878, 5 septembre. — Troyes.

Louis le Bègue, à la prière de Hugues [l'Abbé], son parent, abbé de Saint-Martin de Tours confirme les donations de Chablis et de Mellecey faites aux frères de Saint-Martin par Charles le Chauve, de Merlaut par lui-même, de Nogent [-en-Omois] par le comte Eudes ; — exempte du droit de gîte tout monastère qui pourrait être construit dans les « villae » susdites ou ailleurs pour servir de refuge aux frères ; — prend sous sa protection les mêmes « villae » comme toutes celles qui sont énumérées dans le précepte de Charles le Chauve portant affectation de biens à la mense canoniale, y compris Léré et Marsat ; — renouvelle l'immunité accordée à Saint-Martin par ses prédécesseurs, y compris l'abandon de la part du fisc pour l'entretien du luminaire et pour le soutien des pauvres et celui des clercs attachés au service de l'établissement ; — affecte à l'hôtellerie des nobles et des pauvres les dîmes et nones perçues tant sur les « villae » de la réserve que sur les « villae » données en bénéfice ; — frappe les contrevenants d'une amende de six cents sous d'or ; — prescrit la restitution à Saint-Martin des biens distraits de son patrimoine et confirme une nouvelle fois la pancarte délivrée par Charles le Chauve.

Référence : Félix Grat, Jacques de Font-Réaulx, Georges Tessier et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des Actes de Louis II le Bègue, Louis III et Carloman II, rois de France (877-884), Paris, 1978, no15.

A. Original perdu.

B. Copie « par manière de vidimus » du 27 mars 1461 (n.st.) sous le sceau royal aux contrats de Tours, Archives départementales du Cher, 22 G 6, d'après A.

C. Copie du xvie s., avec des corrections de la main de Baluze, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 282, fol. 82, peut-être d'après A.

D. Copie du xviie s., Bibliothèque Laurentienne, à Florence, ms. Ashburnam 1836 (anc. 1757), fol. 24, sous le titre : « Privilegium Ludovici Balbi », d'après la Pancarta nigra.

E. Copie de l'année 1711, par Baluze, Bibliothèque nationale, vol. 76, fol. 62, d'après la Pancarta nigra, « fol. 15, 49, 83 » et la Pancarta alia, « fol. 14, 43 et 66 ».

F. Copie du xviiie s., exécutée pour la Chambre des comptes, Archives nationales, K 186, n° 32, d'après une des pancartes.

G. Copie du xviiie s., exécutée pour la Chambre des comptes à la suite de la précédente, ibidem, d'après une autre pancarte qu'en E ou d'après une autre transcription du même diplôme dans la même pancarte.

H. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Mélanges Colbert, vol. 46, fol. 53, d'après la Pancarta alia.

I. Copie du xviiie s., par Jean Bouhier, Bibliothèque nationale, ms. lat. 17709, p. 55, n° 45, d'après D.

J. Copie partielle du xviie s., par Besly, Bibliothèque nationale, Collection Dupuy, vol. 828, fol. 88, d'après la Pancarta nigra, fol. 50 (sic), n° 44.

K. Copie partielle de l'année 1643, par Dom Lesueur, Bibliothèque nationale, ms. lat. 13898, fol. 70, n° 51, d'après la Pancarta alia, « fol. 14, 43 et 66 ».

L. Copie du xviiie s., exécutée pour Dom Bouquet, Bibliothèque nationale, ms. fr. nouv. acq. 22210, fol. 273, d'après c.

a. Du Bouchet, La véritable origine... de la maison royale de France, preuves, p. 345.

b. Besly, Histoire des comtes de Poitou, preuves, p. 197, d'après J.

c. Martène, Amplissima collectio, t. I, col. 207, d'après la Pancarta alia.

d. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 406, n° X, d'après c.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 317.

Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1838.

Indiqué : Mabille, La pancarte noire, p. 63, n° XI, p. 87, n° XLIV, p. 105, n° LXXV et p. 177, n° 76.

Indiqué : Grat, Catalogue, n° 12.

Ce précepte de Louis le Bègue apparaît un peu comme une somme de préceptes et d'actes antérieurs : donation de Chablis par Charles le Chauve, le 27 décembre 867 (Recueil des actes de Charles le Chauve, t. II, p. 179, n° 307) ; — de Mellecey, par le même, le 1er août 877 (ibidem, t. II, p. 488, n° 441) ; — de Nogent, par le comte Eudes (acte intitulé au nom des comtes Boson et Bernard, exécuteurs testamenteurs d'Eudes, et daté du mois d'août 871, publié par R. Poupardin, Recueil des actes des rois de Provence, p. 29, n° XV ; cf. la donation de Nogent au comte Eudes par Charles le Chauve le 11 octobre 849, Recueil, t. I, p. 315, n° 119) ; — de Merlaut, par Louis le Bègue, le 20 juin 878 (voir plus haut, p. 28-33, n° 12) ; — du premier précepte d'immunité de Charles le Chauve, du 27 décembre 845 (Recueil, t. I, p. 223, n° 80) et des préceptes d'immunité de Louis le Pieux du 30 août 816 et du 1er juillet 817 (Böhmer-Mülhbacher, Die Regesten, nos 629 [609] et 649 [627]), l'un et l'autre de même teneur ; — du grand précepte de Charles le Chauve portant affectation de biens à la mense conventuelle, du 23 avril 862 (Recueil, t. II, p. 32, n° 239), la mention de Léré et de Marsat paraissant être provoquée par le diplôme du 30 janvier 869 (ibidem, t. II, p. 201, n° 319) ; — de la seconde immunité de Charles le Chauve (immunité-pancarte), du 22 août 854 (ibidem, t. I, p. 438, n° 167).

