[1112, fin avril-2 août]. — Paris (Palais).

Louis VI, rappelant les largesses faites à l'abbaye de Saint-Denis par ses devanciers Dagobert, fondateur de cette église, Charles le Chauve et Robert le Pieux, confirme, à la prière d'Adam, abbé de ce monastère, sur le conseil des grands et pour le repos de l'âme de Philippe Ier, les droits et privilèges de l'abbaye, réduits par l'incurie des abbés et des moines et violés fréquemment par les agents royaux (d'où recours en justice d'Adam contre le roi) : l'abbé et les moines de Saint-Denis pourront affranchir leurs serfs et serves après délibération du chapitre, sans l'assentiment royal ; affranchis et serfs de Saint-Denis pourront poursuivre en justice des hommes libres sur toute l'étendue du royaume, à condition de ne pas empiéter sur les droits de Saint-Denis ; à l'intérieur du bourg de Saint-Denis et des limites fixées par les rois, les usuriers (libres ou serfs, hôtes ou étrangers) seront soumis à la justice de l'abbé et des moines, les faux-monnayeurs et détenteurs d'or ou d'argent falsifiés à celle de l'abbé, tandis qu'au maximum cinq Juifs et leurs familles y relèveront de la juridiction de ce dernier ; toute personne résidant à l'intérieur de la banlieue de Saint-Denis ne pourra être saisie ni voir ses biens confisqués ; toute personne ayant commis un délit contre le roi ou contre quiconque dans les mêmes limites sera passible de la justice de l'abbé et des moines ; en cas de délit contre le roi, ce dernier portera plainte auprès de l'abbé et l'affaire sera jugée en cour abbatiale.

Référence : Jean Dufour et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des actes de Louis VI roi de France (1108-1137). Vol. 1 : Actes antérieurs à l'avènement et 1108-1125, Paris, 1992, no70.

A. Original. Parchemin scellé d'un sceau plaqué. Hauteur à gauche 530 mm, au centre 675 mm, à droite 650 mm ; largeur en haut 495 mm, en bas 325 mm. Archives nationales, K 21A, n° 2.

B. Copie du début du xiiie siècle, dans le Registre A de Philippe Auguste, Vatican, Ottoboni 2796, fol. 82v, sous le titre : « Carta de servis Sancti Dyonisii ab abbate emancipandis et de quinque Judeis et de false monete compositoribus et de banleuga Sancti Dyonisii ».

C. Copie incomplète du xiiie siècle, dans le Registre C de Philippe Auguste, Archives nationales, JJ 7, fol. C, sous la rubrique : « Abbatis Sancti Dyonisii ».

D. Copie du xiiie siècle, dans le Registre E de Philippe Auguste, Archives nationales, JJ 26, fol. VIIXXV, sous la rubrique : « Hic incipiunt carte abbatiarum et aliarum ecclesiarum ; et primo carte ecclesie Beati Dionisii ».

E. Copie du xiiie siècle, dans le Livre des privilèges de Saint-Denis, Archives nationales, LL 1156, fol. 57, sous la rubrique : « Preceptum Ludovici regis ».

F. Copie de la fin du xiiie siècle, dans le Cartulaire blanc de Saint-Denis (t. I), Archives nationales, LL 1157, p. 47, sous le n° « S. Dyo[nisio] XXXIX » et la rubrique : « Preceptum Ludovici Senioris regis de servis Sancti Dyonisii ab abbate emancipandis et de V Judeis et de false monete compositoribus et de bannileuga Sancti Dyonisii ».

G. Copie du début du xive siècle, dans le cartulaire « de Thou », Bibliothèque nationale, lat. 5415, p. 109, d'après F.

H. Copie du xive siècle, dans le Registre B de Philippe Auguste, Archives nationales, JJ 8, fol. IIIIXXVIv, d'après B.

I. Copie du xive siècle, dans le Registre D de Philippe Auguste, Archives nationales, JJ 23, fol. 136v (anc. fol. VIXXXIIIv), d'après C.

J. Copie du xiiie siècle, dans le Registre F de Philippe Auguste, Bibliothèque nationale, lat. 9778, fol. CXIIIv, d'après D.

K. Copie du xve siècle, Archives nationales, K 165, liasse 2, n° 1, fol. 1, sans indication de source.

L. Copie du xviie siècle, par A. Duchesne, Bibliothèque nationale, Collection Baluze, vol. 55, fol. 367v, d'après F.

M. Copie du xviie siècle, par Besly, Bibliothèque nationale, Collection Dupuy, vol. 841, fol. 208, avec référence à B et F.

