927, 9 septembre. — Briare.
Raoul confirme au monastère de Cluny, fondé par Guillaume [le Pieux, duc d'Aquitaine], son statut juridique, ses privilèges et ses possessions, en particulier l'alleu donné par Gerbaud, Blanot et ses dépendances, la « curtis que dicitur a la Fracta », que l'abbé Bernon avait enlevée à Gigny, l'alleu de Samson et le manse qui avait appartenu à « Larvinus ».
A. Original perdu.
B. Copie du xviiie siècle, « collationnée par nous, conseiller maître à ce commis, Percier », Archives nationales, K 188, n° 2, d'après A.
C. Copie du xiie siècle, dans Cartulaire C de Cluny, Bibliothèque nationale, ms. lat. nouv. acq. 2262, p. 48, n° 46, sous le titre : « Preceptum Rodulfi regis de Cluniaco et appendiciis ejus », sans indication de source.
D. Imprimé du xviiie siècle, Bibliothèque nationale, ms. fr. nouv. acq. 7817 (Fontanieu, 517-518), fol. 104, sans indication de source.
E. Imprimé du xviiie siècle, Bibliothèque de l'Assemblée nationale, vol. 94 (Chapitres généraux de l'ordre de Cluny enregistrez sur lettres patentes...), p. [5], sans indication de source.
F. Copie partielle du xviiie siècle, Bibliothèque nationale, Collection de Bourgogne, vol. 86, fol. 2, d'après A, « dont le sceau est perdu » ; en marge, « transcrit à la chambre des Comptes, le 16 décembre 1741 ».
G. Copie de novembre 1789, par Lambert de Barive, Bibliothèque nationale, Collection Moreau, vol. 5, fol. 17, d'après C.
a. A. Bruel, Chartes de Cluny, t. I, n° 285, p. 281.
Indiqué : W. Lippert, König Rudolf, n° 10, p. 111.
Indiqué : Ph. Lauer, Robert Ier et Raoul de Bourgogne, p. 49.
Cet acte confirme les donations suivantes faites à Cluny peu de temps avant 927 :
1. Mai 926 : Gerbaud cède ses biens (ici alodum) sis en Chaunois :
Quelque temps après, Gerbaud renouvelait son acte en présence du comte Guillaume.
2. Avril 927 : Liébaud et sa femme Doda font don de Blanot et de ses dépendances :
On retrouve le même acte le 2 septembre 930, mais la donation y est faite sans qu'en soit exceptée la villa Escotia.
3. En outre il tranche l'affaire de la villa a la Fracta. Le 5 mai 925, Bernon, abbé de Cluny, interroge Arnoldus Ayduinus, avoué de Saint-Pierre de Gigny, au sujet des biens de son frère Samson et en particulier de la Fracta :
Puis Bernon, dans son testament, dessaisit Gigny de la villa a la Fracta au bénéfice de Cluny :
Et plus loin Bernon reprend :
Gui, abbé de Gigny, avait refusé d'abandonner A la Fracta, qui servait certainement de centre d'exploitation pour les divers biens donnés par Samson dans cette région, et sur lequel était assigné l'entretien des moines ayant suivi Bernon de Gigny à Cluny. Odon en appelle alors au pape Jean X, qui demande aussitôt au roi de France d'intervenir en faveur de Cluny. Gui approuve les décisions de Jean X et de Raoul dès le 21 janvier 928 et les entérine par un nouvel acte de 936.
Si le contenu de cet acte ne présente donc aucune difficulté, en revanche son cadre formel, repris presque entièrement par le diplôme de Louis IV pour Cluny du 20 juin 939, est tout à fait aberrant.
La suscription Rodulfus, gratia Dei, pacificus, augustus et invictus rex est proche de l'acclamation impériale, donc étrangère à la titulature royale, mais n'est pas un exemple isolé dans les actes de Raoul ; en effet, elle se retrouve, avec quelques variantes, dans un autre acte (conservé en original) en faveur de Cluny : Rodulfus divina propitiante clementia, pius, augustus atque invictissimus rex, et dans un acte pour l'abbaye clunisienne de Saint-Martin de Tulle : Rodulphus, gratia Dei, Francorum et Aquitanorum atque Burgundionum rex pius, invictus ac semper augustus. L'acte n° X de Louis IV, toujours pour Cluny, aura également la même suscription : Hludovicus pacificus, augustus et invictus, gratia Dei, rex ; un demi-siècle plus tard, deux actes de Lothaire pour le duc de Roussillon Guifré donneront au roi le titre de rex et augustus.
Ensuite, la clause pénale Quod si exorbitaverint judicio Dei, sue regule correptioni reserventur et donatio Deo et sanctis facta nullatenus rescindatur, présente également dans l'acte cité de Louis IV, est exceptionnelle au xe siècle ; il faut noter qu'on ne la rencontre dans aucun autre acte clunisien de la même période.
En troisième lieu, l'intervention des grands (primates) pour valider l'acte (subsignare) est inconcevable à cette époque dans un acte écrit à la chancellerie royale ; elle n'apparaît pas, en effet, avant le règne d'Hugues Capet, et encore n'en trouve-t-on pour ce roi qu'un seul exemple ; elle ne sera normale qu'à partir de Robert le Pieux.
