930, 23 mars. — Autun.
Acte faux
Raoul, résidant à Autun pour y visiter les monastères pendant le Carême, confirme, sur la prière d'Hervé, évêque de cette ville, tous les biens possédés par l'abbaye des religieuses de Saint-Andoche, où il s'est rendu.
A. Pseudo-original perdu.
B. Copie de la fin du xe siècle, Archives de Saône-et-Loire, H 675, fol. 10, d'après A.
C. Copie du xviie siècle, par Dom Aubrée, Bibliothèque nationale, Collection de Bourgogne, vol. 111, fol. 16, d'après « Cartulaire de Saint-Andoche. »
D. Copie du xvie siècle, collationnée par Desplaces et Dufraisgne, notaires royaux à Autun, le 2 juillet 1584, Archives de Saône-et-Loire, H 676, n° 1, d'après B.
E. Copie de la fin du xviie siècle, certifiée conforme par Herluison, notaire et juge apostolique, Archives de Saône-et-Loire, H 677, n° 1, d'après B.
F. Copie du xviiie siècle, Archives de Saône-et-Loire, H 676, n° 2, d'après D.
G. Copie du xviiie siècle, Archives de Saône-et-Loire, H 676, n° 3, d'après D.
a. Ph. Labbe, L'abrégé royal de l'alliance chronologique de l'histoire sacrée et profane, p. 576, sans indication de source.
b. J. Munier, Recherches et mémoires servant à l'histoire de l'ancienne ville et cité d'Autun, reveus... par Cl. Thiroux : seconde partie de l'histoire de l'ancienne ville d'Autun contenant la suitte de ses anciens comtes, p. 121, d'après « Cartulaire de l'abbaye de Sainct-Andoche d'Autun ».
c. Gallia christiana, t. IV, col. 373, édition partielle, d'après b (anno 928 ou 929).
d. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 573, n° XII, d'après a (anno 928).
e. L. Lex, Archives de Saône-et-Loire. Documents originaux antérieurs à l'an mille, p. 20, n° XIV, d'après b (928, 1er avril).
f. L. Michon, A. Bénet, L. Lex, Inventaire sommaire des Archives départementales de Saône-et-Loire antérieures à 1790 ; seconde partie : archives ecclésiastiques, série H, p. 184, d'après B (928, 1er avril).
g. C. Brühl, Eine Fälschung auf den Namen Karls des Einfältigen für das Nonnenkloster St-Andoche zu Autun, dans Historisches Jahrbuch, 91e année, 1971, p. 389 (édition partielle).
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 390 (anno 928).
Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1987 (anno 928).
Indiqué : W. Lippert, König Rudolf, n° 12, p. 112.
Indiqué : Ph. Lauer, Robert Ier et Raoul de Bourgogne, p. 60, n. 1.
Cet acte est faux. Il est copié à peu près intégralement sur un précepte de Charles le Simple, lui-même faux, daté du 31 mars 901, dans lequel apparaissent l'évêque d'Autun Augier, mort dans les premiers mois de 894, et le notaire Hervé, devenu archevêque de Reims le 3 ou le 6 juillet 900 ; en outre, le titre gratia Dei rex, donné à Charles, tombe alors en désuétude, l'actum occupe une place anormale dans le protocole final et la date anno VIIII regnante gloriosissimo rege aurait dû être complétée par et III redintegrante.
Le faussaire, auteur de l'acte de Raoul, s'est contenté de supprimer la liste des biens présenté dans le diplôme de Charles le Simple, mais a conservé la formule, ici inutile : omnia quę superius comprehensa habentur.
Les raisons amenant à nier la sincérité de l'acte de Raoul sont nombreuses. La date est mal formulée : l'actum, emprunté au précepte de Charles le Simple, est séparé du datum, introduisant la date de temps, par la souscription royale ; en revanche, l'erreur de chiffre indictionnel, qui pour 930 est 3 et non 1, ne peut être retenue contre ce diplôme, car de nombreux actes de Raoul contiennent une telle inexactitude. Nous retiendrons uniquement la date donnée par B, decimo kalendas aprilis... anno VII regnante Rodulfo, c'est-à-dire le 23 mars 930.
