924. — Laon.

Acte faux

Raoul, à la prière de Thibaud [le Tricheur], comte palatin, donne aux moines de Saint-Lomer, qui demeurent dans le château de Blois, en l'église de Saint-Calais, l'église de Saint-Lubin et Le Foix (fiscus), afin de construire leur abbaye, ainsi que ses possessions dans le « pagus » de Blois.

Référence : Jean Dufour et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des actes de Robert Ier et de Raoul rois de France (922-936), Paris, 1978, no31.

A. Pseudo-original perdu.

B. Copie du xviiie siècle, Bibliothèque nationale, Collection de Champagne, vol. 146, fol. 17, « ex autentico ».

C. Copie endommagée du 22 mars 1670 par Dom Verninac, Bibliothèque d'Orléans, ms. 489 (394), fol. 163, « ex transumpto ex authentico ».

D. Copie du xviiie siècle, Bibliothèque nationale, Collection Moreau, vol. 4, fol. 128, avec les mentions : « Pris sur une copie vidimée en forme, conservée dans les archives de l'abbaye de Saint-Lomer à Blois. Layette : Privilèges », et « Envoyé par D.G., religieux de l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire 19 décembre 1764 ».

E. Copie du xviie siècle (vers 1645) par Dom N. Mars, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12678, fol. 67, sans indication de source.

F. Copie de 1646 par Dom N. Mars, Histoire du royal monastère de Sainct-Lomer de Blois, Bibliothèque de Blois, ms. 52, fol. 30v°, sans indication de source.

G. Copie du 4 novembre 1647, Archives du Loir-et-Cher, 11 H 1, n° 1, d'après « une autre coppye signée Prud'homme estant sur un gros quartulaire contenant quatre-vingtz-dix-neuf feuilletz de papier. »

H. Copie du xviie siècle, Bibliothèque nationale, ms. lat. 12678, fol. 103, sans indication de source.

I. Copie du xviiie siècle (vers 1773), dans le cartulaire de l'abbaye de Saint-Lomer, Registre 1er, Archives du Loir-et-Cher, 11 H 128, p. 5, sans indication de source.

J. Copie partielle du xviiie siècle, Bibliothèque nationale, Collection de Champagne, vol. 26, fol. 31, sous le titre : « La véritable origine des comtes de Blois, tiré d'un ms. dont on ignore l'auteur et communiqué par M. de Beaufort, avocat de Provins. »

a. Mabillon, Acta sanctorum ordinis sancti Benedicti, saeculum IV, pars II, p. 246, édition incomplète, sans indication de source.

b. J. Bernier, Histoire de Blois, contenant les antiquitéz et singularitéz du comté de Blois, preuves, p. IV, sans indication de source.

c. Gallia christiana, t. VIII, instrumenta, col. 412, n° II, « ex chartulario S. Launomari. »

d. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 566, n° V, d'après c.

e. Dom N. Mars, Histoire du royal monastère de Sainct-Lomer de Blois, 1646, publié d'après le manuscrit de la Bibliothèque publique de Blois, par A. Dupré, p. 99-100.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 386.

Indiqué : W. Lippert, König Rudolf, p. 109, n° 5.

Indiqué : F. Lot, L'origine de Thibaud Le Tricheur, dans Le Moyen-Age, 2e série, t. XI, juillet-août 1907, p. 184, n. 2.

Indiqué : J. Depoin, Études préparatoires à l'histoire des familles palatines. III : Thibaud le Tricheur fut-il bâtard et mourut-il presque centenaire ?, dans Revue des études historiques, t. LXXIV, 1908, p. 578-580.

Indiqué : Ph. Lauer, Robert Ier et Raoul de Bourgogne, p. 15, n. 8.

Indiqué : F. Lesueur, La charte de fondation de Saint-Lomer, dans Mémoires de la Société des sciences et lettres de Loir-et-Cher, t. XXXII, 1958, p. 29-33.

Indiqué : F. Lesueur, Thibaud le Tricheur, comte de Blois, de Tours et de Chartres au Xe siècle, 1963, p. 76-78.

