879, [8 décembre]. — Lyon.
Boson donne aux moines de Saint-Philibert de Tournus, et à l'abbé Gilon, la «cella» de Talloires en Genevois avec ses dépendances, et, dans le comté de Tarentaise, la villa de Glaise.
A. Original prétendu. Parchemin scellé. Hauteur, 150 mm.; largeur, 590 mm. Archives départementales de Saône-et-Loire, H 177, n° 4.
B. Copie de la fin du xviiie s., par P. de Rivaz, Diplomatique de Bourgogne, vol. 1, n° xxvi, Bibliothèque de M. de Rivaz, à Sion.
a. P.-F. Chifflet, Histoire de l'abbaye royale et de la ville de Tournus, p. 232, d'après A.
b. Menestrier, Histoire civile ou consulaire de la ville de Lyon, preuves, p. xxvii, d'après a.
c. P. Juénin, Nouvelle histoire de l'abbaye royale et collégiale de Saint-Filibert et de la ville de Tournus, preuves, p. 102, d'après a.
d. Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 669, n° i, d'après a.
e. [Monfalcon], Origines et bases de l'histoire de Lyon, t. II, p. 369, d'après a b c.
f. Dessaix, La Savoie historique et pittoresque, t. I (seul paru), p. 133, d'après a b c d.
g. A. Philippe, Notice historique sur l'abbaye de Talloires, dans Mémoires et documents publiés par la Société savoisienne d'histoire et d'archéologie, t. V (1886), p. 78, n° i.
h. V. Brasier, Études sur les origines du prieuré de Talloires dans Mémoires et documents publiés par l'Académie salésienne, t. X (1887), p. 69, d'après a.
i. L. Lex, Documents originaux des archives de Saône-et-Loire antérieurs à l'an mille, dans Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Chalon-sur-Saône, t. VII (1888), p. 258, d'après A.
Fac-similé : à l'usage de l'École des chartes, nouveau fonds (héliogravures), n° 315.
Indiqué : Bréquigny, Table chronologique, t. I, p. 323.
Indiqué : Böhmer, Regesta Karolorum, n° 1443.
Indiqué : Regeste Genevois, n° 100.
Indiqué : Michon, Bénet, Lex, Inventaire des archives de Saône-et-Loire, Série H, p. 58.
Indiqué : R. Poupardin, Monuments de l'histoire des abbayes de Saint-Philibert, p. 117, n° 21.
Indiqué : U. Chevalier, Regeste Dauphinois, n° 824.
I. Le diplôme de Boson pour Tournus a été considéré comme «un faux probable de l'époque carolingienne» par M. Léonce Lex, dans la notice qu'il a jointe à sa publication, citée en i, et, en effet, il paraît suspect à bien des égards, quoique le nom du notaire et celui du chancelier qui figurent dans la souscription soient connus par d'autres actes du même roi. Il n'existe plus, il est vrai, un seul diplôme original de Boson qui puisse servir de terme de comparaison, et nous n'avons de ce roi qu'un trop petit nombre d'actes, même sous forme de copies, pour pouvoir déterminer avec précision les formules en usage à sa chancellerie. Cependant ces diplômes semblent, en général, avoir été rédigés selon les mêmes règles que ceux des autres souverains de la même époque. Or, à ce point de vue, le diplôme pour Tournus présente bien des irrégularités. L'écriture est celle d'un scribe qui ne paraît pas habitué à tracer la minuscule diplomatique carolingienne. Certaines lettres, les o et les s en particulier, affectent des formes insolites. La souscription de chancellerie et la souscription royale sont tracées immédiatement à la suite de la formule de corroboration, elle-même maladroitement séparée du texte. Le sceau est plaqué en haut et à droite, ce qui est sans exemple dans les actes royaux du ixe siècle. Il ne porte point de légende, ce qui est inadmissible, puisqu'un sceau de ce genre ne saurait garantir l'authenticité et la validité d'un acte. La suscription ipsius misericordiae rex ne se retrouve point dans d'autre diplôme de Boson. Quant à la langue elle présente une série d'irrégularités et de fautes, dont il ne paraît pas que les préceptes royaux de cette époque offrent beaucoup d'exemples: ad memoriae reducentes — studuere, — in honore Domini, sans quelques mots qui appellent cette expression (comme ecclesiae dicatae in honore). Des expressions comme concedimus permanendum, libens concessio, firmitatem rigoris (au lieu de firmitatis rigorem) n'appartiennent pas non plus au style ordinaire des diplômes du ixe siècle. On dirait l'ouvrage d'un rédacteur maladroit, reproduisant de mémoire, en les altérant, certaines formule dont il n'a conservé qu'un souvenir vague après les avoir mal comprises.