En outre, la souscription royale est fort étrange ; partout ailleurs, elle a la forme : Signum Rodulfi gloriosissimi regis (ou regis gloriosi ou serenissimi regis) ; jamais le nom du souverain n'est renvoyé, comme ici, après le qualificatif ; jamais on ne trouve de double épithète, jamais le mot precellentissimi fourni par B ou praestantissimi donné par C et b. A plus forte raison, jamais n'apparaît la mention qui hoc regale preceptum propria manu firmavit.
La souscription de chancellerie fait également difficulté : elle débute par le mot ego qui met toute la phrase à la première personne, ce qui n'est pas conforme aux usages de la chancellerie ; l'expression regalis cancellarius, appliquée à Herbert, n'existe non plus nulle part ailleurs dans les actes de Raoul ; enfin, le mot scripsi remplace l'habituel recognovit. Notons toutefois qu'Herbert et Abbon étaient bien à la tête de la chancellerie royale à l'époque supposée de ce précepte, et que les autres diplômes connus d'Autun n'ont pas pu servir de modèle sur ce point, car, de dates différentes, ils sont souscrits par d'autres personnages ; on peut donc penser que le faussaire avait à sa disposition un acte aujourd'hui perdu.
Dans quel but cet acte qui n'ajoute absolument rien au diplôme faux de Charles le Simple a-t-il été « forgé » ? On peut supposer qu'à la fin du xe siècle, les moniales de Saint-Andoche d'Autun voulurent obtenir du pape ou du roi une confirmation de leurs biens ; pour cela, elles auraient constitué le dossier contenant quatre actes, deux sincères (celui de Jonas, évêque d'Autun, du 20 mai 859 énumérant leurs possessions et celui de Charles le Chauve du 14 juin 859 confirmant le précédent) et deux faux (celui de Charles le Simple, fait à partir de la charte de Jonas, comme l'a montré C. Brühl, et celui de Raoul, dans lequel elles auraient négligé de copier une nouvelle fois le nom des villae). Nous n'avons, cependant, trouvé aucune trace de la confirmation demandée au roi ou au pape.
Les passages imprimés en petit texte sont empruntés au précepte faux de Charles le Simple.
Texte établi d'après BC a et b. Graphies de B.
In nomine sanctę et individuę Trinitatis. Rodulfus, gratia Dei rex. Si ęcclesiasticas sanctiones atque earum decreta nostro confirmamus edicto, procul dubio regię celsitudinis morem exsequimur atque apud aeternam retributionem hoc ad emolumentum nostrę animę nullatenus ambigimus pertinere. Quamobrem notum fieri volumus omnibus Dei et sanctę Ęcclesię fidelibus, presentibus scilicet atque futuris, quoniam, dum ex consuetudine loca sanctorum, quadragesimali tempore, causa orationis, Augustuduno residentes, circumiremus, ventum est ad coenobium Sanctę Marię semper virginis Sanctique Andochii infra muros prelibatę civitatis constructum, quo grex sanctimonialium humilis altitonanti Domino famulari cernitur ; quę cum proprio episcopo, cognomento Heriveo, accedentes ad nostram sublimitatem, precatę sunt, ut decreta et precepta quę ab antecessoribus nostris, Francorum regibus, de rebus earumdem fuerant adsecute, renovaremus et, juxta regiam consuetudinem, ex predicti loci rebus nostrę auctoritatis preceptum fieri juberemus. Nos autem ad exhortationem sive deprecationem jamdicti Herivei presulis, sub cujus regimine prefixum degebat coenobium, atque coetororum fidelium nostrorum, jussimus tale preceptum fieri, ut omnia quę superius comprehensa habentur et ea quę retro habebant et quę postmodum impetrare quocumque modo potuerint, perpetualiter et indissolubiliter teneat contio prelibata et ęternaliter possideat. Ut autem hujus nostrę cessionis regale preceptum pleniorem in Dei nomine capiat firmitatis vigorem, anuli nostri impressione subter jussimus insigniri.
Actum apud prelibatam urbem Aeduam feliciter. Amen.
Signum gloriosissimi ac precellentissimi regis Rodulfi (Monogramma) qui hoc regale preceptum propria manu firmavit.
Ego Heribertus, regalis cancellarius, ad vicem Abbonis episcopi scripsi.
Datum decimo kalendas aprilis, indictione I, anno VII regnante Rodulfo, gloriosissimo rege.