877, 15 décembre. — Compiègne.
Louis le Bègue, confirmant à la prière d'Eudes, abbé de Vézelay, les dispositions d'un précepte de Charles le Chauve et d'un privilège de Jean VIII, renouvelle en faveur du monastère la concession de l'immunité et stipule une amende de 600 sous contre les infracteurs.
A. Original perdu.
B. Copie du xiie s., dans le cartulaire de Vézelay, Bibliothèque Laurentienne de Florence, Plut. XIV, cod. 21, p. 15.
a. Bandini, Catalogus codicum latinorum Bibliothecae Mediceae Laurentianae, t. I, col. 140, n° XVIII, d'après B.
Indiqué : F. Grat, Catalogue, n° 2.
René Louis, à qui nous devons un bon livre sur Girart, comte de Vienne, et ses fondations monastiques (Auxerre, 1946), n'a peut-être pas mis suffisamment en relief les obscurités du dossier diplomatique du monastère de Vézelay. Laissant de côté les actes privés, nous énumérerons les premiers privilèges pontificaux et actes royaux ou impériaux qu'on y rencontre. Ce sont : 1° un privilège de Nicolas Ier (Jaffé, Regesta, 2e éd., n° 2831) qu'il convient de dater, semble-t-il, de mai 863. Acceptant la donation, que le comte Girard et sa femme avait faite à l'Église romaine, du monastère fondé par eux, le pape précisait le statut juridique du nouvel établissement à l'égard des autorités civiles et ecclésiastiques ; 2° un précepte de Charles le Chauve en date du 7 janvier 868 (Recueil des actes de Charles le Chauve, t. II, p. 181, n° 309), confirmant les dispositions du privilège de Nicolas Ier et mettant le monastère sous la protection de l'immunité ; 3° un second précepte de Charles le Chauve, en date du 10 septembre 877 (ibidem, p. 501, n° 446), par lequel l'empereur confirmait un privilège que le pape Jean VIII aurait fait expédier sur sa demande en faveur du monastère de Vézelay, aucun détail n'étant d'ailleurs fourni, sur le contenu de ce privilège qui aurait été, semble-t-il, une confirmation générale de biens, « super quasdam res sancti Petri quas ex dono apostolico tenent [monachi]..., videlicet super memoratum Virzelliacum coenobium,... cum omnibus rebus et mancipiis ad se pertinentibus, quae scilicet hactenus ibidem collata vel data sunt vel quicquid deinceps ibi adquiri vel dari potuerit » ; 4° un privilège de Jean VIII en date du 29 septembre 878 (Jaffé, n° 3189), confirmant celui de Nicolas Ier et faisant allusion à la substitution de moines aux moniales qui, primitivement, avaient été installées à Vézelay ; 5° le précepte de Louis II dont on trouvera le texte ci-dessous ; 6° un précepte de Carloman, en date du 21 mars 881, publié plus loin sous le n° 51 ; 7° un précepte du roi Eudes du 10 juillet 889, publié en dernier lieu par Robert-Henri Bautier (Recueil des actes d'Eudes, p. 41, n° 10).
Le privilège de Jean VIII étant postérieur au précepte de Charles le Chauve qu'il est censé confirmer, nous avions émis l'hypothèse que l'empereur avait en effet présenté une supplique au pape qui l'avait agréée et qu' « escomptant prématurément que le privilège serait promptement rédigé », Charles aurait fait « expédier le diplôme comme si l'acte pontifical avait été déjà mis en forme ». Cette conjecture a été rejetée par R.-H. Bautier. Selon lui, la bulle de Jean VIII « pourrait fort bien n'être pas celle de 878 dont le texte nous a été conservé, mais une autre, aujourd'hui disparue » (op. cit., p. 43). A priori, l'explication paraît plus vraisemblable et c'est celle qui se présente tout d'abord à l'esprit. On s'étonne cependant que le premier privilège de Jean VIII ait disparu d'un dossier aussi bien tenu et apparemment aussi complet que celui du monastère de Vézelay et qu'en outre il n'y soit fait aucune allusion dans le privilège de 878. Aussi estimons-nous que notre hypothèse n'était pas déraisonnable. Conscient néanmoins de la valeur des objections dont elle est susceptible, nous consentirions volontiers à admettre que le privilège de Jean VIII dont il est question dans le précepte de Charles le Chauve ne se confond pas avec celui de 878, sous cette réserve qu'il serait resté à l'état de projet et n'aurait jamais été expédié.