N. Copie du xviie siècle, pour Gaignières, Bibliothèque nationale, lat. 17111, p. 53, d'après A.

O. Copie du xviie siècle, Archives nationales, LL 1160, p. 118, d'après G.

P. Copie du xviie siècle, Archives nationales, K 21, n° 2a, sans indication de sources.

Q. Copie du xviie siècle, Archives nationales, K 21, n° 2b, sans indication de source.

R. Copie du xviie siècle, Archives départementales des Yvelines, D 559, sans indication de source.

S. Copie incomplète de la fin du xviie siècle, Bibliothèque nationale, ms. fr. nouv. acq. 7340 (Collection De Camps, vol. 12), fol. 271, d'après C.

T. Copie incomplète du xviie siècle, Bibliothèque nationale, fr. 20367, fol. 15v, d'après C.

U. Copie de 1721, par Bouhier, Bibliothèque nationale, lat. 17110, fol. 54v, d'après G.

V. Copie incomplète de 1721, par Bouhier, lat. 17709, p. 205, sans indication de source.

W. Copie incomplète du xviiie siècle, Bibliothèque nationale, ms. fr. nouv. acq. 7566 (Collection Fontanieu, vol. 9-10), fol. 54, d'après C.

X. Copie du 16 septembre 1746, par Noblet, « écuyer, conseiller, secrétaire du roy, maison, couronne de France et de ses finances, greffier en chef de la Chambre des Comptes », Archives nationales, K 21, 2c, sans indication de source.

Y. Copie du 23 juin 1762, collationnée par Pierre-Claude de Lizy, notaire à Saint-Denis, Archives départementales des Yvelines, D 577, d'après A.

a. P. Bonfons et J. Du Breul, Les antiquitéz et choses plus remarquables de Paris, Paris, 1608, fol. 89v, sans indication de source (éd. partielle).

b. J. Du Breul, Le théâtre des antiquitéz de Paris, Paris, 1612, p. 1131, sans indication de source (éd. partielle).

c. J. Doublet, Histoire de l'abbaye de S. Denys en France, Paris, 1625, p. 841, sans indication de source.

d. J. Du Breul, Le théâtre des antiquitéz de Paris, Paris, 1639, p. 844, d'après b (éd. partielle).

e. Cl. Malingre, Les antiquitéz de la ville de Paris, Paris, 1640, preuves (livre quatriesme), p. 35, d'après b.

f. M. Félibien, Histoire de l'abbaye royale de Saint-Denis en France, Paris, 1706, preuves, p. XCI, n° CXX, d'après A.

g. J. Tardif, Monuments historiques, n° 347, p. 200, d'après A.

Indiqué : F.-J. Chasles, Dictionnaire universel, chronologique et historique de justice, police et finances distribué par ordre de matières, contenant tous édits, déclarations du roy, lettres patentes... rendus depuis l'année 600 jusques et compris 1720..., Paris, 1725, t. I, p. 4.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. II, p. 419.

Indiqué : Pardessus, Table chronologique, p. 2.

Indiqué : A. Luchaire, La Cour du roi, n° 6 ; p. 159, 173, 174.

Indiqué : A. Luchaire, Institutions monarchiques, t. I, p. 110, n. 3 ; p. 232, n. 2 ; p. 308, n. 3 ; t. II, p. 126, n. 2.

Indiqué : L. Levillain, Études sur l'abbaye de Saint-Denis..., p. 93.

Indiqué : L. Levillain, Essai sur les origines du Lendit, dans Revue historique, t. 155, 1927, p. 253 et n. 1.

Indiqué : P. Petot, Serfs d'Église habilités à témoigner en justice, dans Cahiers de civilisation médiévale, t. III, 1960, p. 191.

Indiqué : A. Graboïs, L'abbaye de Saint-Denis et les Juifs sous l'abbatiat de Suger, dans Annales E.S.C., t. 24, 1969, p. 1190, n. 2 ; p. 1191 et n. 2 ; p. 1192, n. 2, 4.

Indiqué : F. Gasparri, L'écriture des actes de Louis VI, n° 12.

Indiqué : É. Bournazel, Le gouvernement capétien, p. 10, n. 12 ; p. 131, n. 9.

