878, 29 janvier. — Noyon.

Louis le Bègue, à la prière de Hugues l'Abbé, donne au monastère de Saint-Germain d'Auxerre la « villa » de Môlay avec son église dédiée à saint Pierre et ses dépendances sises dans le comté de Tonnerre, « in Abonna villa », et dans le comté d'Auxerre, « in villa Ticisnao » et à Revisy. Abandonnée par les moines de Saint-Germain au comte Conrad à la suite d'un échange, la « villa » de Môlay <avait été confisquée par Charles le Chauve, puis donnée par lui à Boson qui était intervenu pour obtenir sa restitution au profit de ses premiers propriétaires>.

Référence : Félix Grat, Jacques de Font-Réaulx, Georges Tessier et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des Actes de Louis II le Bègue, Louis III et Carloman II, rois de France (877-884), Paris, 1978, no6.

A. Original perdu.

B. Copie de l'année 1266, dans le Grand cartulaire de Saint-Germain d'Auxerre, Bibliothèque d'Auxerre, ms. 161 (anc. 142), fol. 25 v°, Carte regum, n° vii, sous la rubrique : « Ludovicus rex de collatione Modolagii. VII ».

C. Copie de l'année 1652, dans dom Victor Cottron, Chronicon... coenobii S. Germani Altissiodorensis, Bibliothèque d'Auxerre, ms. 167 (anc. 148), p. 680, d'après B.

D. Copie du xviie s., collationnée le 4 mai 1670 par Noël Damy, notaire de l'officialité, Archives de l'Yonne, H 1010, p. 11, d'après B.

E. Copie du xviie s., par Chifflet, Bibliothèque des Bollandistes, à Bruxelles, Collectanea Burgundica, ms. 220, non folioté, d'après B.

F. Copie du xviie s., dans dom Viole, Mémoires sur l'histoire du diocèse d'Auxerre, t. III, Historia abbatum monasterii Sancti Germani Autissiodorensis, Bibliothèque d'Auxerre, ms. 154 (anc. 138), p. 108, d'après B.

G. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 142, fol. 175, d'après B.

H. Copie du xviie s., Bibliothèque nationale, Collection Du Chesne, vol. 57, fol. 124, d'après B.

a et a1. Lebeuf, Mémoires concernant l'histoire ecclésiastique et civile d'Auxerre, t. II (1743), preuves, p. 5, d'après B ; éd. Challe et Quantin, t. IV (1855), p. 25, n° 11, d'après a.

b. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 399, n° iii, d'après a.

c. Quantin, Cartulaire général de l'Yonne, t. II, p. 8, n° vii, avec attribution à Louis IV (année 937), d'après B.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 313.

Indiqué : Böhmer, Regesta n° 1830.

Indiqué : Grat, Catalogue, n° 35, avec attribution à Louis III (année 880).

Ce précepte a été successivement attribué à Louis II par l'abbé Lebeuf, suivi par les éditeurs du Recueil des historiens de la France, à Louis IV, par Max Quantin qui l'avait daté de l'année 937, enfin à Louis III, par Ph. Lauer (Recueil des actes de Louis IV, p. 109) et, après lui, par F. Grat, dans son catalogue. Contre l'attribution à Louis IV, on peut faire valoir que la villa de Môlay dont le précepte documente la donation à Saint-Germain d'Auxerre, est mentionnée parmi les biens de l'abbaye le 14 juin 884 (Quantin, Cartulaire général de l'Yonne, t. I, p. 111), que, si la requête émanait de Hugues le Grand, celui-ci serait vraisemblablement qualifié de duc, comme dans le diplôme de Louis IV expédié le 26 juillet 936 en faveur du même monastère de Saint-Germain : « fidelis noster Hugo, dux et abbas monasterii sancti Germani Autissiodorensis » (éd. Ph. Lauer, Recueil, p. 6, l. 24 et 25), que le protocole initial convient à Louis II ou à Louis III beaucoup mieux qu'à Louis IV, pour lequel il serait même aberrant. Ph. Lauer, qui attribue le précepte à Louis III, a fait remarquer d'autre part « qu'il est question du roi Louis le Bègue à la troisième personne dans l'acte même (apud dominum regem Ludovicum) ; ce ne peut donc pas être lui qui parle dans le diplôme à la première personne ». L'observation serait valable si les mots incriminés avaient pu sortir de la plume d'un notaire de Louis III. C'est en effet une tradition de la chancellerie carolingienne d'entourer de formules protocolaires le nom du père et prédécesseur du souverain. On s'attendrait donc à des expressions telles que « apud piae recordationis genitorem nostrum dominum regem Ludovicum » ou au moins « apud genitorem nostrum dominum Ludovicum ». De plus, si le précepte émanait de Louis III, il faudrait le dater du 29 janvier 880. Or le partage du royaume entre Louis III et Carloman ne fut opéré qu'après leur réconciliation, intervenue seulement en février 880, avec leur cousin Louis le Jeune, fils du Germanique (Annales Vedastini, éd. B.v. Simson, dans M.G.H., SS. rer. germ., p. 46-47). Si, avant cette date, les jeunes souverains avaient exercé une activité diplomatique quelconque, ils l'auraient sans doute fait conjointement. On sait d'autre part que, lors du partage, la Bourgogne échut à Carloman. Désormais, Louis III n'aurait pas eu qualité pour prendre une mesure intéressant Saint-Germain d'Auxerre. Ajoutons que l'année 880 répond à une 13e année indictionnelle et qu'il faudrait donc admettre dans le cas présent un écart de trois années entre les éléments de la date. Tout s'éclaire au contraire si on admet que le passage invoqué contre l'attribution à Louis II est une note explicative incorporée par le compilateur du cartulaire. A l'appui de cette hypothèse, due à la collaboration apportée à ce recueil par J. de Font-Réaulx, on peut faire valoir outre les expressions insolites « dompni Karoli imperatoris » et surtout « dompnum regem Ludovicum », la présence du mot auctorari, qui n'est guère du style de la chancellerie du ixe siècle, et la gaucherie de la tournure « quia fuit in fisco per bannum... ». Nous proposons donc de restituer ce diplôme à Louis II, en le datant du 29 janvier 878. L'indiction retarderait d'une unité.