Enfin, l'année de l'Incarnation, présente ici, est employée dans les actes de Charles le Gros et dans les premiers des règnes d'Eudes et de Charles le Simple, à l'époque de sa lutte pour le pouvoir contre Eudes, puis disparaît jusqu'en 967. Durant la première moitié du xe siècle, un seul acte royal de Francia occidentalis est daté de cette manière : du 7 janvier 942, il est donné par Louis IV en faveur de Saint-Hilaire de Poitiers. Seule la chancellerie de Louis l'Aveugle date constamment les diplômes de l'année de l'Incarnation depuis 892.
Les principaux points de cet acte ne posent cependant pas de problème de sincérité, car les donations mentionnées correspondent à des chartes parfaitement connues par ailleurs ; les autres clauses (liberté de l'élection abbatiale, exemption de tonlieu dans les foires et de terrage sur les bois défrichés...) sont conformes, d'autre part, à l'esprit de Guillaume d'Aquitaine et à sa fondation. Nous considérons donc ce précepte comme authentique en dépit de sa forme, car il s'insère exactement dans la suite des chartes de Cluny et est aussi en relation avec les actes de Jean X (927) et de Gui de Gigny (928).
L'irrégularité de la forme ne peut donc être due qu'à une rédaction dans l'abbaye même. La suscription, le préambule, le mode d'expression de la teneur de l'acte se retrouvent mot pour mot ou amplifiés dans d'autres actes pour Cluny, tant de Raoul que de Louis IV.
Texte établi d'après BC et D. Graphies de B.
In nomine sancte et individue Trinitatis. Rodulphus, gratia Dei, pacificus, augustus et invictus rex. Sicut certum est quia « Deus potentes non abicit », quippe « sine quo potentia non est », ita quoque liquet quod potentum opera interrogabit, et ob hoc nobis summopere curandum est, ut, cum vel prodesse vel obesse ipso disponente possumus, nostrum posse sub ejus nutu penitus subigentes, quod sancte ejus Ecclesie proficiat honori, certatim faciamus. Quapropter cunctis tam regibus quam reliquarum dignitatum personis, vel presentibus videlicet vel futuris, notum sit, quia Willelmus, ille major et sui temporis vir magnificus, quoddam monasterium, nomine Cluniacum, in honore primorum celi, Petri scilicet et Pauli, per manus Bernonis cujusdam reverendi abbatis construxit, quem quidem locum ab omni seculari dominatu liberum sub magna et terribili adjuratione fecit, et apostolicae sedi ad tuendum non ad dominandum subjugavit. Cujus nos operi congaudentes atque constitutioni faventes, per hoc nostre auctoritatis preceptum constituimus, quatinus ipse locus juxta quod ipse per testamentum decrevit, ab inquietudine et dominatu tam regum quam cunctorum principum seu propinquorum ejusdem Willelmi, quin et omnium hominum sit penitus liber et absolutus, in ordine vero monastico persistat et secundum tenorem testamenti quod inde fecit, amministretur ; habitatores autem in ordine regulari degentes abbatem sibi secundum regulam sancti Benedicti de semetipsis post Odonem, quem eis abbas Berno reliquit, sibi eligant ; res quoque suas communes, quas aut nunc habent aut in futuro acquisituri, sive nostra scilicet liberalitate sive quorumlibet largitione sint, sine cujuslibet dominatione aut contradictione possideant ; in nundinis nullum teloneum solvant ; homines eorum liberos ac servos nemo sine voluntate eorum distringat ; decimas suas indominicatas ad hospitale habeant ; alodum, quem predicto monasterio Gerbaldus dedit, perpetuo teneant ; Blanuscum similiter, cum appenditiis suis, jure suo perpetuo vindicent ; de silvis, ubi partem habent, et de exartis nullus nisi ipsi terraticum accipiat ; curtem simul, que dicitur a la Fracta, quam prefatus Berno, de Gigniaco subtrahens, ad Cluniacum (per ipsum enim uterque locus fundatus est) licenter convertit, eo tenore quo ipse constituit, cum alodo quondam Samsonis et mancipiis et manso, qui Larvini fuit, perhenni dominio possideant. Secundum sane contestationem, quam prefatus Willelmus imprecatus est, nos quoque, in Christi nomine, precipimus et contestamur, ut numquam alicui mortalium quolibet pacto subjiciantur, sed juxta traditionem, quam nostris diebus tenere videntur, eis vivere liceat ; quod si exorbitaverint judicio Dei, sue regule correptioni reserventur et donatio Deo et sanctis facta nullatenus rescindatur. Ut autem hec precepti nostri constitutio perpetualiter infracta perduret, hanc nostro annulo subsignamus nostrosque primates subsignare jubemus.
Signum Rodulphi regis.
Reinardus ad vicem Abbonis pontificis recognovit.
Actum Briodero villa, indictione duodecima, quinto idus septembris, anno ab Incarnatione Domini nostri nongentesimo vigesimo septimo, quinto etiam regnante Rodulpho rege.
(Locus sigilli)