1121, 12 octobre. — Paris.
Louis VI, sur présentation par Barthélemy [de Joux], évêque de Laon — en présence de Conon de Préneste, légat pontifical, et de divers évêques — du diplôme par lequel Philippe Ier a confirmé à l'église de Laon et à son évêque Élinand les biens du fisc royal à Vaux[-sous-Laon] et à Saint-Marcel, ainsi que le cens perçu dans le marché de la cité sur les étaux des bouchers et des poissonniers, avec interdiction aux officiers royaux de lever les revenus de ces biens et ce cens en cas de vacance du siège épiscopal, reconnaît que les officiers royaux en ont enfreint les dispositions et, en conséquence, que Philippe Ier et lui-même ont encouru l'excommunication. Faisant amende honorable à Paris, dans la chapelle [de Saint-Aignan] de son sénéchal, Étienne [de Garlande], il cède pour plus de commodité, à la demande de Barthélemy [de Joux], lesdits biens et cens à la mense canoniale — avec l'assentiment de la reine Adélaïde et de son fils Philippe, roi désigné —, à charge pour les chanoines de Laon de nourrir quotidiennement trois pauvres et de chanter, tous les jours permis par la liturgie, une messe des morts pour le repos de l'âme de son père et de la sienne.
A. Original perdu.
B. Copie du xviiie siècle, par Dom Grenier, Bibliothèque nationale, Collection Moreau, vol. 50, fol. 142, d'après les « archives de l'église cathédrale de Laon, layette 95, 2e boîte, liasse 6 Q ».
C. Copie du xviiie siècle, Bibliothèque nationale, Collection de Picardie, vol. 234, fol. 187, avec la note marginale : « Archives de l'église de Laon, layette 6 Q et extrait d'un vidimé du mois de mars 1311, layette 83, cotte O ».
D. Copie incomplète du xiiie siècle, dans le cartulaire de Jacques de Troyes [Urbain IV], Archives départementales de l'Aisne, G 1850, fol. 251v, sous la rubrique : « Ludovici regis, filii primi Philippi, in quibus villam de Vallibus et de Sancto Marcello et censum de stationibus carnis et piscium, iterum ablata episcopis, de consensu episcopi concedit capitulo Laudunensi in perpetuum et absolvi fecit patrem suum jam defunctum et se ipsum ab excommunicatione, quam proferri fecerat pater suus in eos qui episcopos Laudunenses super dictis villis inquietarent et in fine de hiis que capitulum debet facere pro regibus Francie. IIII ».
E. Copie incomplète de 1243, dans le dossier constitué par les chanoines de Laon lors de leur procès avec le maire et les jurés de la ville, Bibliothèque nationale, Collection de Picardie, vol. 283, pièce 40, § 21.
F. Vidimus de l'official de Laon, donné à Laon en décembre 1320, Bibliothèque nationale, Collection de Picardie, vol. 283, pièce 2.
G. Copie partielle du xviiie siècle, par Dom Bugniâtre, Bibliothèque nationale, Collection de Picardie, vol. 267, fol. 89, sans indication de source.
H. Copie du xviie siècle, Bibliothèque nationale, Collection Duchesne, vol. 71, fol. 41v, d'après D.
I. Copie du xviiie siècle, Bibliothèque nationale, Collection de Picardie, vol. 255, fol. 130, d'après C.
a. Ordonnances des rois de France, vol. supplémentaire, p. 202, d'après B.
b. A. Luchaire, Institutions monarchiques, 1re éd., t. II, p. 316, d'après B.
c. Même ouvrage, 2e éd., t. II, p. 334, d'après B.
Indiqué : A. Luchaire, Institutions monarchiques, 2e éd., t. I, p. 64, n. 1 ; t. II, p. 85, n. 3.
Indiqué : L. Delisle, Sur la date de l'association de Philippe, fils de Louis le Gros, au gouvernement du royaume, dans Journal des savants, 1898, p. 738.
Indiqué : Th. Schieffer, Die päpstlichen Legaten in Frankreich vom Vertrage von Meersen (870) bis zum Schisma von 1130, Berlin, 1935, p. 212 et n. 96.
Indiqué : S. Fleury[-d'Huart], Les institutions communales de la ville de Laon (1128-1331), Thèse de l'École des chartes, 1947 (dactyl.), p. 138, 139 et 237.
