[1119, 3 avril]. — Senlis.
Louis VI, pour le salut de son père Philippe Ier et à la prière de Renaud [de Semur], abbé de Vézelay, confirme à ce monastère l'immunité que lui ont conférée les préceptes de Charles le Chauve, de Louis II le Bègue, de Carloman II, d'Eudes et de Louis IV et lui garantit l'intégrité de son patrimoine, en particulier la possession des biens donnés par le comte Girard et sa femme Berthe ; en outre, il étend le bénéfice de l'immunité au château construit pour sa défense contre les païens.
A. Original perdu.
a. E. Pérard, Recueil de plusieurs pièces curieuses servant à l'histoire de Bourgogne..., Paris, 1664, p. 212, sans indication de source.
b. Ordonnances des rois de France, vol. supplémentaire, p. 174, d'après a.
c. M. Quantin, Cartulaire général de l'Yonne, t. I, Auxerre, 1854, p. 226, n° CXXI, d'après a.
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. II, p. 425.
Indiqué : A. Chérest, Vézelay. Étude historique, t. I, Auxerre, 1863, p. 69.
Indiqué : Th. Schieffer, Die päpstlichen Legaten in Frankreich vom Vertrage von Meersen (870) bis zum Schisma von 1130, Berlin, 1935, p. 206, n. 58.
Indiqué : V. Saxer, Le statut juridique de Vézelay des origines à la fin du XIIe siècle. Contribution à l'histoire des privilèges monastiques d'immunité et d'exemption, dans Revue de droit canonique, t. VI, 1956, p. 247 et n. 50.
Indiqué : V. Saxer, Le culte de Marie Madeleine en Occident des origines à la fin du Moyen Âge, Auxerre-Paris, 1959, t. I, p. 93, n. 13.
Indiqué : R.B.C. Huygens, Monumenta Vizeliacensia. Textes relatifs à l'histoire de l'abbaye de Vézelay, Turnhout, 1976, p. 36, n. 1.
De nombreux éléments nous font douter de la sincérité de ce document.
En premier lieu, sa tradition tranche par sa mauvaise qualité sur celle — déjà fort médiocre — des actes royaux et pontificaux de l'époque carolingienne pour le même établissement religieux ; en effet, alors que ces derniers sont connus presque exclusivement par un cartulaire du xiie siècle, conservé à la Bibliothèque Laurentienne de Florence (Plut. XIV, cod. XXI), le diplôme de Louis VI nous est parvenu par la seule édition d'E. Pérard, dépourvue de toute indication de source, de 1664.
Autre point : la liste — tout à fait exceptionnelle pour le temps de Louis VI — des souverains ayant concédé un privilège d'immunité que l'on y lit (praedecessor[es] nostr[i] reg[es] Francorum, Karol[us], Ludovic[us], Karlomann[us], Odo, item alter Karol[us] aliusve Ludovic[us]) correspond exactement à la suite des actes contenus dans le manuscrit florentin, dont elle respecte même l'ordre, si bien que l'on peut parfaitement identifier tous les diplômes auxquels fait référence celui de Louis VI et remarquer que deux d'entre eux concernent non l'immunité de Vézelay, mais une simple donation de biens et la confirmation d'un privilège pontifical.
En outre, la forme de ce document est aberrante pour le xiie siècle : Louis VI y porte non le titre habituel de rex Francorum, mais celui de rex emprunté à Charles le Chauve ; son préambule reprend intégralement celui d'un précepte carolingien, ce qui ne se produit presque jamais à cette époque ; la date, elle, surprend moins par le fait qu'elle est erronée — A. Luchaire a indiqué que le millésime 1112 devait être corrigé en 1119 —, car bon nombre de diplômes de Louis VI sont défectueux sur ce point, qu'en raison de la mention du quantième du mois, rare dans les actes royaux de l'époque et du rejet in fine des années du règne du roi et de la reine, après la liste des grands officiers, présentée d'ailleurs aussi d'une manière insolite.
Le fond surprend tout autant : en effet, on ne trouve ici aucune clause nouvelle ajoutée aux passages repris des diplômes de Charles le Chauve et à un degré moindre de Louis le Bègue, alors que Louis VI, comme ses devanciers, adjoint toujours à de telles confirmations de biens ou de privilèges une faveur, si l'on peut dire, de son crû. Dans le cas présent, on a affaire à un document daté du xiie siècle, ayant entièrement la forme et le contenu d'un acte carolingien et faisant référence à des privilèges vieux de près de trois siècles pour le plus ancien et de plus de cent cinquante ans pour le plus récent.
Les difficultés dans lesquelles se débat vers 1110-1120 l'abbaye de Vézelay — convoitée tant par les autorités ecclésiastiques (Cluny, évêque d'Autun) que temporelles (comte de Nevers) — pourraient expliquer que Renaud de Semur ait cherché à établir son « indépendance » sur des textes fort anciens ; mais on peut être étonné que cet abbé n'ait pas eu la même attitude dès 1116, au moment où il obtint de Louis VI un premier diplôme que, par chance, nous avons retrouvé.
