878, 11 septembre. — Troyes.
Louis le Bègue, à la prière de Lambert, évêque de Mâcon, accroît la dotation des chanoines de l'église cathédrale d'un certain nombre de biens pris sur la réserve épiscopale : en Lyonnais, la « villa Odremarus » avec la chapelle fondée en ce lieu sous le vocable de saint André et deux manses (ou colonges) à Mons ; en Mâconnais, l'église Notre-Dame d'Avenas avec des vignes « in Bogenis villa », une chapelle dédiée à saint Julien, des manses à « Merlan », à Sancé, à Fuissé et à « Aqua calida » ; en Lyonnais, un ou deux manses de la « villa Rosarias » provenant d'une donation de Louis le Pieux et la « cellula » de Saint-Hymetière, donnée par Charles le Chauve ; en Mâconnais, l'église de Château, dédiée à saint Martin, la « cellula » de Saint-Albain dans la « villa » dite « Gisarias » et d'autres biens sis notamment à Satonnay et à Vaux.
A. Original perdu.
B. Copie du xviie s., par Jean Bouhier, coupée en deux tronçons, Bibliothèque nationale, ms. lat. 17086, p. 34, le premier tronçon, sous le titre : « Hludovicus imperator precibus Lamberti Matiscensis episcopi confert in augmentum praebendarum quaedam indominicata », le deuxième tronçon, sous le titre : « Ex preceptis imperatorum Ludovici et Karoli conceduntur canonicis capellae sanctorum Nicterii (sic), Albini et Martini in Castello », d'après une copie ancienne perdue du Livre enchaîné, brûlé en 1567.
C. Copie de la première moitié du xviiie s., par Claude Bernard de Châtenay, lieutenant particulier au bailliage de Mâcon, aussi coupée en deux tronçons, Archives de Saône-et-Loire, G 198, p. 43 et 44, d'après la même source que B.
B1. Copie du xviie s., par Jean Bouhier, Bibliothèque nationale, ms. lat. 17086, p. 53, sous le titre : « Hludovicus rex confirmat canonicis sancti Vincentii Matiscensis quasdam res quas Lambertus episcopus ex indominicato concessit », d'après une copie ancienne perdue du Livre enchaîné, brûlé en 1567.
C1. Copie de la première moitié du xviiie s., par Claude Bernard de Châtenay, lieutenant particulier au bailliage de Mâcon, Archives de Saône-et-Loire, G 198, p. 66, d'après la même source que B1.
a. Gallia christiana, t. IV, instrumenta, col. 270, n° XII, d'après B1.
b. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 411, n° XIV, d'après a.
c. Ragut, Cartulaire de Saint-Vincent de Mâcon, p. 49, n° LXI, et p. 50, n° LXII, d'après B et C, p. 76, n° CI, d'après B1 et C1.
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 317.
Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1842.
Indiqué : Grat, Catalogue, n° 16.
La tradition de ce précepte est très incertaine. Le cartulaire de Saint-Vincent de Mâcon, dit le Livre enchaîné, brûlé en 1567, en reproduisait deux fois le texte. La première transcription, représentée par les copies B et C (nos LXI et LXII de l'édition Ragut), a été faite d'après une copie exécutée dans la seconde moitié du xe siècle, par le sous-diacre Ubert sur l'ordre de l'évêque Adon. Elle a été découpée artificiellement en deux parties. Il est possible que la deuxième partie seulement reproduise la copie du sous-diacre Ubert. On peut supposer en effet que le début a été transcrit d'après l'original lui-même et que le copiste ne pouvant déchiffrer les noms consignés « in veteri precepto », comme il nous en fait l'aveu, ait eu ensuite recours à la copie du xe siècle. Il est peu probable que la deuxième transcription représentée par les copies B1 et C1 (n° CI de l'édition Ragut) nous livre le texte de l'original. Nous nous trouvons en tout cas en présence de deux rédactions sensiblement différentes, aussi médiocres l'une que l'autre. Il ne paraît pas qu'un texte aussi confus ait pu être rédigé à la chancellerie. Nous ne mettons pas en doute l'existence d'un diplôme de Louis le Bègue délivré à la date indiquée pour l'église de Mâcon et encadré dans les formules communes aux deux rédactions, mais on ne saurait déterminer avec exactitude dans l'énumération des biens affectés à la « canonica » de l'église de Mâcon la part du rédacteur originel, celle du sous-diacre Ubert ou de tout autre copiste, celle enfin du compilateur même du Livre enchaîné.
