935, 13 septembre. — Attigny.

Acte faux

Raoul — considérant qu'Adhémar, comte de Quercy, a cédé à [Saint-Martin de] Tulle Vayrac, Meyronne et Le Bougayrou, dans le voisinage desquels, au Puy d'Issolu (célèbre par le siège des Romains), avait été construit un château pour défendre le Périgord et le Limousin contre les incursions des Normands — donne au même monastère et à son abbé Odon [de Cluny] le Puy d'Issolu, à la condition que le château soit détruit et qu'on ne le reconstruise jamais.

Référence : Jean Dufour et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des actes de Robert Ier et de Raoul rois de France (922-936), Paris, 1978, no35.

a. Ch. Justel, Histoire généalogique de la maison de Turenne, preuves, p. 16, « extraict des mémoises (sic) de feu M. Roaldez, communiqué par M. Dominicy, advocat à Caors ».

b. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 580, n° XX, « ex schedis D. Roaldez », d'après a.

c. J.-B. Champeval, Cartulaire de l'abbaye bénédictine de Saint-Martin de Tulle, dans Bulletin de la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze, t. XXII, 1900, p. 297, d'après a.

d. J.-B. Champeval, Cartulaire des abbayes de Tulle et de Roc-Amadour, p. 325, n° 598, d'après ab, et p. 663 d'après a.

e. P. Muguet, Trois chartes, aux sources de la querelle d'Uxellodunum, Villefranche-de-Rouergue, 1977, p. 15, d'après a.

Traduction : R.P. Bonaventure de Saint-Amable, Histoire de Saint-Martial, t. III, p. 356.

Traduction : Abbé Albe, Titres et documents sur le Limousin et le Quercy, p. 184.

Traduction : P. Muguet, op. cit., p. 17.

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 398.

Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1995.

Indiqué : W. Lippert, König Rudolf, n° 22, p. 117.

Indiqué : Ph. Lauer, Robert Ier et Raoul de Bourgogne, p. 70 et n. 6, p. 77 et n. 2.

Cet acte est, de toute évidence, un faux forgé dans le but d'identifier le Puy d'Issolu avec Uxellodunum. Le faussaire a utilisé, pour cela, le diplôme de Raoul n° 21 en faveur de Saint-Martin de Tulle. Essayons de retracer l'histoire de ce document en passant en revue les personnages qui l'ont mentionné ou édité.

Marc-Antoine Dominicy, né à Cahors, fut avocat, procureur général de la Cour des aides de Cahors, puis professeur de droit à l'Université de Bourges ; enfin, nommé historiographe de France, il projeta d'écrire, vers 1635, l'histoire du Quercy et rassembla dans ce but de nombreux documents et en particulier l'acte que nous étudions ici.

Christophe Justel, conseiller et secrétaire du roi (1580-1649), qui travaillait à une histoire de la maison de Turenne, écrivit à Dominicy pour avoir des renseignements sur l'acte royal ; Dominicy, dans sa réponse datée du 24 octobre 1640, parle longuement de notre acte, dit qu'il sera publié dans son Histoire du Quercy, mais n'indique aucune source ; il le mentionne à nouveau en 1642 dans son ouvrage manuscrit intitulé Mémoires des anciens comtes du pays de Quercy et du comté de Cahors, dédié à l'évêque de Cahors, Alain de Solminhac, sans non plus donner de source.

En 1645, Justel publie son Histoire généalogique de la maison de Turenne, dans laquelle est édité pour la première fois l'acte de Raoul d'après « les mémoises (sic) de feu M. Roaldez, communiqué par M. Dominicy, advocat à Caors ». Qui est Roaldès ? François Roaldès, jurisconsulte issu d'une famille de Marcillac (Aveyron), enseigna le droit à Cahors, puis à Valence, avant de terminer sa carrière à Toulouse ; il donna, en particulier, un Discours des choses mémorables... advenues en pays de Quercy (1586) ; il mourut en 1589. Comme cet ouvrage ne contient nullement l'acte de Raoul et que Baluze ne mentionne pas d'autre source que les archives de Marc-Antoine Dominicy, nous pensons qu'il faut attribuer à ce dernier la fabrication du faux ; Dominicy aurait, par la suite, ajouté qu'il provenait des papiers de Roaldès, afin de cacher sa supercherie.