Avant d'entrer dans le patrimoine de Saint-Germain d'Auxerre, la villa de Môlay avait connu bien des vicissitudes. Donnée au monastère par Charles le Chauve le 9 janvier 859 (Recueil des actes de Charles II le Chauve, t. I, p. 511, n° 200), restituée par le même souverain le 11 octobre 861 après une courte aliénation (ibid., t. II, p. 18, n° 234, et p. 19, n° 235), passée entre les mains de Conrad II à la suite d'un échange intervenu entre lui et les moines de Saint-Germain et confirmé par Charles le Chauve le 2 décembre 863 (ibid., t. II, p. 90, n° 261), elle avait été, si on en croit la notice explicative interpolée dans le texte du précepte de Louis II, confisquée au profit du fisc, puis donnée à Boson. Celui-ci aurait obtenu de Louis II sa restitution aux moines de Saint-Germain. Sous couleur d'une donation consentie à la requête de Hugues l'Abbé, le présent précepte documenterait en réalité cette restitution.


In nomine Domini Dei eterni et Salvatoris nostri Jhesu Christi. Ludovicus misericordia Dei rex. Quicquid locis sacris divinis cultibus mancipatis per preceptum nostre regalis celsitudinis largimur, hoc nobis ad presentem vitam felicius transigendam et ad eternam facilius capescendam profuturum credimus. Noverit igitur omnium sancte Dei Ecclesie fidelium, tam presencium quam et futurorum, sollercia quoniam venerabilis abbas Hugo ex cenobio sancti Germani Autissiodorensis monasterii, ad nostram accedens excellenciam, precatus est ut predicto monasterio sancti Germani quasdam res proprietatis nostre concederemus. Cujus peticionibus libenter annuentes, dedimus prefato monasterio sancti Germani quandam villam que dicitur Modolaius cum ecclesia in honore sancti Petri constructa, quam Conradus comes concambiavit cum fratribus monasterii sancti Germani de dote mulieris sue Valdrade, <quam eciam villam legitime auctorari non potuit, quia fuit in fisco per bannum dompni Karoli imperatoris, qui dedit ipsam villam Bosoni comiti. Boso vero, ob amorem et remissionem delictorum anime senioris sui, impetravit prescriptam villam apud dompnum regem Ludovicum fratribus monasterii sancti Germani> cum omnibus appendiciis suis et quicquid in Tornorensi comitatu de eadem villa in Abbonna villa aspicit et quicquid in Autissiodorensi comitatu in villa Ticisnao et Rivisiaco pertinere videtur. Concessimus igitur fratribus monasterii sancti Germani prefatas res cum omnibus adjacenciis, cum silvis, pratis, vineis, aquis aquarumve decursibus, molendinis, pascuis, exitibus et regressibus. Ut autem hec nostre auctoritatis precepcio firmam et inviolabilem semper in Dei nomine optineat firmitatem, anuli nostri impressione jussimus eam insigniri, manu propria subter signantes.

Datum IIII kal. feb., indiccione X, anno primo dompni Ludovici serenissimi regis. Actum Noviniaco civitate. In Dei nomine feliciter. Amen.


Localisation de l'acte

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