[927, 9 septembre – 936, 14 ou 15 janvier].

Acte faux

Raoul ordonne que les biens situés à Saint-Léger (Calmiriacus) et récemment concédés à Cluny soient restitués à ce monastère, tels qu'ils avaient été anciennement bornés ; de plus, il confirme tous les biens présents et futurs de Cluny et adresse un appel pressant aux chefs du pays pour qu'ils se fassent, à sa place, les défenseurs de l'abbaye.

Référence : Jean Dufour et Robert-Henri Bautier (éd.), Recueil des actes de Robert Ier et de Raoul rois de France (922-936), Paris, 1978, no36.

A. Pseudo-original perdu.

B. Copie de la fin du xie siècle, dans Cartulaire A de Cluny, Bibliothèque nationale, ms. lat. nouv. acq. 1497, fol. 300 v°, n° DCCCXXI, sous le titre rubriqué « Preceptum regis Rodulfi de rebus in Calmiriaco », sans indication de source.

C. Copie du xiie siècle, dans Cartulaire C de Cluny, Bibliothèque nationale, ms. lat. nouv. acq. 2262, fol. XXXIIII (ou p. 66), n° 74, sous le titre « Preceptum Rodulfi regis quod fecit Cluniaco monasterio », sans indication de source.

a. S. Guichenon, Bibliotheca Sebusiana, p. 118, n° LV, sous le titre « Præceptum Rodulphi regis, pro monasterio Cluniacensi », « ex cartulario ejusdem ecclesiæ » (anno 994).

a′. C.-G. Hoffmannus, Nova scriptorum ac monumentorum... collectio : t. I : S. Guichenoni Bibliothecam Sebusianam..., p. 105, n° LV, édition identique à a.

b. C.-L. Scheidius, Origines Guelficae, t. II, p. 152, n° LXIII, sous le titre « Rodulfi III Burgundiae regis privilegium Cluniacense », d'après a (anno 994 vel circiter).

c. A. Bruel, Chartes de Cluny, n° 2270, t. III, p. 401, d'après BC (anno 994 environ).

Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 495 (anno 994).

Indiqué : F. Forel, Regeste ou répertoire chronologique de documents relatifs à l'histoire de la Suisse romande, n° 216, p. 61 (circa 994).

Indiqué : Th. Dufour, Étude sur la diplomatique royale de Bourgogne jurane (888-1032) suivie d'un regeste des actes Rodolphiens (thèse d'École des chartes, 1873), n° 79 (sans date [993-994]).

Indiqué : U. Chevalier, Regeste Dauphinois, n° 1481, t. I, col. 246 (vers 994).

Indiqué : Th. Schieffer, Die Urkunden der burgundischen Rudolfinger (M.G.H., Regum Burgundiae..., diplomata et acta, in-4°), 1977, p. 359, n° XII (931-936).

Ce faux, non daté, a été placé par le moine clunisien chargé du chartrier ou par le copiste du cartulaire A de Cluny parmi les actes du temps de l'abbé Maïeul (948-11 mai 994). A quel Rodulphus le faussaire a-t-il voulu l'attribuer ? Rodulphus porte seulement le titre de rex, sans plus de précision ; sous l'abbatiat de Maïeul, le seul roi ayant porté ce nom est Rodolphe III (19 octobre 993-6 septembre 1032) ; ainsi nostre acte, en admettant cette identification, aurait pour dates extrêmes le 19 octobre 993 et le 11 mai 994, jour de la mort de Maïeul. Au début de son règne, Rodolphe III assista à l'intronisation d'Odilon, successeur de Maïeul, alors que ce dernier vivait encore ; pourtant notre diplôme ne peut pas être de ce prince, car la formule sicut dudum per nostrę auctoritatis preceptum sancivimus, qu'il contient, indique bien que le même personnage a délivré un autre acte en faveur de Cluny quelque temps auparavant ; or nous ne conservons aucune autre charte concédée par Rodolphe III à Cluny. Nous pouvons même exclure l'hypothèse d'un acte perdu, car Rodolphe III n'a certainement pas eu l'occasion de donner deux actes à Cluny durant les six premiers mois de son règne, qui correspondent à la fin de l'abbatiat de Maïeul. Nous pensons donc que ce diplôme ne peut pas être attribué à ce roi et que son classement parmi les actes de l'abbatiat de Maïeul est erroné.

