1122 [12 mars-fin mars]. — Paris [en assemblée générale].
Louis VI, à la prière de Suger, abbé de Saint-Denis, confirme, en présence des archevêques, des évêques et des grands du royaume, pour l'amour de saint Denis, son patron, pour le repos de son âme et de celles des siens, ainsi que pour le salut de ses prédécesseurs, son abandon des coutumes qu'il tenait au bourg de Saint-Denis et que ses officiers exigeaient annuellement au moment des vendanges sur divers produits tant au marché (poissons, fruits, saucisses, coquilles, sel) qu'au four des moines (pains). Il confirme aussi la donation faite par Philippe Ier à la même abbaye d'une maison sise à Saint-Denis et qui avait appartenu à Robert le Pieux, en y ajoutant pour sa part la « curtis », les hôtes et les dépendances de cette maison. En outre, il permet à Saint-Denis de percevoir toute l'année le péage (ou « pulveraticum ») sur les marchands traversant le « castrum » abbatial, péage dont ses prédécesseurs avaient autorisé la levée seulement pour une durée annuelle de sept semaines entre la Saint-Denis [9 octobre] et la Saint-André [30 novembre] ; l'abbé et les moines percevront deux deniers sur un chariot (reda), un dernier sur un cheval, une obole sur un âne ; seront exempts de ce péage les gens du Vexin, ainsi que ceux relevant du comte de Beaumont et du château de Montmorency. De plus, il interdit la construction des maisons et hostises que ses officiers lui avaient conseillé d'élever entre le Lendit et Paris ; désormais toute construction de maison n'appartenant pas à l'abbaye sera défendue dans l'espace compris dans les limites suivantes : 1) entre le bourg de Saint-Denis et l'église de Saint-Laurent (proche du pont de Saint-Martin-des-Champs) ; 2) pour l'autre côté de la route royale, entre Saint-Denis et l'autre pont situé près de Paris, à côté de la léproserie ; 3) du côté de la Seine, entre Saint-Denis et Montmartre (sauf pour Clichy faisant partie depuis longtemps du fisc royal) ; 4) enfin entre Saint-Denis et la route royale menant à Louvres. Il confirme à nouveau au profit de Saint-Denis toutes les coutumes royales perçues en ce lieu. Il concède à cette même abbaye cinq maisons de Juifs avec leurs familles dans le bourg de Saint-Denis, plus le droit d'affranchir ses serfs (sans intervention royale), ainsi que de poursuivre et punir les usuriers et les faux monnayeurs. Autre point : contrairement à ce qui s'est passé lors de la mort de l'abbé Adam, lui-même ou ses successeurs ne pourront plus revendiquer à l'avenir, lors du décès de l'abbé de Saint-Denis, les biens tant meubles qu'immeubles de cette église qui resteront donc la propriété de cette dernière. Il donne à Saint-Denis l'église de Cergy (avec la « curia »), ainsi que toute la voirie dudit lieu. Il abandonne à la même abbaye la coutume royale d'un muid de vin et de douze deniers perçue sur les vignes de Rueil. Enfin, à la demande de l'abbé et des moines de Saint-Denis, il renonce aux deux procurations qu'il percevait sur les biens propres des moines à Beaune [-la-Rolande], propriété de Saint-Denis, et réduit à huit livres celle qu'il y levait sur les paysans.
A. Original perdu.
B. Vidimus de 1258-1266 de Thibaud, abbé de Sainte-Geneviève de Paris (1246-1266) et de Gérard de Moret, abbé de Saint-Germain-des-Près de Paris (1258-1278), Archives nationales, K 22A, n° 1.
C. Copie de la fin du xiiie siècle, dans le Cartulaire blanc de Saint-Denis (t. I), Archives nationales, LL 1157, p. 48, sous le n° : « S. Dyo[nisio] XL » et la rubrique : « Emunitas Ludovici regis de viatura Beati Dyonisii usque ad Sanctum Laurencium, quod nullus potest facere mansionem ».
