S.d. [1114, avant le 12 juin].

Pièce complémentaire

Lettre d'Yves, évêque de Chartres, à Louis VI, par laquelle il lui demande de traiter équitablement le peuple et le clergé de Beauvais à la suite du meurtre commis dans cette cité et, au moins, de confier l'affaire à des juges ecclésiastiques ; il regrette en outre que cette ville soit frappée d'interdit.

Référence : Jean Dufour et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des actes de Louis VI roi de France (1108-1137). Vol. 2 : 1126-1137 et appendices, Paris, 1992, no5.

Cette lettre constitue avec deux autres lettres d'Yves de Chartres, adressées au clergé de Beauvais, un dossier relatif à de graves incidents survenus en cette ville et aux démêlés qui s'en suivirent entre Louis VI et ses habitants. Si ces trois documents sont dépourvus de date, A. Luchaire (loc. cit.) a fait, à juste titre, remarquer qu'il n'y était nullement question de l'évêque de Beauvais et qu'en conséquence ils pouvaient très probablement être datés de la vacance épiscopale, entre la mort de Geoffroy (2 décembre 1113) et l'élection de son successeur, Pierre de Dammartin (début juin 1114) ; on peut ajouter que cette vacance du siège épiscopal beauvaisien pourrait expliquer qu'Yves se soit permis d'intervenir en faveur d'une église qu'il connaissait bien, pour avoir occupé précédemment la charge d'abbé de Saint-Quentin de Beauvais.

Ces trois lettres et les faits qu'elles sous-entendent doivent être consécutifs au meurtre du chevalier Renaud, commis à l'instigation d'un chanoine de Beauvais, que rapporte Guibert de Nogent. Rappelons brièvement, comme l'a fait L.-H. Labande (loc. cit.), le déroulement des événements qui suivirent : « Le roi voulut par ses agents prendre connaissance de ce crime, mais le chapitre lui opposa le privilège qu'il avait reçu de lui dix années auparavant. Ces remontrances n'arrêtèrent pas Louis VI, qui continua l'instruction du procès ; le chapitre riposta en jetant l'interdit sur la ville. Cependant les bourgeois, furieux de ces complications, se mirent du parti du roi ; ils chassèrent de Beauvais plusieurs chanoines, pillèrent leurs maisons et dévastèrent leurs biens ». Et cela entraîna l'intervention d'Yves de Chartres.


Ludovico, Dei gratia serenissimo et dulcissimo regi Francorum, domino suo, Ivo, humilis ecclesiae Carnotensis minister, in Eo regnare cujus regnum est sine fine. Quoniam regiam sublimitatem libram convenit tenere pietatis et justitiae, sic oportet condiri justitiam ex pietate, ut nec indiscreta pietas in subditis nutriat insolentiam, nec nimius justitiae rigor opprimat innocentiam. Sic enim constat antiquorum regum floruisse et viguisse potentiam, ut aliquando peccata humilium subditorum dissimularent, aliquando tanquam filiorum ferula corrigerent ; contumaces vero erectos districta animadversione punirent, quatenus poena redderet subjectos, quos impunitas et patientia faciebat erectos. Quibus praelibatis supplico excellentiae vestrae flexis genibus cordis, ut in hoc appareat me obtinere gratiam in oculis regiae majestatis, quatenus pro Dei amore et nostro ita et clerum et populum Belvacensem pro temeritate interfecti hominis tractare studeatis, ut et innocentia non gravetur et temeritas incauta per subreptionem diabolicam concitata non superbientium ultione feriatur, sed poenitentium virga corrigatur. Non enim decet, sicut dictum est, regiam moderationem aequo modo tractare subjectos et erectos, ne sub specie correptionis subrepat furor crudelitatis, et immoderatus terror dispergat in omnem ventum populum hactenus dilectum, a quo potest regia majestas prae caeteris urbibus Galliarum honestum habere servitium. Quod si in hoc non acquiescit consilio meo et precibus meis vestra sublimitas, hoc saltem a majestate vestra impetrare satagit humilitas mea, ut consilium vestrum communicetis ecclesiasticis et honestis personis, quae absque malevolentia et amore ultionis velint et valeant sanum dare vobis consilium, non ad dispergendum et conterendum populum, quod crudelitati ascribatur et post tempus factum vestrum poenitentia comitetur. Si qua vero adversus decanum vel clerum vobis est controversia, moneo et consulo, ut unamquamque personam juxta ordinem suum examinari faciatis et sub judicibus ecclesiasticis causam cujusque terminetis. Ita enim regia majestas in nullo minuetur et cuique personae suum jus conservabitur. De divino autem servitio, a quo mater Belvacensis ecclesia suspensa est, consilium sanum mihi minime videtur, quia iste rigor alibi minime servandus est, nisi ubi culpa sacrilegii vel violatae pacis aliter vindicari potest. Valete.