877, 9 décembre. — Compiègne.

Louis le Bègue, à la prière de l'évêque Arnaud (Arnaldus) et sur le vu de préceptes émanés de Lothaire Ier, de Lothaire II et de Charles le Chauve, confirme l'union permanente à l'église de Toul des abbayes de Saint-Èvre, de Saint-Germain et de Saint-Martin, ravies puis restituées par Lothaire Ier à ladite église, en faveur de laquelle il renouvelle l'immunité concédée par ses prédécesseurs.

Référence : Félix Grat, Jacques de Font-Réaulx, Georges Tessier et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des Actes de Louis II le Bègue, Louis III et Carloman II, rois de France (877-884), Paris, 1978, no4.

A. Original perdu.

B. Copie du xviie s., par Albéric Brielle, archidiacre de Toul, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12661, fol. 7 v°, sous le titre : « Confirmatio sancti Apri, sancti Germani, sancti Martini », sans indication de source.

C. Copie du xviiie s., Bibliothèque nationale, ms. fr. nouv. acq. 7392 (De Camps 62), fol. 398, sous le même titre qu'en a, d'après a.

a. Mabillon, De re diplomatica, éd. de 1681, p. 548 (année 878), sous le titre : « Ludovici Balbi item praeceptum, restitutionem cellae sancti Apri Tullensi ecclesiae confirmantis », « ex autographo », d'après A.

b. Le R.P. Benoît de Toul [Benoît-Picard], Histoire ecclésiastique et politique de la ville et du diocèse de Toul, [pièces justificatives], p. xiv, « arch. S. Apri », d'après une copie des archives de Saint-Èvre.

c et c′. Dom Calmet, Histoire de Lorraine, t. I, preuves (1728), col. 313 et 315 (année 878), sans indication de source ; 2e éd., t. II, col. CXLIV et CXLVII.

d. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 398, n° I (année 877), d'après a.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 312.

Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1829.

Indiqué : F. Grat, Catalogue, n° 1.

La date de ce diplôme souffre difficulté. La mention anno secundo unctionis substituée à anno secundo regni est unique dans la série des diplômes de Louis le Bègue. Elle suggérerait que les années sont ici comptées à partir du 8 décembre 877, date du couronnement et du sacre de Louis à Compiègne (Annales Bertiniani, éd. Grat, p. 219). Le précepte aurait donc été expédié le 9 décembre 878. C'est la date que Mabillon avait adoptée. Dans ce cas, le chiffre XI accolé à l'indiction ne serait exact que si le style indictionnel était celui du 25 décembre ou du 1er janvier, à l'exclusion d'un style de septembre. Or des indices donnent à penser que la chancellerie de Louis le Bègue changeait le chiffre de l'indiction dès le mois de septembre. On devrait donc avoir indictione XII plutôt que indictione XI. Mais il y a deux objections plus sérieuses. D'une part, le recognoscens Vulfardus avait momentanément quitté la chancellerie à l'automne de 878 et n'était plus en charge le 9 décembre. D'autre part, la présence de Louis le Bègue à Compiègne à cette date n'est pas vraisemblable. Le souverain avait rencontré son cousin Louis III le 1er novembre à Fouron, entre Meersen et Liège, et si l'on en croit Hincmar, n'aurait pas quitté la région jusqu'à la fête de Noël qu'il célébra à Longlier. S'autorisant de la leçon d'une copie publiée par Dom Calmet (éd. citée sous la lettre c), les éditeurs du Recueil des historiens de la France (t. IX, p. 399, n. 1) ont proposé de corriger anno secundo en die secundo. Le diplôme aurait été expédié le lendemain du sacre et, contrairement à toutes les habitudes, l'année aurait été indiquée par un synchronisme. G. Tessier, dans la note qu'il avait rédigée à propos de ce diplôme, concluait donc : « On hésite à se rallier à une correction aussi arbitraire, d'autant plus que l'expression die secundo unctionis est d'une latinité douteuse », et il suggérait une hypothèse où lui-même voyait cependant « une solution de facilité qui nous répugne toujours davantage », à savoir « l'hypothèse d'une discordance entre le Data et l'Actum et la possibilité d'une décision prise à l'occasion du sacre à Compiègne et mise par écrit un an plus tard, la substitution du mot unctionis au mot regni, après anno, ayant pour but de rappeler le souvenir de l'événement à l'occasion duquel la faveur royale avait été accordée et dont on venait de célébrer l'anniversaire ? »

Devant ces difficultés, il se hasardait à proposer, en dépit de sa hardiesse, une « explication psychologique » : « Ne pourrait-on pas donner à une expression exceptionnelle une traduction aussi exceptionnelle et donner au mot secundus son sens de propice, d'heureux, de favorable ? Le précepte aurait été délivré le 9 décembre en l'heureuse année du sacre. »

Quant à nous, nous n'hésitons pas à penser à une cacographie du scribe : en effet, d'après le témoignage des copistes, le mot regni avait été rayé sur l'original et remplacé par unctionis, signe que le notaire avait été gêné par la formulation aberrante de la date ; il aura oublié de faire subir la même opération au mot anno — écrit par la force de l'habitude — auquel il aurait dû substituer le mot die. En ce cas, il faudrait corriger : (anno) [die] secundo (regni) unctionis, et lire : die secundo unctionis. Contrairement à ce que pensait G. Tessier, l'expression est loin d'être unique : sous Louis V, un acte pour l'église d'Orléans est, de même, daté à Compiègne du lendemain du sacre et dans les mêmes termes : secundo die regiae ordinationis ejusdem, de même qu'un acte pour l'abbaye de Fleury, et l'expression se retrouve dans un diplôme de Henri II de Germanie : primo nostre ordinationis die.