D. Copie incomplète du xiiie siècle, dans le Livre des privilèges de Saint-Denis, Archives nationales, LL 1156, fol. 58v, sous la rubrique : « Emunitas de burgo Sancti Dyonisii de Indicto ».
E. Copie du début du xive siècle, dans le cartulaire « de Thou », Bibliothèque nationale, lat. 5415, p. 111, d'après C.
F. Copie du xviie siècle, Archives nationales, K 22, n° 1b, d'après B.
G. Copie du xviie siècle, par A. Duchesne, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 55, fol. 368, d'après C.
H. Copie partielle du xviie siècle, Archives nationales, S 2318, n° 4, sans indication de source.
I. Copie du xviie siècle, Archives nationales, LL 1160, p. 120, d'après E.
J. Copie du xviie siècle, pour Gaignières, Bibliothèque nationale, lat. 17111, p. 61, d'après B.
K. Copie du xviie siècle, Archives départementales des Yvelines, D 559, sans indication de source.
L. Copie de 1721, par Bouhier, Bibliothèque nationale, lat. 17110, fol. 55v, d'après E.
M. Copie du 13 mai 1728, Archives départementales des Yvelines, D 560, d'après C.
a. J. Doublet, Histoire de l'abbaye de S. Denys en France, Paris, 1625, p. 851, sans indication de source.
b. Ordonnances des rois de France, t. XI, p. 181, d'après a.
c. R. de Lasteyrie, Cartulaire général de Paris, n° 193, p. 214, d'après B (éd. partielle).
d. J. Depoin, Recueil de chartes et documents de Saint-Martin-des-Champs, monastère parisien, t. II, Ligugé-Paris, p. 66, n° 226, d'après BC et E (éd. partielle).
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. II, p. 508.
Indiqué : Pardessus, Table chronologique, p. 3.
Indiqué : J. Tardif, Monuments historiques, n° 382, p. 214.
Indiqué : A. Lecoy de La Marche, Œuvres complètes de Suger, Paris, 1867, p. 365.
Indiqué : A. Giry, La donation de Rueil à l'abbaye de Saint-Denis, dans Mélanges Julien Havet, Paris, 1895, p. 699.
Indiqué : O. Cartellieri, Abt Suger von Saint-Denis (1081-1151), Berlin, 1898, p. 130, n° 26.
Indiqué : L. Levillain, Essai sur les origines du Lendit, dans Revue historique, t. 155, 1927, p. 253 et n. 3.
Indiqué : A. Graboïs, L'abbaye de Saint-Denis et les Juifs sous l'abbatiat de Suger, dans Annales E.S.C., t. 24, 1969, p. 1192, n. 4.
Indiqué : É. Bournazel, Le gouvernement capétien, p. 10, n. 12 ; p. 96, n. 19.
Indiqué : J. Boussard, Nouvelle histoire de Paris..., p. 174.
Indiqué : R.-H. Bautier, Quand et comment Paris devint capitale, dans Bulletin de la Société de l'histoire de Paris et de l'Île-de-France, 105e année, 1978 [1979], p. 38 et n. 119.
Indiqué : R.-H. Bautier, Paris au temps d'Abélard, p. 27, n. 3 ; p. 49, n. 10 ; p. 50 et n. 3.
Indiqué : A.W. Lewis, Suger's views on kingship, dans Abbot Suger and Saint-Denis. A Symposium [1981], New York, 1986, p. 54, n. 38.
Indiqué : A. Lombard-Jourdan, Les foires de l'abbaye de Saint-Denis..., dans Bibliothèque de l'École des chartes, t. 145, 1987, p. 298, n. 1 ; p. 299 et n. 1, 2 ; p. 310 ; p. 321 et n. 2, 4 ; p. 322.
