880, 30 décembre. — Compiègne (Palais).
Louis III, à la prière de son parent Welf (Guelfo), abbé de Saint-Riquier, interdit à qui que ce soit — même en se rendant à l'ost — de prendre gîte dans la « villa » de Chevincourt, sans l'assentiment des moines, sous peine d'une amende de trente livres d'argent.
A. Original perdu.
B. Copie du xviie s., par André Du Chesne, dans Hariulf, Chronicon Centulense, livre III, ch. xiii, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12893 (anc. Saint-Germain lat. 5312), fol. 213, d'après le manuscrit présumé autographe d'Hariulf (fin du XIe siècle).
C. Copie du xviie s., dans la même chronique, Bibliothèque d'Amiens, ms. 531, fol. 62 v°, d'après B.
D. Copie du xviie s., dans la même chronique, Bibliothèque nationale, ms. lat. 11733, fol. 242 v°, d'après a.
a. Dom Luc d'Achery, Spicilegium, 1re éd. (in-4°), t. IV (1671), p. 505, d'après B.
b. Ibidem, éd. de La Barre (in-fol.), t. II (1723), p. 318, d'après a collationné par Dom Ursin Durand sur le manuscrit présumé autographe d'Hariulf.
c. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 414, n° XVIII, d'après a.
d. Migne, Patrologiae [latinae] cursus, t. CLXXIV, col. 1276, d'après b.
e. Abbé Hénocque, Histoire de l'abbaye et de la ville de Saint-Riquier, t. II, p. 493, d'après b.
f. F. Lot, Hariulf. Chronique de l'abbaye de Saint-Riquier, p. 124, d'après B C et a.
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 319.
Indiqué : Grat, Catalogue, n° 21, avec attribution à Louis II.
La date et l'attribution de ce diplôme font difficulté. Hariulf le place vraisemblablement en 867 et le met en tout cas sous le nom de Louis le Bègue, roi d'Aquitaine. Les éditeurs n'ont pas retenu cette identification fantaisiste et ont daté communément le diplôme du 30 décembre 878, deuxième année du règne de Louis le Bègue après la mort de Charles le Chauve, bien que le chiffre de l'indiction soit 15 au lieu de 11 ou 12, selon le style employé. Malheureusement, le roi était très loin de Compiègne à ce moment-là. Pour résoudre la difficulté, F. Lot recourt, selon son habitude, à l'hypothèse d'une discordance entre la date de lieu et la date de temps, entre l'Actum et le Datum. « Le diplôme, écrit-il, p. xxxviii, a bien été accordé à Compiègne, sans doute en octobre 878, mais il n'a été expédié que le 30 décembre ». Malheureusement, l'intervention du notaire Audacher serait anachronique : les diplômes datés de décembre 878, de janvier et du 8 février 879 sont encore reconnus par Wigbaldus. On ajoutera que le notaire Audacher-Oacre était spécialement en faveur auprès de Louis III dont il fut le candidat au siège épiscopal de Beauvais (voir plus loin les nos 45-47). Au surplus, l'acte est postérieur à la rentrée en grâce de Josselin-Gozlin, qui intervint après le traité de Ribemont de février 880. Aussi proposons-nous d'attribuer le précepte publié ci-dessous à Louis III dont la présence à Compiègne est signalée par les Annales Vedastini le 25 décembre 880. L'acte doit donc être daté du 30 décembre 880, mais le chiffre de l'indiction est trop fort d'une unité.
A cette date, la Picardie était très menacée par les Normands qui, de leur quartier d'hiver de Courtrai, vinrent piller Arras et Cambrai en décembre, avant d'étendre leurs courses jusqu'à Amiens et Corbie. C'est sans doute à Compiègne que Louis III et ses conseillers organisèrent l'armée qui allait être victorieuse à Saucourt en Vimeu, tout près de Saint-Riquier. L'acte ne saurait donc être daté du 30 décembre 881 (ce qui correspondrait bien au chiffre de l'indiction, mais exigerait la correction de l'année du règne), car après Saucourt, les Normands avaient reflué sur Asselt (Pays-Bas, prov. Limbourg), la Meuse et le Rhin. La situation, toute différente, n'exigeait plus la protection des domaines de Saint-Riquier et le roi allait se rendre dans l'ouest du royaume. En revanche, en décembre 880, les allées et venues des troupes et des réfugiés expliquent la requête de l'abbé Welf. Comme le dit Hariulf en s'inspirant du précepte et sans se douter de l'exactitude de son propos : « ... villam sanctissimi patris Richarii, Civinicurtem vocabulo, contigit peditum equitumve frequenti transitu nimis gravari ».
Précepte de forme simple sans préambule, sans annonce de la main royale et, en conséquence, sans monogramme.
Texte établi d'après B b :
In nomine Domini Dei aeterni et Salvatoris nostri Jesu Christi. Hludovicus misericordia Dei rex. Notum sit omnibus sanctae Dei Ecclesiae fidelibus et nostris, praesentibus scilicet atque futuris, quoniam Guelfo, venerabilis abbas et consanguineus noster carissimus, ad nostram accedens serenitatem precatus est ut, propter hospitum oppressionem, facere juberemus praecep tum nostrae auctoritatis ex villa fratrum Sancti Richarii nomine Civinocurte quatenus nemo ibi mansionaticum faciat, nec in hostem vadens, nec iterans, sed libera sit jam dicta villa ab omni oppressione hospitum et libere possit suis senioribus deservire. Nos itaque ejus petitionibus assensum praebentes propter amorem Dei et reverentiam praedicti loci et remedio animae nostrae et ob jam dicti abbatis Guelfonis carissimi consanguinei nostri dilectionem, ita et fecimus. Praecipientes igitur jubemus per hoc praeceptum nostrae auctoritatis ut nullus in praedictam villam ex omni regno nostro introeat causa ullius mansionatici sine voluntate praedictorum fratrum, sed libere ab omnium hospitum oppressione maneat sine ulla resultatione. Si quis vero hoc nostrum praeceptum infringens quidpiam sine licentia fratrum ex praedictis fecerit, argenti libras XXX coactus exsolvat. Et ut haec nostrae concessionis auctoritas per omnia tempora inviolabiliter ab omnibus conservetur, anuli nostri impressione subter eam sigillari jussimus.
Audacher notarius ad vicem Gauzlini recognovit et subscripsit.
Datum III kal. januarii, indictione XV, anno II regnante Hludovico gloriosissimo rege. Actum Compendio palatio. In Dei nomine feliciter. Amen.