quae lamentabili excidio saevis ignibus Nortmannorum depopulatione perierant eos degere liceret et ut quieti ac securi in eisdem mansionibus absque cujuspiam inquietudine esse valerent. Quorum rationabilibus et oportunis precibus assensum praebentes, hoc serenitatis nostrae praeceptum fieri jussimus, per quod praecipimus atque jubemus ut nec nos adventus nostri tempore, nisi pro tantae infirmitatis necessitate, sicuti nunc egisse cognoscimur, ad beatissimum patrem Martinum confugium fecerimus, — quod deinceps Omnipotentis manus clementer avertat ! — nec ullus ex ducibus, abbatibus, domesticis, comitibus, grafionibus, centenariis, vicariis vel quicunque judiciaria potestate succinctus seu quilibet missus discurrens aut cujuscumque potestatis seu dominii reverentia praeditus in supradictorum fratrum mansionibus infra ipsius coenobii septa constructis seu et cellis intra urbem vel burgum Turonicum consistentibus mansionaticum accipere aut ingressum vel introitum ad ipsos inquietandum habere praesumat, sed quicquid saepedicti fratres in eorum mansionibus fundaverint atque construxerint, tam ipsi quamque post eos eorum nutricii ipsius basilicae educati more ejusdem loci quiete et pacifice habeant, teneant et ordinent, ut, dum per nos pacis et quietis utuntur solatio, libere et quiete pro genitore et genitrice nostra, nobis, conjuge ac prole, regni quoque nostri statu Domini misericordiam eos exorare delectet, et nullus fidelium nostrorum hanc indulgentiam et bonitatem praeceptionis nostrae inrumpere aut violare praesumat, sed nostra munificentia quietos esse in eorum mansionibus de reliquo patiantur et ut Ecclesia sancta Dei debitae reverentiae obtineat vigorem laborare decertent. Ut autem haec nostrae munificentiae auctoritas firmam et impraevaricabilem semper in Dei nomine obtineat firmitatem, manu propria subter eam firmavimus et anuli nostri impressione assignari jussimus.
Signum Hludowici gloriosissimi regis.
Vulfardus notarius ad vicem Gozleni recognovit et subscripsit.
Datum VIII kal. augusti, indictione XI, anno I regni domni Hludowici gloriosissimi regis. Actum Turonis monasterio sancti Martini. In Dei nomine feliciter. Amen.