[878 ou 879], 7 mars. — Aix-la-Chapelle.

Acte faux

Louis, roi, à la demande de l'abbé Asinarius, concède à l'église de Dèvre, construite par l'archevêque de Bourges Raoul, avec le consentement de l'empereur Charles, une rente de soixante sous payable à chaque fête de Pâques sur les revenus publics, la confirme dans la possession de ses biens et notamment de ceux qui lui ont été donnés par Centulfus, à savoir les « villae » de « Mauriacum » et de Ballans, l'église de Notre-Dame et Saint-Symphorien d'Agen, la prend sous sa protection, demande aux évêques de Bourges et à ses clercs de la défendre et régir, en raison de la redevance que leur paient l'abbé et les moines de Dèvre et dont le montant a été fixé par l'archevêque Raoul. Il lui confère l'immunité et la liberté de l'élection de l'abbé, sous réserve du consentement de l'évêque et de ses clercs.

Référence : Félix Grat, Jacques de Font-Réaulx, Georges Tessier et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des Actes de Louis II le Bègue, Louis III et Carloman II, rois de France (877-884), Paris, 1978, no96.

A. Pseudo-original de la fin du xie ou du début du xiie s. Parchemin. Hauteur, 270 mm. ; largeur, 405 mm, Archives départementales du Cher, 8 G 1078 (anc. G 140).

B. Copie du xiie s., postérieure à 1155, dans le Cartulaire de l'abbaye de Vierzon, Bibliothèque nationale, ms. lat. 9865, fol. 3 v°-4, d'après A.

C. Copie du xiiie s., dans le cartulaire de Saint-Étienne de Bourges, Bibliothèque nationale, ms. n. acq. lat. 1274, fol. 36 r°-v°, d'après A.

D. Copie de la fin du xiiie s., dans un cartulaire brûlé de Saint-Étienne de Bourges, Archives départementales du Cher, 8 G 17, dossier M, pièce 16 (jadis fol. 495 ?), sous la rubrique : « De ecclesia de Dovera, urbis Agenensis fondata seu edificata a Radulpho Bituricensi archiepiscopo et privilegiis ejusdem ecclesie ».

E. Copie du xviie s., par André Du Chesne, Bibliothèque nationale, Collection Duchesne, vol. 22, fol. 316 r°-v°, d'après B.

F. Copie du xviiie s., Bibliothèque nationale, Collection Bréquigny, vol. 46, fol. 119-121, d'après une copie, aujourd'hui perdue, de Dom Housseau faite sur C.

a. É. de Toulgoët-Tréanna, Histoire de Vierzon et de l'abbaye de Saint-Pierre, 1874, p. 460-461, d'après B.

b. J. Soyer, Un faux diplôme carolingien attribué tantôt à Louis le Débonnaire et tantôt à Louis le Bègue, concernant l'abbaye de Dèvre, près de Vierzon, dans Mémoire de la Société historique... du Cher 4e série t. XIII, 1898, p. 65-67, d'après A et C.

c. G. Devailly, Le cartulaire de Vierzon, 1963, p. 100-103, n° 5, d'après B.

Indiqué : Dom Claude Estiennot, Antiquitates benedictinae in diocesi Bituricensi, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12742, p. 162.

Indiqué : G. Thaumas de la Thaumassière, Histoire de Berry, 1689, p. 793-794.

Indiqué : J. Mabillon, Annales ordinis sancti Benedicti, t. II, 1704, p. 641.

Indiqué : Daiguson, Note sur le cartulaire de l'abbaye de Saint-Pierre de Vierzon dans Congrès archéologique de France, XLe session, Châteauroux (1873), 1874, p. 588 et 596.

Indiqué : A. Buhot de Kersers, Histoire et statistique monumentale du département du Cher, t. IV, 1889, p. 199, et t. VII, 1895, p. 335.

Indiqué : É. de Toulgoët-Tréanna dans Mémoires de la Société historique... du Cher..., 4e série, t. XII, 1897, p. 209-210.

Indiqué : G. Tessier, Les chartes du monastère de Dèvre, dans Bibliothèque de l'École des chartes, t. XCII, 1931, p. 23-42.