Indiqué : O. Guillot, La participation au duel judiciaire de témoins de condition serve dans l'Île-de-France du XIe siècle : autour d'un faux diplôme de Henri Ier, dans Mélanges J. Yver, Paris, 1976, p. 347, n. 11.

Indiqué : J. Dufour, Robert Ier et Raoul, p. 7, n. 4.

Indiqué : R.-H. Bautier, Quand et comment Paris devint capitale, dans Bulletin de la Société de l'histoire de Paris et de l'Île-de-France, 105e année, 1978 [1979], p. 38, n. 117.

Indiqué : M. Du Pouget, La légende carolingienne à Saint-Denis : la donation de Charlemagne au retour de Roncevaux, dans Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de Bayonne, n° 135, 1979, p. 57.

Indiqué : A.W. Lewis, Suger's views on kingship, dans Abbot Suger and Saint-Denis. A Symposium [1981], New York, 1986, p. 54, n. 40.

Cet acte a été rédigé de toute évidence à la chancellerie royale, car il possède des points communs avec des diplômes accordés à d'autres églises que Saint-Denis : d'une part, comme nous l'indiquons par ailleurs, il est dû à la main qui a transcrit divers actes, notamment pour Notre-Dame de Paris ; d'autre part, il débute par le même préambule (seulement amputé de sa dernière phrase) que le n° 64, fondant Notre-Dame de Puiseaux.

Son dispositif se compose essentiellement de deux parties : la première concerne la condition des serfs de Saint-Denis, la seconde la compétence de la cour abbatiale. Le passage ayant trait aux serfs a servi de base mutatis mutandis au passage correspondant de la fausse donation de Charlemagne, déjà citée ; en outre, le moine clunisien, auteur vers 1140 de la chronique du Pseudo-Turpin, partant du droit des serfs sandionysiens d'ester en justice, fait un commentaire étrange, en attribuant à ce document la substitution du nom de France à celui de Gaule. L'importance de la concession de la juridiction sur les Juifs, les usuriers, les faux-monnayeurs et, en fait, du contrôle de l'aloi des pièces d'argenterie et d'orfèvrerie a été soulignée (sous le terme de jus monetae) par L. Levillain qui a même cru y discerner la preuve de l'existence du « Lendit extérieur » dès cette époque ; Mme G. [Bresc-]Bautier a montré, à juste titre croyons-nous, qu'il ne fallait pas exagérer la portée de cette mesure.

Il fut confirmé en 1143-1144 par Louis VII et vidimé à de nombreuses reprises au cours des xive-xvie siècles :


