923, 25 janvier. — Saint-Denis.
Robert [Ier], considérant les circonstances de son avènement, affecte à l'usage des moines de Saint-Denis, à charge de prier pour lui, son fils Hugues et le royaume, les « villae » de Tivernon, Toury, Rouvray[-Saint-Denis], Garsenval, Poinville, situées en Beauce, sur le cens desquelles la mense abbatiale leur servait déjà des fournitures, ce cens étant devenu insuffisant en raison des destructions des Normands ; il y ajoute pour la fondation de son anniversaire les « villae » d'Asnières et de « Nigra villa », la mense abbatiale de Liepvre, « Blitheri villa » et « Cochelingae », ainsi que la moitié des « villae » de « Condatum » et de « Gernusta » (l'autre moitié devant servir au luminaire de l'abbaye de Saint-Denis), enfin le tiers du vin de Reuilly.
A. Original perdu.
B. Copie du xiiie siècle dans le « Livre des privilèges de Saint-Denis », Archives nationales, LL 1156, fol. 54, sans indication de source.
C. Copie de la fin du xiiie siècle, dans le « Cartulaire blanc » de Saint-Denis, t. I, Archives nationales, LL 1157, p. 43, n° XXXV, sous la rubrique « Preceptum Roberti regis super omnibus rebus quas dedit fratribus Sancti Dyonisii », sans indication de source.
D. Copie du xive siècle, dans le « Cartulaire de Thou », Bibliothèque nationale, ms. lat. 5415, p. 95, d'après C.
E. Copie du xviie siècle, Archives nationales, LL 1160, p. 106, d'après C.
F. Copie de 1721 par Bouhier, Bibliothèque nationale, ms. lat. 17110, fol. 47, d'après D.
a. Doublet, Histoire de l'abbaye de Sainct-Denys..., p. 820, sans indication de source (anno 998).
b. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 559, d'après a.
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 385.
Indiqué : L. Levillain, Études sur l'abbaye de Saint-Denis à l'époque mérovingienne, dans Bibliothèque de l'École des Chartes, t. 87, 1926, p. 91, n. 5.
Indiqué : G. Tessier, Diplomatique royale française, p. 130, n. 7.
Plusieurs éléments de cet acte, tant dans la forme que dans le fond, surprennent au premier abord, mais peuvent être expliqués assez bien.
Le préambule, exceptionnellement long, rempli de réminiscences classiques, a pour but de justifier l'accession de Robert Ier au trône ; le membre de phrase omnium favore principum ad regni gubernacula moderanda regie majestatis sceptra suscepimus est à noter tout spécialement. D'autres formules ou expressions indiquent sans équivoque que le diplôme de Robert Ier a été rédigé à Saint-Denis : le mot sagacitas, présent dans la formule de notification (Notum autem manet sagacitati omnium fidelium nostrorum), est peu usité à cette époque, mais se trouve également dans celle d'un acte de Charles le Chauve pour Saint-Denis, conservé en original, dont l'écriture est typiquement san-dionysienne : ideoque noverit omnium fidelium sanctae Dei Ecclesiae nostrorumque, praesentium ac futurorum, sagacitas... ; dans le même acte de Charles le Chauve, le rédacteur qui se voulait helléniste, a employé tout comme ici l'expression macharii (ou makarii) Dionysii. Enfin la formule de corroboration, aberrante, est un indice supplémentaire de la rédaction hors de la chancellerie royale.
Pour le fond, il est surprenant que l'acte ait été accordé sans l'intervention d'un tiers ; mais Robert Ier avait reçu, on le sait par ailleurs, l'abbatiat de Saint-Denis et l'intercession d'un grand personnage pouvait paraître superflue, d'autant qu'il était intervenu lui-même plusieurs fois auprès de Charles le Simple en faveur de son monastère. Pourtant, un demi-siècle auparavant, Charles le Chauve qui s'était réservé le titre d'abbé de Saint-Denis à la mort de l'abbé Louis (8 janvier 867), accorda deux actes à cet établissement, le premier à la demande des moines, le second sur intervention du doyen.
Le contenu de la donation de Robert Ier, et spécialement la cession de Liepvre, fait aussi difficulté. Ce monastère, situé en Lorraine, donc sans doute encore demeuré fidèle à Charles le Simple, avait été fondé par Fulrad, abbé de Saint-Denis, qui en fit don par testament au célèbre monastère. Ensuite, Charles le Chauve, par un acte que G. Tessier classe parmi les faux, et Charles le Simple, par un diplôme conservé en original, cédèrent à nouveau Liepvre à la mense conventuelle de Saint-Denis. Les raisons de la nouvelle donation de Liepvre par Robert Ier tiennent à ce que, sans doute, seule la mense conventuelle de cet établissement avait été unie à celle de Saint-Denis, tandis que l'abbé avait conservé la mense abbatiale.
