924, 8 ou 9 avril. — Chalon-sur-Saône.
Raoul, à la prière d'Alard (Adelardus), évêque du Puy, concède à celui-ci et à ses successeurs le bourg (burgus) du Puy attenant à la cathédrale et les droits exercés par le comte (marché, tonlieu, monnaie, juridiction) et accorde l'immunité au bourg de l'église Notre-Dame ; il le fait avec le consentement de Guillaume [le Jeune], comte [de Velay], en mémoire de son oncle Guillaume [Ier le Pieux].
A. Original perdu.
B. Copie du xviie siècle, dans un fragment de cartulaire de l'église du Puy, Archives de la Haute-Loire, G 24, fol. 1 v° (ancienne p. 36), « collationnée à l'original par Gabriel Colomb, juge de Vellay », d'après A.
C. Copie du xviie siècle, Bibliothèque nationale, Collection de Languedoc, vol. 96A, fol. 67, d'après d.
a. O. de Gissey, Discours historique de la très ancienne dévotion à Notre-Dame du Puy, 1re éd., Lyon, 1620, p. 263 (anno 923), sans indication de source.
a′. Même ouvrage, 2e éd., Toulouse, 1627, p. 253, sans indication de source.
a″. Même ouvrage, 3e éd., Le Puy, 1646, p. 239, sans indication de source.
b. Ph. Labbe, L'abrégé royal de l'alliance chronologique de l'histoire sacrée et profane, t. II, p. 517, n° XXVI (éd. incomplète), d'après a′.
c. Cl. Perry, Histoire civile et ecclésiastique... de la ville de Chalon-sur-Saône, preuves, p. 34, « ex archivis ecclesiae Aniciensis. »
d. Gallia christiana, t. II, instrumenta, col. 221, n° II (anno 923), sans indication de source.
e. Histoire générale de Languedoc, t. II, preuves, col. 61, d'après d.
f. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 564, n° III, d'après d.
g. E. Medicis, Le livre « de Podio » (éd. A. Chassaing), t. I, p. 82, d'après a, d, e (anno 923).
h. Histoire générale de Languedoc, éd. Privat, t. V, preuves, col. 146, n° 49, d'après e.
i. E. Gariel, Les monnaies royales de France sous la race carolingienne, t. I, p. 47, n° XXXV (édition partielle).
j. M. Prou, Catalogue des monnaies françaises de la Bibliothèque nationale. Les monnaies carolingiennes, p. lvi, n. 1 (édition partielle), d'après f.
Indiqué : Georgisch, Regesta, t. I, col. 200 (anno 923).
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 385.
Indiqué : Böhmer, Regesta, n° 1982.
Indiqué : W. Lippert, König Rudolf, p. 108, n° 3.
Indiqué : Ph. Lauer, Robert Ier et Raoul de Bourgogne, p. 30 et n. 2.
Cette charte est intéressante par les personnages qu'elle met en présence. Guillaume le Pieux, comte d'Auvergne, duc d'Aquitaine, fondateur de Cluny en 910, mourut le 6 juillet 918. Guillaume le Jeune, son neveu, lui succéda ; c'est lui qui, ici, agit en mémoire de son oncle.
Il importe de rappeler dans quelles circonstances cet acte fut délivré. En janvier 924, Raoul se dirigeait vers l'Auvergne, afin de réduire Guillaume le Jeune qui refusait de le reconnaître. Ce dernier, ayant appris que le roi se trouvait près de la Loire, aux extrémités du diocèse d'Autun, vint se présenter vis-à-vis de lui, de l'autre côté du fleuve. Le roi décida de négocier. Guillaume traversa la Loire et fut reçu par Raoul ; les deux personnages convinrent de traiter le lendemain. Le duc revint ce jour-là, mais demanda huit jours de réflexion, ce qui lui fut accordé. Enfin, ils se mirent d'accord : Raoul restitua le Berry à Guillaume.