(Crux) In nomine sanctę et individuę Trinitatis, Patris et Filii et Spiritus Sancti. Amen. [2] Ego Lucdovicus, Dei gratia Francorum rex. Quoniam, Domino Deo disponente, bona quę temporaliter agimus et contra adversarium nostrum arma sunt inexpugnabilia et ęternę [3] hereditatis indubitanter nobis adquirunt premia, ratio consulit, necessitas exigit, ut, « dum tempus habemus, bonum ad omnes, maxime autem ad domesticos fidei, operari studeamus », [4] ut « pauperes spiritu » nostrę largitatis munificentia necessitatis obtineant remedium et nostra fragilitas eorum orationibus adjuta in districto examine Judicem sibi misericordem inveniat [5] ac propicium. Universis igitur orthodoxę religionis cultoribus, tam posteris quam et instantibus, certum haberi volumus quoniam antecessores nostri, Francorum reges, qui viam universę [6] carnis ingressi sunt, quoniam Regis cęlestis, « cui servire regnare est », ęcclesias honorare studuerunt, gloriam terreni regni cum victoria potiti sunt et, post obitum carnis, ęternam requiem [7] adepti, sicut quorumdam eorum gesta testantur noticię fidelium descripta. Inter quos precipue claruerunt donnus Dagobertus, rex prevalidus, et Karolus Calvus, eque [8] rex et imperator magnificus, atavus quoque noster pię memorię rex Robertus, qui ęcclesiam Beati Dyonisii sociorumque ejus ab ipso Dagoberto fundatam pre cęteris [9] dilexerunt eamque variis et maximis largitionibus ditaverunt, ipsam quoque liberrimam esse ab omni exactione regum seu quorumlibet principum constitu-[10]-erunt et hoc precepto auctoritatis suę corroboraverunt. Verum violentia quorumdam et invalitudine vel negligentia abbatum et monachorum ejusdem [11] ęcclesię ipsa precepta minus observata sunt et sic constituta devotorum regum paulatim decidere et insolite consuetudines atque exactiones inolescere ceperunt. Quas ex-[12]-actiones cum vellemus in usum ducere quorumdam intinctu, bono zelo domus Dei sibi commissę permotus vir venerandus Adam, abbas monasterii beatorum [13] martyrum Dyonisii, Rustici et Eleutherii nobiscum causam et placitum inde habuit easque ad opus ęcclesię placitando et derationando extirpavit nec multo [14] post nostram regiam sedem expetiit, humiliter obsecrans quatinus, pro remedio animę genitoris nostri, pię memorię regis Philippi, antecessorumque nostrorum [15] ac pro incolumitate nostra successorumque nostrorum necnon pro stabilitate et pace regni nostri, jura et statuta ęcclesię non sinerem annullari vel minorari, sed ea, [16] sicut derationaverat, rata et firma esse concederemus, immo quodam nostrę auctoritatis novo precepto et sigillo eadem firmaremus. Cujus petitionibus assensum [17] prebuimus consilio et favore obtimatum nostrorum, quatinus ipsos beatissimos martyres Dyonisium, Rusticum et Eleutherium pios adjutores hic et apud Deum [18] semper habere mereamur. Decrevimus etiam et statuimus et regio edicto precepimus ut abbas et monachi Sancti Dyonisii sociorum[que] ejus plenam habeant potestatem [19] de servis et ancillis ęcclesię emancipandis et liberos faciendi, consilio capituli sui, non requisito assensu vel consilio nostro, et ita ut neque nos neque successo-[20]-res nostri nec quilibet principum super eos aliquam reclamationem faciat vel aliquam redemptionem proinde exigat. Illi vero jam liberi facti necnon et omnes servi Beati [21] Dyonisii, utrique scilicet exeuntes et remanentes, jus et potestatem habeant contra quoscumque liberos omnem legem exequendi in omnibus finibus regni nostri, salvo scilicet [22] in omnibus jure et reverentia Beati Dyonisii. Decrevimus quoque ut, si quoslibet homines, liberos vel servos, hospites vel advenas, cujuscumque personę, sexus vel ordinis, [23] intra castrum vel burgum Sancti Dyonisii vel infra terminos ab antecessoribus nostris constitutos manentes, contigerit esse usurarios, sub jure tantum sint abbatis et [24] monachorum ejus, a nullo redimendi seu puniendi vel aliquam justiciam cogendi, nisi ab ipsis. Concessimus quoque eidem ęcclesię quod, si aliquis fuerit falsę monetę compo-[25]-sitor, sive falsi auri vel argenti compositor, inventor vel portitor, infra eosdem terminos repertus, in forisfacturam vel redemptionem ipsam non quisquam ponat manum [26] preter abbatem et justiciam ejus. Concessimus etiam ut Judei qui ad presens sunt vel habendi sunt in burgo seu in castello Sancti Dyonisii, usque ad quinque, cum [27] familiis suis liberi sint ab omni justicia nostra et ab omni exactione nostra, tantum sub jure vel sub justicia sint abbatis. Item statuimus ut quicumque sit [28] infra bannileugam Sancti Dyonisii vel infra terminos suprascriptos et secundum privilegia antiquitus institutos, a nullo rapiatur neque res ejus diripiantur infra ipsos [29] terminos, a nullo inquam, nec a nostra persona neque ab aliquo successorum nostrorum ; sed si aliquid forisfecerit seu nobis seu alii personę, ab abbate tantum vel a mona-[30]-chis ejus justificetur. Contra regiam etiam majestatem nostram, si quis injuste aliquid commiserit, clamorem de illo ad abbatem faciemus et justiciam nobis fieri alicubi [31] non exigemus, nisi tantum in curia Sancti Dyonisii. Et si causa venerit ad judicium, suscipiemus a qualibet persona, non calumpniantes personam judicantis.

(Chrismon)  (Monogramma)

[32] Ꞩ Anselli, tunc temporis dapiferi nostri. Ꞩ Gisleberti buticularii. Ꞩ Hugonis constabularii. Ꞩ Widonis camerarii. Auctum Parisius, in palacio publice, anno incar-[33]-nati Verbi MCXI, anno vero consecrationis nostrę IIII°.

[34] Stephanus cancellarius relegendo subscripsit.

(Sigillum placatum)


Localisation de l'acte

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