Ce diplôme, donné au cours d'une assemblée générale tenue à Paris, au tout début de l'abbatiat de Suger, reprend mot à mot des passages de trois actes de Louis VI, concédés du temps de l'abbé Adam, dont on peut résumer le dispositif :
et fait allusion à trois autres documents du même roi (en modifiant quelque peu leur teneur) :
Le passage concernant la réduction des procurations perçues à Beaune-la-Rolande a, en outre, été utilisé par Suger dans le De rebus in administratione sua gestis. Cependant une longue phrase indiquant que le roi s'interdit de construire toute nouvelle maison — et même autorise la destruction de toutes celles déjà bâties — dans l'espace situé entre d'une part Saint-Denis et d'autre part Saint-Laurent, la léproserie, Montmartre et la route de Louvres ne fait référence à aucune disposition royale antérieure et s'insère fort mal dans le discours, alors que la phrase débutant par les mots Has et omnes alias semble faire corps avec celle fixant le montant des coutumes. C'est probablement cet élément qui a poussé J. Depoin à mettre en doute l'authenticité de l'ensemble de l'acte. Toutefois, Louis VII l'a confirmé entièrement et à peu près dans les mêmes termes en 1143-1144.
Suger voulut tout simplement faire renouveler certains des actes concédés à son prédécesseur par Louis VI, reprenant ainsi d'une manière différente l'habitude des dignitaires ecclésiastiques de demander confirmation des privilèges délivrés à leur église au début du règne d'un nouveau roi.
Nous imprimons indistinctement en petit texte les emprunts aux trois diplômes cités plus haut.
In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti. Amen. Regie dignitatis et officii est « Deum per quem reges regnant », ut « Regem regum », timere ; potens est enim « baltheum regum discingere » et pro beneficiis temporalibus eterne glorie coronam et premium retribuere. Ego igitur Ludovicus, Dei gratia rex Francorum, his et aliis fidei documentis instructus, districti Judicis districtum examen metuens et previdens, notum facio presentibus et posteris, quoniam presenciam nostram adiit Suggerius, venerabilis pastor et abbas ecclesie beatissimorum martyrum Dyonisii, Rustici et Eleutherii, humiliter et devote implorans ut, pro remedio anime mee, conjugis et prolis et salute predecessorum meorum quasdam exactiones et consuetudines opprimentes, quas in burgo Beati Dyonisii antiquitus obtinueram, a pretaxata villa et ejusdem pertinentiis penitus extirparem et tam ea que tempore administrationis ejus quam ea que tempore antecessoris ejus, Deo inspirante, beatis martyribus contulimus, auctoritatis nostre precepto, in presencia archiepiscoporum, episcoporum et regni optimatum, confirmarem. Hujus itaque juste peticioni et pie devocioni, spe superne remunerationis et amore beati Dyonisii, gloriosi patroni nostri, et ceterorum quos eadem fides et passio confederavit, pie, prout dignum erat, assensum prebuimus et subscriptas consuetudinum exactiones, quod et in tempore antecessoris ejus nos jam fecisse meminimus, omnino imperpetuum condonantes relaxamus, ne videlicet servientes nostri ullatenus exigant, ut annuatim solebant, in prescripto burgo, tempore vindemiarum, in foro piscem, fructum, circellos, conchas et salem et in pistrino monachorum panes. Preterea, si que erant alie consuetudines, omnes omnino remittimus et relaxamus. Domum etiam quandam apud Sanctum Dyonisium sitam, que fuit atavi nostri domni Roberti regis Francorum, quam pater noster, domnus Philippus, Beato Dyonisio donavit, et nos cum curte ejusdem domus et hospitibus et universis que ad eandem domum pertinent perpetualiter possidendam concessimus. Et quoniam ipsa eadem ecclesia a tempore Dagoberti, gloriosi principis et regis Francorum, primi ejusdem ecclesie fundatoris, et aliorum