S'il fallait formuler une hypothèse sur ce diplôme tel qu'il est parvenu — et qui ne peut correspondre à la forme sous laquelle il a été expédié par la chancellerie royale — nous dirions que, incapables de déchiffrer et de transcrire correctement le texte qu'ils avaient sous les yeux, deux clercs successifs en ont fait une analyse et des extraits, avec un soin très médiocre, dans un ordre quelque peu divergent et avec des précisions (ou des gloses ?) qui différent d'une « copie » à l'autre. Il est donc vain de tenter matériellement la reconstitution du diplôme originel : tout au plus, le rapprochement des deux traditions permet-elle d'en connaître grosso modo le contenu. Nous n'en donnerons qu'un seul exemple : parmi les dépendances de la chapelle Saint-André, BC placent une réserve de cent muidées, et B1C1 de cinquante seulement, mais avec des dépendances qui ne figurent pas dans l'autre texte. Il s'agit dans celui-ci d'un bourdon portant sur une ligne entière, et il convient de rectifier ainsi : « de terra [in]dominicata, modiatas [quinquaginta ; habet ibi de terra absa modiatas sexaginta, silva ad saginandos porcos] centum ».
Quoi qu'il en soit, Louis le Pieux avait en effet donné le 10 septembre 815 à l'église de Mâcon tout ou partie de la « villa que vocatur Rosarias » (Böhmer-Mühlbacher, Die Regesten, n° ... ; éd. Ragut, p. 46, n° LVIII) et Charles le Chauve lui avait restitué la « cellula » de Saint-Hymetière le 4 décembre 861 (Recueil des actes de Charles le Chauve, t. II, p. 21, n° 236 ; éd. Ragut, p. 83, n° CIX). C'est à ce diplôme de Charles le Chauve que le rédacteur a emprunté le préambule si caractéristique, inventé par le notaire Folchricus, de même que quelques tournures éparses. La chapelle de Saint-Albain avait été donnée à Saint-Vincent entre 864 et 873 par Landri (éd. Ragut, p. 48, n° LX), qui la tenait lui-même de Charles le Chauve (Recueil, t. I, p. 25, n° 10 ; éd. Ragut, p. 47, n° LIX). L'église de Château, dédiée à saint Martin, est mentionnée dans un précepte de Charles le Chauve empereur qui, dans sa forme actuelle, nous paraît au moins très remanié (Recueil, t. II, p. 664, n° 503).
Les copies B et C, B1 et C1, ne dérivent pas du Livre enchaîné lui-même, mais d'une copie ancienne de ce cartulaire qui formait en 1750 « un registre couvert en parchemin contenant 224 feuillets écrits » (Ragut, p. 386). Il va de soi que les graphies du texte original ont été sérieusement altérées au cours des transcriptions successives. Nous avons utilisé les quatre copies en suivant l'orthographe de C et de C1 (e pour ae) qui nous a paru plus voisine de celle du Livre enchaîné.
Texte établi d'après B, C, B1 et C1
In nomine Domini Dei omnipotentis et Salvatoris nostri Jhesu Christi. Hludovicus misericordia Dei rex. Quicumque gratie dignitatis culmine efferri desiderat, eum merito pre oculis vigili sollicitudine habere debet cujus gratia prefertur. Igitur notum esse volumus omnibus sancte Dei Ecclesie fidelibus et nostris, presentibus scilicet et futuris, qualiter veniens Lambertus, venerabilis episcopus Matiscensis ecclesie, que est fundata in honore incliti martiris Vincentii, innotuit serenitati nostre quod non haberent sui clerici victum in sua canonica qualiter ipsi degere potuissent. Unde ipse episcopus ex suo indominicato nostram benignitatem adiit ut clericis illius loci concederemus, quod ita et fecimus, scilicet in pago Lugdunense Odremarum villam, exceptis ministerialibus quinque quos illi reservavimus cum beneficiis eorum.