Le faussaire a cherché à localiser Uxellodunum avec la plus grande précision possible, tout d'abord ainsi : inter praecipuas Veiracum, Mayronam et Wogaironum, in quarum vicinia, scilicet in podio vocato Uxelloduno, ubi olim civitas Romanorum obsidione nota, puis, quelques lignes plus bas, par le membre de phrase suivant : podium Uxelloduno nominatum, situm in orbe Caturcino. Il a emprunté d'autre part à l'acte n° 21 de Raoul, pour Saint-Martin de Tulle, plusieurs formules qu'il a quelquefois modifiées légèrement :

Au sujet de la date, notons que le chiffre indictionnel 8 correspond bien à l'année de l'Incarnation (inusitée à cette époque) 935, mais non à la neuvième année du règne, que l'on a d'ailleurs écrite ici IX au lieu de l'habituel VIIII (13 juillet 931-12 juillet 932). Deux copies, B et D, donnant le texte du n° 21, proposent de corriger Anatiaco en Attiniaco. Le faussaire a donc eu connaissance d'une de ces copies.

Il a, de plus, très bien utilisé tout ce qu'il connaissait de l'histoire de Tulle. Il a placé cet acte à la fin du règne de Raoul, alors que l'abbaye de Saint-Martin de Tulle avait reçu Vayrac et Le Bougayrou de la part d'Adhémar, vicomte des Échelles. Seul Meyronne n'apparaît pas dans des actes pour Tulle antérieurs à celui de Raoul, mais seulement en 1114. La formule cum legitimam prolem non haberet montre qu'il savait qu'Adhémar n'eut pas de descendance légitime, mais seulement des bâtards, Donarellus, Rainaudus et Bernard, abbé de Tulle. De plus, Odon de Cluny est bien abbé de Saint-Martin de Tulle à cette époque. Le faussaire a bien fait d'Adhémar un comte en Quercy (comes in partibus Cadurcorum) — ce personnage portant dans les actes pour Saint-Martin de Tulle le titre de vicomte (quelquefois comte) des Échelles, c'est-à-dire de Tulle, situé « chez les Cadurques » — mais cet intitulé est anormal pour le début du xe siècle.

En fait, c'est toute la formulation du diplôme, son agencement (le préambule précède la suscription), ses lacunes (on ne trouve pas de notification), ses anachronismes (la souscription des grands, ici des frères du roi, Boson et Hugues le Noir, est inusitée avant le règne des premiers Capétiens), plus encore ses expressions et toute sa rhétorique qui montre, à l'évidence, que nous sommes en présence d'un faux d'érudition.


Regiam concedet celsitudinem, ut, cum regna et dominationes nobis a Deo datae sint, ejus ministris qui pro nobis exorant, terrenos favores ampliemus. Itaque ego Rodulphus, gratia Dei Francorum, Aquitanorum et Burgundionum rex, invictus, pius, inclitus et semper augustus, considerans quod dudum laudabilis et fidelis noster Ademarus comes in partibus Cadurcorum, cum legitimam prolem non haberet, quamplurimas ditionis suae terras monachis in Tutellensi coenobio Deo servientibus, pro remedio animae suae contulisset, et, inter praecipuas, Veiracum, Mayronam et Wogaironum, in quarum vicinia, scilicet in podio vocato Uxelloduno, ubi olim civitas Romanorum obsidione nota, castrum a praedecessoribus nostris, ob eminentiam loci, adversus Normannorum incursus, [ne] Lemovicinum et Petragoricensem pagos devastarent, constructum fuisset, nunc vero milites, extra munitionem divagantes, loca monachis destinata opprimerent, cum autem ad plenum regnemus, et tam Gothi quam Aquitani nostro subjaceant sponte principatui, religioni servire, non autem ipsam in servitute detinere, proponimus, et loca probis hominibus mancipata speciali mundiburdio roborare. In manibus igitur venerabilis Odonis, ipsius monasterii abbatis, ipsum castrum et podium Uxelloduno nominatum, situm in orbe Caturcino, cum terris adjacentibus, Deo et sancto Martino Tutellae tradimus, in tali convenientia ut ipsum castrum evertatur nec in posterum cuipiam redificare liceat, ne donum nostrum audacibus loci praesidio confidentibus tribuat rebellandi facultatem. Hanc autem nostram cessionem facimus in remissionem peccatorum nostrorum et retributionem foelicis eventus, quem nobis Deus de inimicis nostris hactenus praestitit. Qui contraire tentaverit, imprimis iram Dei omnipotentis, pro cujus amore ista facimus, consequatur, et comes et vicarius et quivis alius judiciaria potestate praeditus judicium de ipso stricte sumat. Monachi vero eidem monasterio famulantes pro nobis et conjuge nostra Emma seu pro stabilitate totius Ecclesiae Dei clementiam exorent. Et ut haec praeceptio firmior habeatur, manu propria subtersignavimus et annuli nostri impressione obsignari jussimus.

S. Rodulphi gloriosissimi regis.

S. Bosonis. S. Hugonis.

Gotfredus sacerdos ad vicem Ancigisi episcopi recognovit et subscripsit.

Actum apud Attiniacum, idibus septembris, indictione VIII, anno Incarnatione Domini DCCCCXXXV, regni vero Rodulphi gloriosissimi IX.


Localisation de l'acte

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