antecessorum nostrorum in castro suo, per septem septimanas, a festivitate beati Dyonisii usque ad festum beati Andree, hanc habet consuetudinem, quam vulgo pedagicum sive pulveraticum vocant, per reliquum anni, hanc consuetudinem in consuetis locis superaddimus et concedimus, ita ut de reda, id est carreta, duos nummos, de equo unum, de asino unum obolum, a commeantibus mercatoribus deinceps persolvenda, nostra liberalitate abbas et fratres ejusdem loci obtineant, exceptis hominibus Vilcassini et comitis Belli Montis et pertinentibus ad castrum Montmorenciaci. Preterea mansiones et hospitum inhabitaciones quas, quorumdam ministerialium nostrorum suggestione et consultu, a loco Indicti usque Parisius facere disposueramus, predicti abbatis precibus imperpetuum fieri nostre majestatis auctoritate prohibuimus et prohibemus ; quoniam exinde maximum detrimentum et molestiam gloriosorum martyrum ecclesie posteris temporibus accidere posse providimus, interdicimus itaque regie majestatis auctoritate et prohibemus, ne qua mansio vel inhabitacio a predicto burgo usque ad ecclesiam Sancti Laurencii, que sita est prope pontem Sancti Martini de Campis, et ex altera parte strate regie ab eadem villa Sancti Dyonisii usque ad alium pontem prope Parisium juxta domum leprosorum, versus etiam Sequanam ab eadem villa Sancti Dyonisii usque ad Montem Martyrum, a quoquam deinceps fiat, nisi ad jus predictorum martyrum pertineat, excepto Clipiaco, quod ex antiquo ad fiscum regium pertinere dinoscitur, ex altera etiam parte ab eadem villa Sancti Dyonisii usque ad regiam stratam que ducit ad Luperam. Has et omnes alias quas in eadem villa habebamus consuetudines, sicut Beato Dyonisio in tempore antecessoris ejus, sic et in tempore hujus confirmamus et reformamus. Concedimus etiam sepememorate ecclesie in burgo suo quinque Judeorum mansiones cum famulis suis, propriorum servorum ecclesie, absque ulla reclamatione nostra successorumve nostrorum, liberas et quietas emancipationes, usurariorum quoque et monete false omnimodam justiciam et districtiones. Prohibemus etiam regie majestatis potestate ne aliquando abbate defuncto ejusdem ecclesie a quocumque regum bona ejusdem ecclesie quacumque occasione repetantur, sed sicut vivente abbate, sic et eo defuncto, bona ecclesie tam mobilia quam immobilia libera et quieta eidem ecclesie permaneant ; quod quia nos semel defuncto abbate Adam minus bene fecisse meminimus, Beato Dyonisio satisfecimus et deinceps ne fiat omnino extirpamus. Et ecclesiam etiam de Cergiaco cum omnibus ad eamdem ecclesiam pertinentibus, curiam quoque et curie domos, in eadem villa omnimodam viaturam conferendo, liberam et immunem ab omni exactione, concedimus. Preterea remittimus ecclesie Beati Dyonisii in villa que dicitur Ruoilum modium vini cum duodecim nummis, quos habebamus in ejusdem ecclesie vineis. Et quoniam in villa quadam beatorum martyrum, que Belna vocatur, annuatim habebamus duas de proprio monachorum, terciam de collecto rusticorum procurationes, rogaverunt nos humiliter abbas et monachi ut pro amore Dei et beatorum martyrum tantam et tam molestam ab eadem villa auferremus consuetudinem ; quorum peticioni consensimus et illas quidem, quas de proprio eorum habebamus, procurationes imperpetuum indulsimus ; pro tercia vero de collecto rusticorum, ultra octo libras nostra liberalitate exigi prohibemus. Verum ut hoc ratum et firmum permaneat in sempiternum, sigilli nostri auctoritate et nominis nostri karactere subterfirmavimus. Actum Parisius publice, anno incarnati Verbi M°C°XX°II°, regni nostri XIIII°, Adelaydis regine septimo. Astantibus in palacio nostro quorum nomina subtitulata sunt et signa. Ꞩ. Stephani dapiferi. Ꞩ. Gisleberti buticularii. Ꞩ. Hugonis constabularii. Data per manum Stephani cancellarii. (Monogramma)