Il convient de noter enfin que, par la suite, la souscription de chancellerie et la date ont été reprises textuellement dans un faux de Saint-Denis, attribué à Robert le Pieux, ayant un tout autre objet.
Texte établi d'après BC. Graphies de B.
In nomine sancte et individue Trinitatis. Rotbertus gratia Dei rex. Sicut plenitudinem omnium bonorum et perfecte dignitatis altitudinem a Domino in presenti et palmam in futuro summe beatitudinis adipisci confidimus, ita ecclesiarum et servorum Dei utilitatibus, Deo annuente, nos prodesse debemus. Notum autem manet sagacitati omnium fidelium nostrorum, procerum scilicet Francorum, qualiter per divinam clementiam, causis necessariis existentibus, omnium favore principum ad regni gubernacula moderanda regie majestatis sceptra suscepimus. Idcirco divine bonitatis divitias ab ipsis crepundiis infantie largius circa nos immerito administratas et per singula etatis corporee incrementa honestos plurimi honoris fasces, addita mentis acrimonia, nobiscum coaluisse ex alta memorie arce contemplatus, nec nobis quampiam terrene felicitatis portiunculam creatorem et redemptorem nostrum invidisse pertractans, quin potius solium regie dignitatis nobis decrevisse considerans, ejus divino instinctu preventus, non, ut ingratus aut avarus fenerator, thesauros celestis opulentie sub tenaci sterilitatis clave comprimere, sed sole clarius ad laudem et gloriam divine majestatis statuimus dispensare. Regalis itaque dignitatis prerogativa ornatus, more predecessorum regum, cum aliis tum precipue illis sanctorum locis indulgentissimus, divina inspirante clementia, atque liberalissimus esse deliberavimus, quorum patrociniis et instantia sceptra tractare, et quorum presidiis nec debita divine animadversionis pondera experiri, sed extreme dampnationis sorti securi valeamus insultare, et cum Christo inter coheredes glorie ejus eternaliter mereamur pace perhenni regnare. Probavimus igitur opere precium esse, ut diligentius obsequiis divinis vacarent, et nostram ac totius regni salutem Deo commendarent, qualemcumque largitionis nostre opem conferre fratribus ex monasterio specialis patroni nostri makarii Dyonisii [sic], (cujus protectionum alis evecti et quamplurima jam pericula superavimus et ad hec regni fastigia nos ascendisse confidimus) quasdam itaque villas in Belsa sitas eisdem monachis ex integro decrevimus condonare, Tibernionem scilicet et Tauriacum, Rubridum quoque cum ecclesia et Wasconisvallem ac Poianevillam, cum coloniis ad istas villas pertinentibus. Concedimus ergo eisdem fratribus has villas, ut quia prebende ex parte abbatis exinde semper eis de censu inferebantur, nunc quia census barbarica infestatione non sufficiebat, omnis redditus ibi impendatur. Addimus quoque et alias villas his nominibus, Asinarias et Nigram villam, cum omnibus appendiciis, ut specialius tam in vita presenti quam post excessum nostri memores sint in orationibus suis et anniversarium diem hinc solemniter innovent. Lebraham quoque abbaciam et Blitheri villam ac Cochelingas cum integritate largimur ; et de duabus villis medietatem illis, videlicet ex Condato et Gernusta, et ad luminaria Sancti Dionysii alteram medietatem concedimus ad solempnes primum obitus nostri dies exsequendos ; de vino quin etiam Rugiliaco tertiam partem in eorum usus separamus. Hac itaque regie largitionis nostre indulgentia cupimus sanctorum martyrum Dionysii, Rustici et Eleutherii, quibus olim omnem spei nostre fiduciam commisimus, patrocinia promereri, quatinus hostibus nostris et victrices dexteras inferre, ac cum triumpho victorie invicta, annuente Deo, exinde de eorum subjectione vexilla referre [valeamus]. Hec autem superius denominata, utilitatibus fratrum consulentes, regie majestatis auctoritate in usus eorum delegamus atque perpetualiter in omnibus confirmamus. Ut autem ipsa sancta congregatio, pro nobis et filio nostro Hugone et omni nostra progenie et pro omni imperio nostro, Domini misericordiam et ipsorum sanctorum valeant attentius exorare, nec alicujus violentia, aut proprii abbatis seu cujuscumque dignitatis persona, hinc quippiam subtrahere presumat, hanc nostram auctoritatem et confirmationem in Dei nomine manu propria subterfirmavimus et de anulo nostro sigillari jussimus.
Signum Rotberti (Monogramma) regis gloriosi.
Ragenardus notarius, vice Abbonis episcopi summique cancellarii, recognovit et subscripsit.
Datum .VIII. kl. februarii, indictione XIa, anno primo regnante Rotberto rege glorioso. Actum monasterio Sancti Dionysii. In Dei nomine feliciter. Amen.