La fausseté de cette charte est évidente. Elle est mise sous le nom d'un roi Louis, fils d'un empereur Charles, époux d'une reine Judith. De plus elle est datée d'Aix-la-Chapelle. Il s'agirait donc de Louis le Pieux, mais ce dernier portait le titre d'empereur. D'autre part, Raoul, mentionné également dans l'acte, fut archevêque de Bourges de 841 à 866, donc sous le règne de Charles le Chauve. Le roi serait donc plutôt Louis le Bègue. En fait, l'identité exacte de celui à qui le faussaire a attribué cette charte, est mal assurée, en raison de l'ignorance où il était de la chronologie des souverains de la France.

Les formules carolingiennes sont empruntées à un diplôme de Charles le Chauve, daté de mai 844 (?) et confirmant la donation faite par Raoul, archevêque de Bourges au même monastère de Dèvre de divers biens (G. Tessier, Recueil des actes de Charles II le Chauve, t. I, 1943, p. 115-118, n° 42). Le rédacteur a usé des mêmes mots mais en a modifié l'ordre. L'invocation à la Trinité est remplacée par une invocation aux trois personnes divines. La suite des propositions du préambule n'est pas la même :

De la formule d'immunité, seules les clauses financières ont été retenues ; les autres sont tombées parce que périmées. Dans les passages nouveaux, se trouvent la donation d'une rente de soixante sous sur les revenus publics, payable à chaque fête de Pâques et la confirmation de la cession de deux « villae », Mauriacum et Bazlincum, ainsi que d'une église à Agen, dédiée à Notre-Dame et à Saint-Symphorien par Centulfus. La charte de ce dernier, nous a d'ailleurs été conservée ; datée de février de la 13e année du roi Charles [le Chauve], c'est-à-dire de 852, elle précise la situation géographique de ces « villae » en Saintonge (in pago Sanctonico), l'une — l'actuel Ballans (Charente-Maritime, cant. de Matha), dans la viguerie de Bresdon (Charente-Maritime, cant. de Matha ; in vicaria Brasdunensi) ; — l'autre dans la viguerie de Cherves (Charente, cant. de Cognac ; in vicaria Cirpensi). Mauriacum est plus difficile à identifier ; en admettant que le copiste se soit trompé et ait écrit Mauriacum pour Nauriacum, il se pourrait que le lieu cherché soit Néré (Charente-Maritime, cant. d'Aulnay).

L'archevêque de Bourges, Raoul, restaurateur de cette « cella », dépendant du domaine épiscopal, avait demandé à ses successeurs de protéger ce petit monastère, de lui conserver ses biens, étant entendu qu'il resterait sous la domination épiscopale et que la liberté d'élection abbatiale serait octroyée de son consentement. Ces clauses, qui ont passé dans le faux, indiquent, ainsi que la provenance de la charte, que les auteurs sont à chercher parmi les chanoines de l'église cathédrale, qui eurent pour complices les moines de Vierzon ayants cause de ceux de Dèvre.

Quelle date peut-on donner à ce faux ? G. Tessier le place au xie siècle, en se basant sur l'emploi du signum de la reine et sur ses caractéristiques paléographiques. Pour G. Devailly, il serait de la fin du xie siècle, car le passage : « Et quandoquidem abbates... permanere valeant » (empruntés au diplôme de Charles le Chauve), refléterait, selon lui, à la fois les thèmes de la réforme grégorienne et les préoccupations personnelles de l'abbé Herbert, qui fit préparer le cartulaire de Vierzon. Quand à nous, nous estimons que paléographiquement on ne peut pas le placer avant l'extrême fin du xie siècle au plus tôt, ou mieux le début du xiie.

Il faut ajouter que de la même main sont aussi une charte-notice, datée du 23 novembre 926, par laquelle le comte Thibaud érige en abbaye la cellula du château de Vierzon, où, grâce aux chanoines de Saint-Étienne de Bourges, les moines de Dèvre s'étaient réfugiés en 903 et place le nouveau monastère sous la protection dudit chapitre.

Ces deux actes ont donc pour fin d'établir envers le chapitre de Bourges un lien de subordination qui n'était prévu qu'envers l'archevêque et qui en effet a existé. Or, à la fin du xie siècle, l'archevêque de Bourges, Audebert (1902-1906), ancien moine de Déols, avait cédé à cette abbaye celle de Vierzon et cette dernière eut beaucoup de peine à recouvrer son indépendance. Nouvel élément de datation car, ces faux, qui tendent à montrer que le chapitre de Saint-Étienne avait lui aussi à exercer un droit de contrôle sur l'abbaye de Dèvre, ont dû naître à cette époque pour la commune utilité des deux établissements.