Indiqué : M.F. Facinger, A study of medieval queenship : Capetian France (987-1237), dans Studies in Medieval and Renaissance history, vol. 5, 1968, p. 29.
Indiqué : É. Bournazel, Le gouvernement capétien, p. 11, n. 25 ; p. 13, n. 38 ; p. 15, n. 52, 53 et 57 ; p. 16, n. 65 ; p. 17, n. 71 ; p. 138, n. 35.
Indiqué : A.W. Lewis, Royal succession in Capetian France..., Cambridge (Mass.), 1981, p. 247, n. 48.
Indiqué : J. Dufour, Un faux de Louis VI relatif à Liancourt (Oise), dans Bibliothèque de l'École des chartes, t. 144, 1986, p. 43, n. 5.
On pourrait s'attendre à ce que ce diplôme reprenne de très près, voire mot à mot, celui de Philippe Ier (1071, après le 25 décembre), d'un objet semblable. En fait, il n'en est rien : le rédacteur du xiie siècle ne lui a emprunté que quelques mots et expressions, mais s'est plu, pourtant, à en rappeler l'ensemble des souscriptions épiscopales.
Le présent document offre un grand intérêt tant d'un point de vue formel que pour le contexte historique dans lequel il a été délivré.
Formellement, il n'a rien de commun avec les actes émanés de la chancellerie royale et, au contraire, tout le rapproche mutatis mutandis de nombreuses chartes contemporaines, intitulées au nom de Barthélemy de Joux : on trouve ici et dans ces textes émanés de la chancellerie épiscopale laonnaise :
et surtout un eschatocole composé, après une formule de corroboration particulière :
Des formules telles que Nos... graviter ingemiscentes et terre prostrati, marquant plus l'humilité que l'abaissement du roi, nous permettent de passer au contexte historique entourant l'expédition du diplôme. En fait, l'année 1121 est un temps de réconciliation entre les divers clans, dont témoigne ici le rassemblement — dans la chapelle d'Étienne de Garlande (qualifié une nouvelle fois uniquement de sénéchal), c.-à-d. Saint-Aignan de Paris — du roi pour le moins accommodant, du légat Conon de Préneste, ainsi que des évêques de Laon, de Paris, de Chartres, de Beauvais et de Senlis. A son retour de Laon, Louis VI voulut donner satisfaction, par ce texte établi à la chancellerie épiscopale laonnaise, aux aspirations de l'église de Laon qui regrettait vivement la restitution au roi par l'évêque Enguerrand des biens et droits cédés précédemment par Philippe Ier.
Le présent diplôme fut confirmé par Calixte II, le 15 avril 1123. Notons en outre qu'un martyrologe-obituaire de la cathédrale de Laon en fait état de la manière suivante à la date du 31 juillet, jour choisi pour commémorer l'obit de Louis VI :
et ajoute ceci, étranger au présent document :
Nous imprimons en petit texte les rares passages empruntés à l'acte de Philippe Ier.
(Crux) In nomine sancte et individue Trinitatis.
Ego Ludovicus, Dei gratia Francorum rex. Quia munere illius, « per quem reges regnant et conditores legum justa decernunt », Francorum regni gubernacula suscepimus, cum ipsius gratie adjutorio summopere annitendum est, ne a religiosorum regum patrum videlicet ac predecessorum nostrorum virtute atque erga sanctam Ecclesiam devota liberalitate usquequaque degeneres inveniamur. Quod si eorum, qui eximia devotione et liberali munificentia ex regio fisco ecclesias prediis et ampla possessione magnifice ditaverunt, preclara vestigia et gloriosos actus fragilitate ac labilis mundi prepediente defectu ad plenum insequi nequaquam sufficimus, at saltem, que ab eis erga Dei cultum et ecclesiasticos usus impensa sunt, conservare et, si qua vel regum incuria seu adversione vel officialium nefaria pervasione ab ecclesiastico jure alienata sunt, ad ecclesiarum possessionem diligenter revocare atque, ut de cetero inconvulsa permaneant, auctoritate regia corroborando ad ea que Dei sunt studium nostre devotionis exhibere debemus. Notum siquidem esse volumus tam posteris quam modernis quia, cum Laudunenses episcopi ex religiosorum regum dono ab antiquo tenuissent quicquid ex regio jure fuerat in villa suburbii Laudunensis que