Tout indique que ce diplôme est faux. Après l'invocation, le titre et le préambule, le roi se nomme encore une fois en faisant précéder son nom du pronom personnel ego comme dans les chartes privées : Unde ego Radulphus rex et il se sert du singulier, sauf pour la corroboration et l'annonce des signes de validation. La recognition manque et la date ne comporte ni année, ni quantième, ni férie, ni indiction, mais, fait aberrant, l'année de l'Incarnation. Le préambule, Quia, docente Scriptura, regnum coelorum appropinquat fait allusion à la terreur du Millénaire, fait rare dans cette région en 924. De plus, la formule precibus amici mei.... victus n'est pas du tout contemporaine du roi Raoul et jure avec le protocole carolingien. Il faut ajouter que l'accumulation des références scripturaires est très caractéristique des textes du xie siècle et tout à fait déplacée dans un diplôme royal du début du xe siècle ; le schéma du texte est d'autre part très proche de celui décrit par L. Lex pour les actes de la chancellerie d'Eudes II de Blois (1004-1037).

Cet acte pose aussi le problème de l'origine du titre de comte palatin dans la famille de Blois-Champagne ; ce titre n'apparaît en fait qu'au xie siècle sous Eudes II ; pour H. d'Arbois de Jubainville, il lui viendrait de la maison de Blois ; l'opinion de F. Lot, selon laquelle il découlerait du titre de minister palatinus, porté par Robert, comte de Troyes (942-966), semble préférable.

Indice supplémentaire de fausseté : Thibaut le Tricheur qui intervient ici en faveur de Saint-Lomer ne posséda le comté de Blois qu'en 943 ; au surplus, il pouvait difficilement en ce début du xe siècle prétendre tenir Blois à titre héréditaire de ses ancêtres, et la formule de pertinence qui accompagne la donation et énumère les coutumes, la voierie, les fiefs, ne saurait être antérieure au milieu du xie siècle.

En fait, la communauté de Saint-Lomer crut de bonne foi, sinon chercha par intérêt politique à faire croire, et peut-être dès le xie siècle, qu'elle était une fondation de Thibaud le Tricheur. Cette tradition s'est établie assez fortement pour que, dès le siècle suivant, Richard le Poitevin déclare l'avoir rencontrée dans les chroniques universelles :

Cette légende est contredite par un document catégorique : en effet, une charte de dotation de Saint-Lomer existe, est datée de Blois en novembre 902 et émane du vicomte de Blois Garnegaud.


Texte établi d'après BCD et e, représentant E et F. Graphies de B.

In nomine sanctae et individuae Trinitatis. Radulphus, divina clementia, Francorum rex. Quia, docente Scriptura, « regnum coelorum appropinquat », dum scilicet « ad patriam nostram peregrinamur », sedula mentis intentione studeamus « facere fructus dignos paenitentiae », impendentes Christi pauperibus opus pietatis et misericordiae non parce sed in larga benedictione, ut ait Apostolus : « Hilarem enim datorem diligit Deus ». Ipsa enim incarnata Veritas nos « facere amicos de mammona iniquitatis, ut, cum defecerimus, recipiant nos in aeterna tabernacula ». Unde ego Radulphus rex, his et talibus dictis admonitus, necnon etiam penuria et longa fatigatione monachorum, qui, de loco in locum fugati, indecenter morantur in castello Blesensi, sursum scilicet in ecclesia Sancti Carilephi, in loco non apto neque congruo ordini monastico, do et concedo, precibus amici mei Theobaldi, incliti comitis palatii, victus, Sancto Launomaro et monachis suis ecclesiam Sancti Leobini constructam sub moenibus Blesis castri et Fiscum contiguum ipsi ecclesiae ad construendam abbatiam, cum aliis possessionibus, quae mihi competunt ab antecessoribus meis jure haereditario in pago Blesensi, et omnes consuetudines ipsius terrae et aquae, videlicet totam vicariam, theoleneum, rotaticum, bannum, feoda, insuper servos et ancillas et omnes homines in his terris commorantes, tam servos quam ingenuos ; nec aliqua persona, potens vel infimus, ab eis redibitionem exigat vel consuetudinem, nisi abbas solus Sancti Launomari et monachi et ministri ab eisdem constituti. Et ut donum hoc firmum et stabile permaneat et a nullo nostrorum sit mutatum, nostro nomine insigniri ac annuli nostri impressione jussimus sigillari.

Actum Lugduni, anno Verbi nongentesimo vicesimo quarto.

Signum Radulphi regis gloriosissimi. (Monogramma)


Localisation de l'acte

Make this Notebook Trusted to load map: File -> Trust Notebook