Une autre hypothèse s'offre à nous : Rodulphus pourrait être Rodolphe II, roi de Bourgogne transjurane du 25 octobre 912 au 11 juillet 937. C'est, en effet, du vivant de celui-ci et à la fin de son règne que, le 26 juin 937, l'évêque d'Autun, Romond, concéda, peut-être à la suite d'un conflit, la chapelle de Saint-Léger à Cluny, à la demande d'Édouard (Aydoardus) ; or notre acte, qui fait restituer des biens situés à Saint-Léger (Calmiriacus), semble bien vouloir régler des difficultés survenues à leur sujet ; mais, comme la chapelle de Saint-Léger est située à Blanzy (Saône-et-Loire, arr. Autun, con Montcenis) hors du royaume rodolphien, la charte de Romond n'intéresse pas notre propos. Rodulphus rex ne peut donc être Rodolphe II, roi de Bourgogne transjurane, dont Cluny, d'autre part, n'a reçu aucun acte.

Il ne reste donc comme identification possible pour Rodulphus que Raoul, roi de France, qui d'ailleurs concéda plusieurs diplômes à Cluny. Le passage sicut dudum per nostrę auctoritatis preceptum sancivimus indique que le faussaire a situé sa forgerie après la concession par Raoul de son premier acte à Cluny, donc après le 9 septembre 927.

Tout montre que nous sommes en présence d'un faux : la notification par laquelle s'ouvre l'acte, le pronom personnel singulier employé par le roi (ego), la titulature de ce dernier (Dei gratia rex), le style déclamatoire (vos quoque, o principes, judices sive rectores comitatus illius vel regionis... sitis in adjutorium et in protectionem...), le mot sigillum pour désigner le sceau, le terme notitia appliqué à un diplôme royal, l'absence de formule encadrant le monogramme, etc. Il semble, en fait, que, véritable exercice de rhétorique du xie siècle, il avait essentiellement pour but de demander solennellement aux féodaux du pays de protéger Cluny. Son origine pourrait donc être la revendication par l'abbaye de droits sur Calmeriacus. Mais si de nombreux actes clunisiens concernent Saint-Léger, dans aucun d'eux, il n'est question d'un conflit ayant opposé Cluny à un autre établissement ou à un féodal au sujet de Calmeriacus, comme paraît le laisser supposer l'acte de Raoul.


Texte établi d'après B et C. Graphies de B.

(Chrismon) Notum sit omnibus fidelibus nostris, tam presentibus quam absentibus, quod ego Rodulfus, Dei gratia rex, monasterio Cluniensi, sito in comitatu Matisconensi, quod in honore beatissimorum apostolorum Petri et Pauli constructum est, pro Dei amore necnon et pro reverentia ipsorum apostolorum, invictissimus cupio esse tutor atque defensor. Quapropter jubemus ut ipsum monasterium ac omnes res ad ipsum pertinentes, quiete atque secure, absque ullius improbitate permaneant jugiter, sicut dudum per nostrę auctoritatis preceptum sancivimus ; de rebus vero, quę in loco qui dicitur Calmiriacus consistunt, que nuper ad ipsum monasterium in ęlemosina datę sunt, precipimus ut, sicut antiquitus determinatę sunt in longum et in latum, restituantur. Eodem quoque modo commendamus ac omni sollicitudine delegamus, ut omnia predia ac possessiones quę eidem monasterio a fidelibus christianis pro Dei amore sunt concessa vel quę etiam futuris temporibus donanda fore speramus, perpetualiter absque alicujus inquietudine illibata perseverent. Vos quoque, o principes, judices sive rectores comitatus illius vel regionis in qua idem monasterium consistit, quicumque in presentia mea estis aut quicumque futuri estis, obsecrando jubemus et jubendo obsecramus, quatinus pro premio vitę eternę et pro amore ipsorum apostolorum, sitis in adjutorium et in protectionem atque in defensionem, nostra vice, loci illius sive monachorum ibidem consistentium Christoque servientium, in quocumque negotio indiguerint, ut, nostro vestroque freti auxilio, securius tam pro nobis quam et pro statu totius nostri regni, Domino nostro Jesu Christo regi regum supplicare valeant et inceptis bonis perpetualiter perseverent. Quod si quis ulterius eundem (sic) monasterium seu habitatores ejus resque ibi collatas temerare aut inquietare presumpserit, primitus Dei atque ipsorum apostolorum iram incurrat ac deinde nostrę severitatis experiatur censuram. Insuper etiam, ut hęc notitia firmior sit, nostro sigillo roborare studuimus.

(Monogramma)