Nous imprimons en petit texte les passages empruntés au diplôme cité de Charles le Chauve.


[1] † In nomine Patris et Filii et Spiritus sancti. Ludovicus gratia Dei rex. Regię dignitatis debemus exercere consuetudinem et petitionibus servorum Dei justis benignum accommodare [2] assensum quia pro hoc confidimus ab auctore mundi nobis rependi et post istius vitę decursum aeterna beatitudine cum sanctis omnibus perfrui. Unde nobis curę fuit de ęcclesia [3] quadam in regno nostro constructa, quam venerabilis Rodulfus, Biturigensis ęcclesię archipresul, exędificavit assensu domni Karoli augusti predecessoris nostri, Dovera [4] nomine, ut de reditibus nostris ad usus monachorum ibidem Deo famulantium retribueremus, rogatu Asenarii ejusdem ęcclesię abbatis, quod libenter annuimus, ita dumtaxat [5] ut servi Domini qui in eodem loco degere videntur, pro nobis et pro nostra conjuge proleque nostra et stabilitate totius regni a Deo nobis conlati attentius Domini misericordiam [6] exorent. Concedimus namque eis nostrę auctoritatis pręcepto omni anno in die Paschę sexaginta soldos de reditibus publicis itemque concedimus ut quicquid Centulfus [7] fidelissimus noster illi ęcclesię contradidit, fixum permaneat, scilicet Mauriacum villam cum omnibus appenditiis suis et Bazlincum villam cum omni sua integritate, [8] itemque ęcclesiam in honore sanctę Dei genitricis et sancti Symphoriani dicatam, quę infra muros urbis Aggenensis sita est, et quę deinceps divina pietas augere voluerit, [9] sub plenissima defensione et immunitatis nostrę tuitione possideant, quatinus ipsi monachi successoresque eorum perpetim memoratas res absque cujuspiam inquie-[10]-tudine aut diminoratione tenere valeant eosdemque monachos cum omnibus rebus eorum et mancipiis more paterno sub nostra defensione eos statuimus. Et hanc [11] nostram auctoritatem illis fieri jussimus per quam statuimus atque firmamus ut predicti monachi supradictas res quę a nobis concessę sunt vel illas quę Karolus [12] gloriosissimus rex et Rodulfus episcopus ad eorum stipendia deputaverunt perpetuo teneant atque possideant, remota totius inquietudinis molestia, ita [13] dumtaxat ut episcopi Biturigenses vel clerici ejusdem ęcclesię, qui ea[m]dem ęcclesiam sub sui regiminis cura habent vel futuri qui habituri sunt episcopi, [14] nihil de memoratis rebus habeant minuendi licentiam. Hoc vero jubentes precipimus ut persolvant abbates vel monachi predicti quod statutum est a Radulfo [15] archiepiscopo Biturigensi ęcclesię, ut episcopi vel clerici ejusdem ęcclesię fautores et adjutores imperpetuo contra omnes inimicos eorum existant. Interea precipientes jubemus [16] ut nullus judex publicus, neque quislibet ex judiciaria potestate nec ullus ex fidelibus nostris in ęcclesias aut loca vel agros seu reliquas possessiones predictę ęcclesię quas [17] presenti tempore juste et rationabiliter possidere videntur in quibuslibet pagis et territoriis vel quę deinceps in jure ipsius sancti loci voluerit divina [18] pietas augeri, ullas redibitiones aut inlicitas occasiones requirere presumat uspiam, auctoritate regia interdicimus, ut perhennis temporibus ad stipendia [19] monachorum ibidem Deo famulantium et alimonia pauperum profitiat in augmentum ; et quandoquidem abbates ejusdem loci vocatione divina ex hac luce [20] migraverint, habeant potestatem eligendi abbates qui secundum regulam monasticam eos regere valeant, per hanc nostram auctoritatem et consensu proprii episcopi [21] necnon et clericorum ęcclesię Biturigensis concedimus ut perpetim quieti permanere valeant. Et ut hęc auctoritas nostris futurisque temporibus, Domino protegente, [22] valeat inconvulsa manere, manu propria subter eam firmavimus et sigilli nostri impressione adsignari jussimus.

[23] Actum hoc Aquisgranu palatio die nonarum martiarum.

SIGNVM LVDOVICI REGIS

[24] Signum judit regine.


Localisation de l'acte

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