B CB1 C1 Est ibi capella fundata in honore sancti Andree, suntque ibi mansi vestiti quinque, absa duo, de terra dominicata modiadas centum. Et concedimus illis in eodem pago, in villa Montis, mansos duos, et in pago Matiscense ecclesiam que est dedicata in honore sancte Marie, in loco qui vocatur Monasterium Pilati, cum immunitate sua et vineis que sunt in Bogenis villa, atque aliam capellam in honore sancti Juliani constructam, in Merlan quoque mansa duo, in Sanciaco similiter, in Fusciaco mansum unum... Ludovicus imperator piissimus et genitor noster Karolus gloriosissimus imperator augustus eis ob emolumentum eterne remunerationis premiorum contulerunt necnon et reliqui religiosi viri, quae conjacent in pagis Lugdunensium sive Matiscensium : ex voto quidem piissimi imperatoris Hludovici in pago Lugdunense conjacent Rosarias villas cum mansa duo ; et ex dono genitoris nostri Karoli cellulam sancti Imiterii que est in eodem pago ; in pago vero Matiscense, ecclesiam sancti Martini que est in Castello cum mancipiis et rebus ad se pertinentibus, necnon et cellulam sancti Albani, locum qui vocatur Gisarias, fundata cum omni ipsius antiqua integritate, atque Satonacum et Vallis quam Rannulfus habuit. Hec autem omnia superius insinuataEt concedimus illis in Monte colonias duas, necnon et in pago Matiscense ecclesiam sancti Martini que est... aspiciunt colonias VIII, in pago Lugdunense, in Odremari capellam in honore sancti Andree, habet mansos vestitos quinque et absos II, de terra indominicata modiatas quinquaginta, habet ibi de terra absa modiatas sexaginta, silva ad saginandos porcos centum, et aliam capellam in honore sancte Marie in loco qui vocatur Monasterium Pelagi atque aliam capellam in honore sancti Juliani, mansi duo, sunt ibi vinee ex quibus exeunt modii XII. Sunt in Sanciaco mansi duo, et est in Fusciaco mansus unus. Et Aquam calidam mansi VIII ; habet silva ad saginandos porcos sexaginta. Ipsa quoque capella, que vocatur Monasterium Pelagi habet servum unum, de terra absa modiatas CL, et sunt in summa mansi XX et VIII, cellulamque sancti Imiterii que est in pago Lugdunense quam genitor noster per preceptum ibi concessit ; aspiciunt mansa X et terre abse ad cellulam sancti Albani, que est in Gisariis villa, aspicit Casillus, suntque ibi mansi VIII et relique terre abse, inter Satonacum et Valles sunt mansi V, ad Rosarias mansum I,et quicquid deinceps ipsis canonicis condonatum fuerit absque ulla contradictione ipsi habeant futuris temporibus in eleemosina genitorum nostrorum et nostra. Quapropter volumus atque jubemus per hanc nostram auctoritatem, nostris videlicet et futuris temporibus, quatenus predictas res cum omnibus rebus ad se pertinentibus iidem canonici in nostram memoriam concessas habeant atque jure perpetuo in ditione ipsorum consistant, ita videlicet ut quicquid de eisdem rebus ob utilitatem canonicorum congregatio ipsius sancti loci ab hodierno die facere voluerit, libero perfruatur arbitrio faciendi. Et ut hec auctoritas pleniorem in Dei nomine obtineat firmitatem et per diuturna tempora inviolabilem et inconvulsum obtineat effectum, manu nostra subter firmavimus et annuli nostri impressione signari jussimus.
Signum Hludovici gloriosissimi regis.
S. Wicardi.
Data III idus septembris, indictione XI, regnante Hludovico gloriosissimo rege. Actum Trecas.