Ces circonstances constituent une très forte présomption de sincérité, en dépit de la rédaction fort libre du passage central, en dépit également de la souscription de chancellerie, dans laquelle agit comme notaire-chancelier l'abbé Urbaldus, à la place de Ragenardus chancelier, qui remplit toujours à cette époque la fonction de notaire-chancelier. Le cadre parfait (protocole initial, formule de corroboration), le fait que nous possédions encore des monnaies du Puy, au nom du roi Raoul, la présence attestée de Raoul à Chalon-sur-Saône les 6 et 9 avril 924, où il fit délivrer deux autres actes, le premier en faveur de Saint-Martin d'Autun, le second pour Tournus, nous semblent des indices sûrs de son authenticité.
La formule consentiente fideli nostro Guillelmo indique que Guillaume le Jeune n'était pas présent lors de la rédaction de l'acte, car en ce cas le diplôme aurait été donné à sa requête.
On peut penser que cet acte entérine l'accord entre Raoul et le comte du Velay ; ce dernier perd, en l'occurrence, tout pouvoir sur la cité même du Puy et est ainsi dépouillé d'une part importante du comitatus du Velay ; par contre, il obtient sans doute la garantie de ne plus être poursuivi.
R. Poupardin a noté l'intérêt de ce diplôme : « l'acte est très curieux au point de vue de la formation du pouvoir temporel des évêques, car il a pour objet la concession à l'évêque non pas seulement de l'un des droits ordinairement réservés au comte, mais de l'ensemble de ces droits pour une portion déterminée de la circonscription ecclésiastique. Les concessions de ce genre... ne sont pas très fréquentes en France... ».
L'acte de Raoul fut confirmé le 8 mars 955 par un diplôme de Lothaire, précisant que Raoul avait fait cette concession à la prière d'Avoie (Haduidis), femme d'Hugues le Grand.
Texte établi d'après B et a.
In nomine Domini Dei ac Salvatoris nostri Ihesu Christi. Rodulfus, divina ordinante providentia rex. Si petitionibus servorum Dei pro quibuslibet ecclesiasticis necessitatibus aurem serenitatis nostrae libenter accomodamus, id nobis et ad vitam mortalem temporaliter deducendam et ad aeternam feliciter obtinendam profuturum liquido credimus. Idcirco notum fore volumus cunctis fidelibus sanctae Dei Ecclesiae et nostris, praesentibus scilicet ac futuris, qualiter veniens Adelardus, episcopus ecclesiae Aniciensis seu Vallavensis, expetierit celsitudinem nostram, ut ecclesiam, cui, Deo ordinante, praesul esse dignoscitur, de rebus juris nostri accrescere sub nostrae praeceptionis authoritate dignaremur. Cujus petitioni benignum praebentes assensum, regium morem servantes, hoc praeceptum immunitatis fieri jussimus, concedentes ei omnibusque successoribus omnem burgum ipsi ecclesiae adjacentem, et universa quae ibidem ad dominationem et potestatem comitis hactenus pertinuisse visa sunt, forum scilicet, theloneum, monetam et omnem districtum, cum terris et mansionibus ipsius burgi. Et ita deinceps haec nostri praecepti authoritas, quem pro remedio animae nostrae, consentiente fideli nostro Guillelmo comite pro remedio animae Guillelmi avunculi sui atque omnium parentum suorum, Dei genitricis et perpetuae Virginis ecclesiae praedicto pontifici commissae concedimus, firmiter et inviolabiliter deinceps conservetur, ut nullus comes aut judex publicus aut aliqua saecularis potestas ibi audeat aliquam exactionem facere, neque mansionaticas aut pactiones aut aliquas redhibitiones exigere sine voluntate aut permissione episcopi qui ipsam tenuerit ecclesiam, sed omnia in potestatem episcopi redigantur, et ipse omnia, prout sibi recte placuerit, ordinet, teneat atque possideat. Ut autem haec authoritas firmior habeatur et a fidelibus sanctae Dei Ecclesiae futuris temporibus diligentius conserventur (sic), de annulo nostro subter jussimus sigillari.
Signum Rodulfi (Monogramma) regis gloriosi.
Urbaldus abbas ad vicem Ragenardi cancellarii recensuit.
Datum V idus aprilis, indictione X, anno primo regnante Rodulfo rege gloriosissimo. Actum Cabillone civitate. In Dei nomine feliciter. Amen.