On peut émettre plusieurs hypothèses sur la manière dont fut confectionné cet acte. En premier lieu, les moines de Vézelay l'auraient établi, comme le firent bon nombre de destinataires de l'époque. Il est possible aussi qu'après l'incendie de 1120, on ait voulu reconstituer le diplôme de Louis VI, détruit dans cette catastrophe, sans disposer d'une source authentique. On peut encore imaginer — et nous serions alors en présence d'un faux — qu'un copiste du temps de Louis VI ait voulu en quelque sorte mettre à jour les privilèges d'immunité accordés par les Carolingiens, en intitulant un nouvel acte royal au nom de son contemporain ; ainsi pourrait-on expliquer la présence ici de la liste des souverains ayant comblé Vézelay de leurs bienfaits et dont l'intérêt a déjà été noté.
Proposons une solution : l'acte de Louis VI serait un bordereau — sincère ou faux, il est difficile de se prononcer — destiné à faire passer l'ensemble du dossier faux.
En conclusion, on ne peut que rappeler la complexité du dossier documentaire de Vézelay, mis déjà si bien en évidence par M.R.-H. Bautier.
Nous imprimons indistinctement en petit texte les passages que l'on trouve dans les actes de Charles le Chauve du 7 janvier 868, de Louis le Bègue et d'Eudes.
Texte établi d'après a.
In [nomine] sanctae et individuae Trinitatis. Ludovicus, gratia Dei rex. Si nobilium et illustrium nobisque fidelium virorum salubribus favemus votis et justis ac rationabilibus assensum praebemus postulationibus, regiam exercemus consuetudinem et eos in nostrae fidelitatis obsequiis promptiores reddimus atque ad praesentis vitae circulum facilius transigendum, ad futurae beatitudinis praemia facilius obtinenda, nobis profuturum non dubitamus. Comperiat igitur omnium fidelium sanctae Dei Ecclesiae nostrorumque, praesentium ac futurorum, solercia quod carissimus valdeque nobis amantissimus, Rainaldus, Verziliacensis abbas, ad nostram accedens celsitudinem, deprecatus est nos, quatinus praedecessorum nostrorum regum Francorum, Karoli, Ludovici, Karlomanni, Odonis, item alterius Karoli aliusve Ludovici, de immunitate ecclesiae Verziliacensis praecepta nostra quoque auctoritate confirmaremus. Cujus justis ac rationabilibus petitionibus assensum praebentes, praecipimus atque firmamus ut quicquid de ipso monasterio, sive regia majestas sive apostolica sedes sive auctoritate, precepto vel privilegio mansurum statuerunt, nostris futurisque temporibus maneat inconvulsum et a successoribus nostris cunctisque christianae fidei cultoribus observetur illaesum, et quicquid Gerardus, illuster comes, et uxor ejus Bertha, cum communi assensu, ex rebus suae proprietatis quas aut haereditario jure aut emptione aut regio dono sine cujuspiam contradictione ipsi monasterio contulerunt aut post eos ab aliis Deum timentibus ipsi praefato loco collatum est et in futurum conferendum stabiliter maneat et inconvulsum et ad utilitates et necessitates ejusdem loci explendas, ita videlicet ut nullus comes seu vicecomes, nullus dux seu aliquis cujuslibet potestatis in ejusdem monasterii ecclesias aut loca vel agros seu reliquas possessiones, ad causam audiendam vel injusta freda tollenda, aut mansionaticos vel paratas faciendas, aut fidejussores tollendos, aut thelonea exigenda, aut homines ejus tam ingenuos quam servos super terram ipsius commorantes aut aliunde illuc advenientes distringendos, nec ullas redibiciones aut illicitas occasiones requirendas, seu penitus aliquas consuetudines exigendas ullo unoquoque tempore ingredi audeat aut exactare praesumat, sed quicquid inde fiscus exigere poterit, totum pro aeterna remuneratione atque patris mei Philippi salute alimoniis pauperum et usibus monachorum ibi degentium concedimus. Castellum quoque, quod propter persequtionem paganorum inibi constructum est, sub eodem immunitatis tenore semper manere jubemus, absque alicujus inquietudinis contradictione. Precamur quoque successores nostros ut, sicut sua quae legitime statuerint firma a subsequentibus teneri voluerint, ita et haec quae a nobis modo corroborantur, firma et inconvulsa perpetualiter custodire studeant. Ut autem haec nostrae auctoritatis confirmatio nostris futurisque successorum nostrorum temporibus inviolabilem obtineat firmitatem, sigilli nostri impressione et nominis nostri caractere subter eam jussimus sigillari. Data Sylvanectis, sexto nona aprilis, anno ab Incarnatione Domini MCXII, per manum Stephani cancellarii. Assistentibus in palacio nostro quorum nomina subtitulata sunt, Guillermo scilicet dapifero, Gisleberto buticulario, Hugone connestabulario (sic), Guidone camerario. Anno regni nostri undecimo, Adalaidis reginae quinto.