S.d. [1126-1132/1133].
Louis VI prend sous sa protection l'abbaye de Saint-Germer-de-Fly et l'exempte de tous péages.
A. Pseudo-original perdu.
B. Copie du xive siècle du vidimus de Charles V, donné à Paris en avril 1380, vidimant lui-même un vidimus de Philippe le Bel, donné à Saint-Germain-en-Laye en septembre 1287, Archives nationales, JJ 116, fol. 155v, n° IICLXI.
C. Copie du xviiie siècle, Bibliothèque nationale, lat. 13890 (Monasterii Flaviacensis, ordinis sancti Benedicti, congregationis Sancti Mauri in Gallia, annales), p. 468, sans indication de source.
a. Ordonnances des rois de France, t. VI, p. 474, d'après B.
Tout indique que nous avons affaire ici à un faux. En premier lieu, ce document est connu par un vidimus de Philippe le Bel qui, contrairement aux usages, n'est pas confirmatif. De plus, dépourvu d'invocation verbale, il débute — après une suscription sur laquelle nous reviendrons — par une adresse générale (fort rare du temps de Louis VI et inusitée dans la forme où elle se présente ici), mentionnant les grands du royaume tant clercs (archiepiscopi, episcopi) que laïques (principes, consules, barones, regni ubique justiciarii...) ; ces divers mots, quelquefois bizarres comme consules, supposent un pouvoir royal fort et étendu, sans rapport avec ce que nous savons de la faiblesse de la royauté française dans les premières décennies du xiie siècle. On relève en outre de multiples anachronismes dans les termes employés ; citons :
Il faut souligner aussi que font défaut l'annonce des souscriptions des grands officiers, ces souscriptions mêmes, les dates de temps et de lieu, ainsi que la souscription de chancellerie et le monogramme.
L'ensemble de ces données nous fait croire que cet acte date non du xiie siècle, mais plutôt de la fin du xiiie, voire du xive siècle. En effet, à nos yeux, non seulement celui-ci est faux, mais aussi le vidimus de Philippe le Bel, aberrant dans sa forme ; le faussaire, contemporain semble-t-il de Charles V, a fait cette double forgerie, afin que l'abbaye de Saint-Germer, prétendument bénéficiaire de la protection royale, soit exemptée de tous péages. On peut imaginer aisément que les religieux étaient alors en butte à un différend à ce propos.
Essayons maintenant de déterminer au nom de quel roi le rédacteur a voulu intituler « son œuvre ». C l'attribue à Louis VII, en l'accompagnant de la note suivante : « Ampla hac ab Odone secundo episcopo Bellovacensi collata rebus et personis monasterii Flaviacensis clientela, amplissimam illam et benevolentissimam a Ludovico septimo, Franciae rege, Odo Flaviacensis abbas summa ingenii industria et felicitate consequitur ». Il est difficile de tirer parti de cette mention en raison du flou entourant la personnalité des évêques de Beauvais et des abbés de Saint-Germer dans les années 1130-1150. En effet, si l'on se fie au Gallia christiana (t. IX, col. 721), deux évêques homonymes, Eudes II (1132/1133-1144) et Eudes III (1144-1148), se succédèrent alors à la tête du diocèse de Beauvais ; de plus ces deux personnages, l'un et l'autre moines de Saint-Germer dans leur jeunesse, auraient dirigé pour l'un Saint-Germer, pour l'autre Saint-Symphorien-lès-Beauvais, de telle sorte que l'on peut se demander si l'un et l'autre ne furent pas abbés de l'une et l'autre abbaye. Comme le présent acte est intitulé au nom de Ludovicus, Dei gracia Francorum rex et que Louis VII porta ce simple titre de rex Francorum seulement à partir de 1154 — donc postérieurement à la période des épiscopat d'Eudes II et d'Eudes III —, il convient de le mettre au compte de Louis VI. Enfin, si l'on croit bon de faire quelque peu crédit à la mention rapportée plus haut, ce serait le premier de ces deux prélats qui serait censé avoir obtenu le présent privilège royal du temps de son abbatiat (1126-1132/1133).
Ludovicus, Dei gracia Francorum rex, amicis et fidelibus suis, archiepiscopis et episcopis necnon principibus, consulibus, baronibus suique regni ubique justiciariis, in dilectione salutem. Universitati vestre ratio nostre jussionis innotescat. Volumus et habemus ratum fieri et certificari in conspectu omnium vestrum neminem rebus ecclesie Beati Geremari de Flaviaco aliquam molestiam, aliquod offendiculum ausurum fore inferre, sed potius reverenciam et honorem. Sciat enim unusquisque pro certo quod, si quis manum vellet mittere in res prefate ecclesie et easdem violenter tractare et impedire, ubicunque per Gallicum regnum invenirentur, penam sevamque ultionem incurrerent, tanquam si meipsum inquietarent et vulnerarent. Precipimus itaque ut mei ministri, ubicunque locorum sint, si forte aliquis manum in res vel in aliquem predicte ecclesie vellet mittere, omni occasione, omni dilacione remota, quod liberos et absolutos in pace faciant eos recedere et, si mercaturas sive res alias cum ipsis ducant unde tributum debeat solvi, tanquam res proprie regis, sine aliquo onere solvendi in pace absque mora recedant, quia volumus quod domus predicta libertatem assequatur, prout ab antiquissimo per patres primevos institutum est. Ad noticiam igitur tante libertatis, volumus ut res per sigillum meum certificetur.