Au surplus, Louis II, présent à Compiègne le 8 décembre 877, jour du sacre, y était encore le 15 (infra, n° 5) ; comme G. Tessier l'a noté ci-dessus, la date de 878 se heurterait à de réelles impossibilités.

L'évêque Arnaud avait présenté trois préceptes à Louis le Bègue. Celui de Lothaire Ier est perdu et celui de Lothaire II (Böhmer-Mühlbacher, Die Regesten, n° 1285, anc. 1250 ; éd. Th. Schieffer, Die Urkunden Lothars II., n° 9, p. 395-397 : cf. 353-354) ne concerne que la restitution de Saint-Èvre et ne fait allusion ni à Saint-Germain, ni à Saint-Martin. Il n'est pas prouvé que le précepte de Charles le Chauve soit celui du 24 novembre 869 (Recueil des actes de Charles le Chauve, t. II, p. 228, n° 330). Bien que la dépendance de Saint-Èvre à l'égard de l'église de Toul y soit expressément mentionnée, le destinataire du diplôme n'est pas l'église, mais le monastère et l'acte royal a essentiellement pour objet de déterminer la consistance du patrimoine de celui-ci. D'autre part Saint-Germain et Saint-Martin n'y sont plus nommés. Aussi Robert Parisot supposait-il l'existence d'un précepte perdu de Charles le Chauve.

Le formulaire de ce diplôme présente quelques irrégularités. Nous ne reviendrons pas sur l'anomalie de la formule de date « anno secundo unctionis... » L'invocation trinitaire est celle des diplômes de Charles le Chauve, mais il est possible, comme nous l'avons signalé dans l'introduction, que la chancellerie de Louis le Bègue ne l'ait pas immédiatement abandonnée. De plus, le rédacteur devait avoir sous les yeux un précepte du roi Charles dont il a peut-être purement et simplement recopié l'invocation. L'incipit du préambule Non solum est insolite, et si la première proposition conditionnelle de ce même préambule « si ecclesiarum Dei... » est parfaitement régulière, la deuxième « sed etiam si ea quae collata sunt... », avec sa référence précise aux libéralités de Charles le Chauve, inspire moins de confiance, encore que quelques précédents puissent être allégués dans la diplomatique carolingienne (Recueil des actes de Charles le Chauve, t. III, p. 157). L'incorrection grammaticale de la notification (il faudrait « omnium... fidelium... comperiat unanimitas) » et des tournures employées dans l'exposé : « ... praecepta ab avunculo nostro... et a filio suo... sed et a domno... super abbatiam sancti Apri... » est choquante. L'emploi de l'incise « unde sunt » pour exprimer la dépendance de Saint-Èvre, de Saint-Germain et de Saint-Martin à l'égard de l'église de Toul ne laisse pas d'étonner. La formule de confirmation de l'immunité est réduite à sa plus simple expression. Toutes ces observations ne suffiront pas pour infirmer la sincérité globale de ce précepte. Si elles témoignent de l'inexpérience du rédacteur en ce début de règne, elles laissent entrevoir la possibilité d'un remaniement du texte primitif, auquel cas l'informateur de Mabillon aurait pris pour un original un pseudo-original ou une copie figurée. La présence de soi-disant notes tironiennes après l'invocation serait de nature à confirmer cette impression.


Texte de a :

In nomine sanctae et individuae Trinitatis. Hludowicus misericordia Dei rex... Non solum si ecclesiarum Dei ministrorumque ejus necessitatibus opem ferendo consulimus, Deum nobis ob id nullatenus propitiaturum dubitamus, sed etiam si ea quae collata sunt a domno et genitore nostro Karolo gloriosissimo imperatore augusto ceterisque praedecessoribus nostris confirmando observamus, praesenti et futuro saeculo profuturum nobis sine dubio credimus. Quapropter omnibus sanctae Dei Ecclesiae fidelibus et nostris, praesentibus scilicet atque futuris, comperiat unanimitas quoniam Arnaldus, venerabilis Tollensis episcopus, obtulit serenitati nostrae praecepta ab avunculo nostro Lothario imperatore et a filio suo aequivoco rege, sed et a domno ac patre nostro Karolo gloriosissimo imperatore augusto super abbatiam sancti Apri, sancti Germani et sancti Martini. Haec enim, cum semper ex jam dicta ecclesia forent, aliquo quamvis parvo intervallo a Lothario subtracta fuerant, sed postmodum precata venia in integrum restituta. Haec ostendens jam dictus venerabilis praesul petiit pietatem nostram ut ob Dei amorem aeternorumque praemiorum remunerationem praecepto nostrae auctoritatis patris et antecessorum nostrorum praecepta confirmaremus et roboraremus. Cujus petitionem nullatenus denegavimus, sed libenter aurem accommodantes, hoc nostrae dignitatis praeceptum fieri et illi dari jussimus, per quod statuimus atque firmamus ut abbatia sancti Apri, sancti Germani atque sancti Martini aeternaliter ecclesiae sancti Stephani, unde sunt, permaneant subjecta atque unita, sine cu[j]uscumque umquam detractione aut minoratione. Immunitatem quoque quam antecessores nostri eidem ecclesiae per praecepta contulerunt similiter confirmamus atque statuimus. Ut autem hujus nostrae confirmationis institutio pleniorem obtineat firmitatis vigorem, manu propria subterfirmantes anuli nostri impressione assignari jussimus.

Signum Hludowici gloriosissimi regis.

Vulfardus notarius ad vicem Gozlini recognovit.

Data V id. decemb., indictione XI, [die] secundo unctionis Hludowici in regno Franciae. Actum Compendio palatio. In Dei nomine feliciter. Amen.


Localisation de l'acte

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