Vallis dicitur atque apud Sanctum Marcellum necnon et censum quem intra civitatem macellarii ac piscium venditores de stationibus suis reddere consueverunt, morientibus episcopis et terrena eorum possessione, ut in plerisque terrarum locis usus est, ad manum regiam redire contingebat, ita ut episcopus Laudunensis partim regia violentia, partim succedentium episcoporum inerti negligentia, illa possessione privaretur. Quod cum sepe contigisset, Elinandus, bone memorie Laudunensis episcopus, a patre nostro, pie recordationis rege Philippo, in quadam curia, in die Natalis Domini, Lauduni habita, pia petitione impetravit, ut predicta possessio, tam in villis quam in censu, ipsi Elinando et omnibus successoribus ejus sub privilegii attestatione et testium subscriptione ad integrum reformaretur, sed et, ne qua in posterum aut officialium presumptione, aut regum prava voluntate super hujuscemodi vel ipsi vel successoribus ejus oriretur inquietudo, precipiente rege ab omnibus episcopis, qui coronationi ejus in solemni die affuerunt, excommunicatione cautum est, ne quis in posterum, instigante diabolo, hanc regis redditionem pervertere aut cassare auderet. Qui autem illam excommunicationem fecerunt episcoporum nomina hec sunt : Manasses Remensis archiepiscopus, Elinandus ipsius loci episcopus, Tetbaldus Suessorum episcopus, Rogerus Cathalaunensis episcopus, Rollandus Silvanectensis episcopus, Ratbodus Noviomensis episcopus, Gaufridus Parisiensis episcopus, Guido Ambianensis episcopus, Guido Belvacensis episcopus. Sed cum post mortem Elinandi episcopi, patre nostro perverso consilio a recto tramite deviante nobisque hanc redonationem ejus atque excommunicationem penitus ignorantibus, per aliquantum temporis ecclesia prefata possessione caruisset, novissime Bartholomeus, sepedicti loci venerabilis antistes, nos adiit atque, sub presentia domini Cononis, Prenestini episcopi et apostolice Sedis legati, et domini Gilberti, Parisiensis episcopi, necnon et episcoporum Gaufridi Carnotensis, Petri Belvacensis, Clarembaldi Silvanectensis, antiquam ecclesie possessionem humiliter repetens, privilegium manu patris roboratum et excommunicationem factam ostendit. Nos vero excommunicationem factam audientes et errata patris atque ignorantiam nostram graviter ingemiscentes, Parisius in capella Stephani dapiferi nostri, coram legato et predictis episcopis, terre prostrati, absolutionem patris, quanta in defunctum fieri poterat, ac nostram suppliciter postulavimus atque ex integro injuste alienatam ab ecclesia possessionem reddidimus ; ac ne deinceps episcoporum decessu quippiam mutari posset, rogante ipso Bartholomeo episcopo, tam predictas villas quam censum Laudunensi ecclesie, ad mensam canonicorum, in perpetuum absque retractatione habenda concessimus, hoc tantum ab eis beneficii postulantes ut, quamdiu in refectorio comederint, cotidie, pro anima patris ac nostra atque omnium predecessorum ac successorum nostrorum, tres pauperes pascant et cotidie missam mortuorum cantent, exceptis diebus in quibus pro defunctis orare ecclesiarum usus non habet, necnon et pro viventibus regibus cotidie ad majorem missam orationem faciant. Que redonatio ut inconvulsa permaneat, privilegio confirmari et sigillo nostri nominis imprimi precepimus atque hoc ab uxore nostra Adelaide regina et filio nostro Philippo rege designato, ut elemosina nostra stabilis perseveret, gratanter annui fecimus.
Signum Ludovici gloriosissimi regis, qui hoc scriptum fieri jussit.
Ꞩ. Adelaidis regine.Ꞩ Stephani dapiferi. Ꞩ. Philippi filii regis.Ꞩ Gilleberti butellarii. Ꞩ Radulphi comitis.Ꞩ Guidonis de Turre. Ꞩ Rainaldi comitis.Ꞩ Bartholomei de Folcons. Ꞩ Mathei comitis.Ꞩ Radulphi de Martireto.Actum Parisius, IIII idus octobris, feria IIII, luna XXVII, anno dominice Incarnationis M°C°XXI°, indictione XV, epacta XI, concurrente V°, anno XIIII° regnante gloriosissimo rege Francorum Ludovico.
Ego Stephanus, regis cancellarius, relegi.