Les dispositions hétérogènes de l'acte publié ci-dessous s'insèrent dans le cadre que fournissaient au rédacteur les diplômes d'immunité de Louis le Pieux et le précepte de Charles le Chauve qui les renouvelle et les confirme, c'est-à-dire celui du 27 décembre 845. L'énumération des différentes parties du royaume, Austria, Neustria, etc., qui figure dans les préceptes de Louis le Pieux, n'a pas passé dans celui de Charles le Chauve. On peut donc présumer que c'est à l'un des deux premiers que le rédacteur l'a empruntée, en y ajoutant toutefois la Germania, qu'on trouve d'ailleurs mentionnée avec l'Alamannia dans l'immunité-pancarte de Charles le Chauve en date du 22 août 854 (Recueil, t. I, p. 438, n° 167). Nous ne croyons pas, ou plutôt nous ne croyons plus, qu'il y ait là une interpolation. La plupart des préceptes pour Saint-Martin ont été rédigés par les chanoines (G. Tessier, Les diplômes carolingiens du chartrier de Saint-Martin de Tours, dans Mélanges Louis Halphen, p. 683-691) et ceux-ci se souciaient peu de mettre d'accord leurs formules avec la réalité historique. Que le rédacteur se soit inspiré d'un des deux préceptes de Louis le Pieux plutôt que de celui de 845, nous en voyons aussi une preuve dans le maintien de la clause : « Si quid vero... per tepiditatem... », qui avait disparu du précepte de Charles.

L'établissement du texte de ce diplôme ne va pas sans difficulté. Si l'on en croit Baluze (C), le précepte aurait été conservé en trois exemplaires. Chacune de ces expéditions ou de ces copies avait été transcrite dans la Pancarta nigra, puis dans la Pancarta alia. Les copistes modernes nous ont laissé ignorer quel exemplaire ils avaient choisi pour le transcrire. Le texte reconstitué est donc hybride. Pour ne pas surcharger l'appareil critique, nous n'avons noté que les principales variantes de B, de C, de D et de E sans faire état des autres témoins de la tradition. L'orthographe est en principe celle de B. Les parties du texte imprimées en petits caractères sont empruntées aux diplômes d'immunité de Louis le Pieux, eux-mêmes copiés l'un sur l'autre. C'est l'un d'eux, nous l'avons dit, que le rédacteur avait sous les yeux.