Si on suppose avec R.-H. Bautier qu'il y a bien eu un premier privilège de Jean VIII qui ne nous est pas parvenu, le diplôme de Louis le Bègue ne souffre aucune difficulté apparente. Mais il peut s'expliquer aussi dans l'autre hypothèse. En effet, si on s'en tient aux termes de l'exposé, l'abbé Eudes n'a présenté à la chancellerie aucun acte antérieur, et le précepte a été établi seulement sur le vu de la requête. Cette requête elle-même a son point de départ dans le précepte de Charles le Chauve du 10 septembre 877 et dans la référence que l'abbé Eudes y trouvait à un privilège de Jean VIII, que celui-ci ait été ou non réellement expédié. En tout cas, le rédacteur du précepte de Louis le Bègue n'a fait aucun emprunt textuel ni au diplôme de Charles le Chauve de 868, où n'était d'ailleurs pas stipulé l'amende de 600 sous, ni à celui de 877, où ne figure aucune allusion à l'immunité. Il n'a eu sous les yeux ni l'un ni l'autre.
L'ordre des divers éléments de l'eschatocole laisse suggérer que le monogramme royal, d'assez grande dimension, avait pris place au milieu de cette partie finale et séparait la souscription du roi de celle du notaire, la Data et l'Actum.
[I]n nomine sancte et individue Trinitatis. Hludovicus misericordia Dei rex. Si servorum Dei justis postulationibus aurem nostre serenitatis accommodamus easque ad effectum pie peticionis opem ferendo perducimus, hoc nobis profuturum fore ad ęternę remunerationis premium facilius obtinendum et ad presentem vitam facilius transigendam nullo modo dubitamus. Quocirca noverit omnium sanctę Dei Ęcclesię fidelium nostrorumque, tam presentium quamque futurorum, industria quoniam Eudo, venerabilis abbas Virzeliacensis monasterii, adiens celsitudinem nostram deprecatus est ut idem cenobium cum omnibus appenditiis suis sub immunitatis nostre tuicione et regali defensione acciperemus, eo videlicet modo ut ea que in precepto domni et genitoris nostri dive recordationis Karoli gloriosissimi imperatoris augusti et in privilegio domni ac patris nostri Johannis universalis pape continentur inviolata et inconvulsa permaneant, quod cenobium situm est in pago Avalensi super Coram fluvium et est constructum in honore Dei et Salvatoris nostri Jhesu Christi ejusdemque genitricis semper virginis Marię beatorumque apostolorum Petri et Pauli. Cujus peticioni libenter annuimus et prefatum cenobium cum omni integritate sua seu et ea que a fidelibus, divina gratia ordinante, olim ibi fuerint oblata, sub nostra immunitione seu tuicione accepimus. Precipientes ergo jubemus ut nullus comes seu vicecomes aut aliquis ex secularibus judicibus vel e missis nostris discurrentibus in prefato cenobio potestative mansiones accipiat aut paratas seu freda aut cespitaticum aut pontaticum aut rotaticum aut inferendas ab eo exigere presumat, sed liceat servis Dei in eodem cenobio degentibus secure ac quiete pro patre et genitrice nostra ac pro nobis conjugeque et prole totiusque regni statu absque alicujus inquietantis molestia Dominum exorare. Sin autem, quod mini[m]e futurum credimus, aliquis hominum qualibet seculari preditus potestate contra hoc nostrę altitudinis immunitatis preceptum venire aut illud temerare seu in aliquo violare presumpserit, sexcentorum solidorum multa coactus ex[s]olvat, medietatem scilicet fisco nostro, alteram vero medietatem ecclesie cui litem intulerit. Et ut hoc nostre claritudinis firmitatis pactum firmum ac stabile per futura maneat tempora, precamur successores nostros ut, sicut sua que legitime statuerint firma esse a sequentibus voluerint, ita et hec que a nobis modo corroborantur firma et inconvulsa perpetualiter custodire studeant. Ut autem hoc nostre auctoritatis preceptum in Dei nomine pleniorem firmitatis obtineat vigorem, manu nostra illud firmavimus et anuli nostri inpressione subter jussimus sigillari.
Signum Hludovici gloriosissimi regis (Monogramma).
Data XVIII k. jan., indic. XI, anno primo regnante Hludovico rege gloriosissimo.
Vulfardus notarius ad vicem Gauzelini recognovit.
Actum Compendio palatio publico. In Dei nomine feliciter. Amen.