(Chrismon). In nomine Domini Dei aeterni et Salvatoris nostri Jesu Christi. Hludovicus misericordia Dei rex. Si petitionibus servorum Dei pro quibuslibet ecclesiasticis necessitatibus aures nostras pulsantium libenter annuimus et ad divine potentie in locis Deo dicatis ecclesiasticis uberius famulandum auxilium porrigimus, id nobis procul dubio et ad mortalem vitam temporaliter deducendam et ad futuram feliciter obtinendam commodum provenire confidimus. Igitur notum esse volumus cunctis sancte Dei Ecclesie fidelibus et nostris, scilicet presentibus atque futuris, quia adiit serenitatem culminis nostri venerandus vir, noster quoque propinquus, Hugo, religiosus abba basilice eximii confessoris Christi beati Martini in suburbio Turonice civitatis site, reverenter poscens ut res quas pie recordationis genitor noster domnus Karolus quondam imperator augustus, videlicet Capleiam et Miliciacum villam, ob amorem Dei et sancti Martini reverentiam fratribus ad confugium pro remedio anime sue ac genitricis sue domnae Judith quondam auguste dederat suique auctoritate praecepti corroboraverat, sicut et nuper nos villam nostram Merlaum prona devotione obtulimus, in necessitatibus fratrum habendas cum omnibus sibi rebus pertinentibus, et Novientum villam quam Odo comes per licentiam genitoris nostri fratribus contulit, denuo more regio pro mercede communi omnium nostrum nostreque conjugis ac prolis perpetuo mansuras absque minoratione vel subtractione aliqua corroboraremus ; quod si etiam monasterium in predictis rebus vel alicubi pro infestatione paganorum vel malignorum hominum construere eisdem fratribus libuerit aut necesse extiterit, nostra largitate concederemus absque inquietudine more solito permanendum, nec cuiquam fidelium nostrorum in mansionibus clericorum absque eorum voluntate manendi licentiam concedamus, etiam si nostra adfuerit praesentia. Insuper etiam addidit supplicando ut monasterium sancti Martini cum omnibus rebus sibi pertinentibus de more parentum, regum videlicet predecessorum nostrorum, sub nostre immunitatis tuitione ac deffensionis munimine recipere dignaremur, assensum prebendo ut, sicut tempore avi nostri domni Hludovici quondam augusti seu etiam pie recordationis domni et genitoris nostri Karoli serenissimi imperatoris, res ejusdem sancti Martini in Austria, Niustria, Burgundia, Aquitania, Provincia, Germania, Italia et in ceteris regni, Christo largiente, nostri partibus consistentes, que non solum a regibus et a piissimo avo nostro Hludovico atque a genitore nostro domno Karolo, ut diximus, seu a nobis atque ab orthodoxis principibus, verum etiam a ceteris fidelibus conlatae vel per quaelibet contractus et munimina cartarum in jus ejusdem sancti Martini tradite sunt, quieto jure in ditione ac regimine abbatum suorumque praepositorum ac decanorum fideliumque fratrum Deo devote famulantium ordinatum extiterit, ita et nostris temporibus sub nostre immunitatis deffensione consistere et ab omni publica functione ac judiciaria exactione immunes liberasque decernere dignaremur. Cujus petitioni nobis valde saluberrime ac profuture ob amorem Dei et reverentiam prelibati peculiaris patroni nostri domni Martini libenter assensum prebere nobis usquequaque libuit. Quapropter volumus atque decernimus ut jam dicte ville communi nostra mercede ad supplementum seu confugium fratrum conlatae cum aliis villis jam pridem eorum stipendiis ac vestimentis deputatis et in precepto domni et genitoris nostri nominatim cum Lirado et Martiniaco expressis simulque cum reliquis facultatibus omnium rerum prelibati sancti Martini sub nostre deffensionis munimine modis omnibus consistant. Precipientes ergo jubemus atque precipimus ut nullus judex publicus aut quilibet superioris aut inferioris ordinis rei publice procurator ad causas judiciario more audiendas in ecclesias aut villas seu reliquas possessiones quas moderno vel priscis temporibus in quibuslibet provinciis aut territoriis regni nostri juste vel legaliter tenet vel deinceps in jure ipsius basilice divina pietas augeri voluerit, ingredi presumat, nec freda aut tributa aut mansiones aut paratas aut teloneum ex ullis negociis, sicut in precepto domni et genitoris nostri ceterorumque regum continetur, exigere aut fidejussores tollere, aut homines tam ingenuos quam servos super terram ipsius basilice commanentes distringere, vel ullas publicas functiones aut redibitiones vel inlicitas occasiones requirere quibus nostris futurisque temporibus quisquam tam temerarius existat qui id faciendi inlicitam sibi potestatem attribuere audeat. Quicquid ergo de predictis rebus beato Martino devote conlatis vel sibi pertinentibus in jus fisci cedendum fuit et a decessoribus nostris comperimus conlatum nostre que largitatis munere, libenter volumus esse per immensum eidem sancto Martino suisque servientibus canonicis concessum, ut id remoto fisci dominatu ad luminaria basilice sancti Martini concinnanda et ad sustentationem pauperum seu clericorum Deo et sancto Martino deservientium sit supplementum. Volumus etiam ac decernimus ut, sicut in precepto domni et genitoris nostri continetur, decime et none dominicalium rerum, scilicet tam ex dominicatis villis quam etiam ex villis in beneficio datis, hospitali nobilium atque pauperum deputate habeantur. Si quis autem in tantam prorumpere ausus fuerit audaciam e hujus precepti nostri violator extiterit, quemadmodum in preceptione domni et genitoris nostri continetur, non solum in offensam nostram lapsurum, verum etiam sexcentorum solidorum auri ad purum excocti se noverit pena multandum, ex qua duas partes rectores monasterii sancti Martini, tertiam vero jus fisci recipiat. Decernimus itaque ut remota totius judiciarie potestatis inquietudine quieto ordine memoratus abba suique successores res predicti sancti Martini cum omnibus sibi subjectis vel ad se aspicientibus vel pertinentibus hominibus sub immunitatis nostreque protectionis defensione consistant. Si quid vero de predicti sancti rebus per tepiditatem et negligentiam abbatum aut ministrorum seu presumptionem judicum cupiditatemve malorum hominum injuste abstractum est, id per hanc nostram auctoritatem prorsus restaurandum precipimus, corroborantes denuo pancartam super omnibus rebus sancti Martini pro munimine omnium cartarum a genitore nostro conlatam. Et ut hec auctoritas inviolabilem obtineat effectum et a fidelibus sancte Dei Ecclesie et nostris verius credatur ac diligentius conservetur, manu propria subter firmavimus et anuli nostri impressione signari jussimus.

Signum Hludovici (Monogramma) gloriosissimi regis.

Vulfardus notarius ad vicem Gozleni recognovit et subscripsit (Signum recognitionis in quo nota subscripsit).

Datum non. septembr., indictione XI, anno I regni domni Hludovici gloriosissimi regis. Actum Trecas civitate. In Dei nomine feliciter. Amen.


Localisation de l'acte

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