II. Comme nous l'avons dit, le nom du notaire Étienne et celui du chancelier Augier se retrouvent dans d'autres préceptes non suspects du même roi. Il est donc possible que la souscription de chancellerie soit empruntée à un diplôme authentique. En admettant qu'il en soit de même de la date, comment convient-il d'interpréter celle-ci? L'indiction XII est celle de 879, mais le scribe a omis l'indication du mois au VI des ides duquel l'acte aurait été donné. Les éditeurs du Recueil des historiens de la France — et cette conjecture a été adoptée par Böhmer — ont proposé de suppléer novembris après le mot idus, car un autre diplôme du même roi, de la première année de son règne, donné également à Lyon, est du VI des ides de novembre (supra, n° XVII), c'est-à-dire du 8 novembre 879. Mais à cette date du 8 novembre, le chancelier était Aurélien, archevêque de Lyon, tandis que, dans le diplôme pour Tournus, c'est Augier, évêque d'Autun, qui porte ce titre. Il ne semble donc pas que l'acte puisse être attribué au 8 novembre. Il est d'autre part certainement postérieur au 15 octobre 879, date de l'assemblée de Mantaille, où Boson fut proclamé roi. Le diplôme ne pourrait donc être que du VI des ides de décembre, c'est-à-dire du 8 décembre, date à laquelle l'évêque Augier devait remplir les fonctions de chancelier, puisqu'il figure avec ce titre dans le diplôme du 2 décembre pour Charlieu (n° XVIII).
III. En 866, Talloires et ses dépendances, telles que nous les trouvons énumérées dans la charte de Boson, appartenaient au roi de Lorraine, Lothaire II, qui en dispose en faveur de la reine Thiberge, parente précisément de Boson (Muratori, Antiquitates Italiae, t. II, p. 121, Böhmer-Mühlbacher, Regesta imperii, n° 1309 [anc. 1274]). Au contraire, au début du xe siècle; Talloires, avec ses dépendances d'Héry et de Glaise, figure parmi les domaines de l'abbaye de Saint-Philibert de Tournus dans un diplôme de Charles le Simple de 916 (Chifflet, Histoire de Tournus, preuves, p. 272; Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 523, n° lvii). Le fait d'une donation de ces diverses villae à l'abbaye de Tournus par Boson est très possible, puisque ce personnage a pu recueillir une partie des domaines de sa tante Thiberge, morte sans enfants.
Talloires, Héry et Glaise continuent à figurer au nombre des domaines dont les souverains français du xe et du xie siècle confirment la possession à Saint-Philibert: on retrouve leurs noms dans les diplômes de Louis IV (Chifflet, ouvr. cité, p. 277; Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 593, n° x), de Lothaire (Halphen et Lot, Recueil des actes de Lothaire et de Louis V, p. 19, n° x), de Hugues Capet (Lex, Documents originaux des archives de Saône-et-Loire antérieurs à l'an mille, p. 26, n° xviii), d'Henri Ier (Chifflet, ouvr. cité, p. 312; Recueil des historiens de la France, t. XI, p. 600, n° xxxiii; Soehnée, Catalogue des actes d'Henri Ier, n° 117), de Philippe Ier (Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. 41, n° xiv).
Cependant, entre 1016 et 1018, le roi de Bourgogne Rodolphe III dispose en faveur de l'abbaye de Savigny du monastère de Talloires et de ses dépendances (A. Bernard, Cartulaires de Savigny et d'Ainay, t. I, p. 317, n° 638). La possession de Talloires fut confirmée aux moines de Savigny en 1107 par Pascal II (A. Bernard, op. cit. t. I, p. 424, n° 808; Jaffé, Regesta pontificum, n° 6115), en 1103 par Calixte II (A. Bernard, op. cit., t. I, p. 475, n° 901, Jaffé, op. cit., n° 7014), et, jusqu'à 1632, le monastère de Talloires constitua un prieuré dépendant de l'abbaye de Savigny (Hauréau, Gallia christiana, t. XVI, col. 485).
Il semble donc, en ce qui concerne Talloires, que les diplômes des rois de France pour l'abbaye de Tournus, à partir d'une certaine date, doivent être considérés moins comme des confirmations de droits réels que comme des confirmations de droits prétendus — ou comme des reproductions inintelligentes d'énumérations de domaines correspondant à un état de choses antérieur. Talloires, Héry et Glaise se trouvaient d'ailleurs hors du royaume des derniers Carolingiens français et des premiers Capétiens, et c'est au roi de Bourgogne ou à l'empereur que les moines de Tournus eussent dû s'adresser, le cas échéant, pour faire reconnaître leurs droits.
IV. Si l'on remarque qu'il est question de Talloires dans le diplôme de Charles le Simple de 916, d'une part, et dans celui de Louis d'Outre-Mer, d'autre part, tandis qu'il n'en est pas fait mention dans la confirmation par Raoul des biens du monastère de Tournus, en 924 (Chifflet, op. cit., p. 275; Recueil des historiens de la France, t. IX, p. 565, n° iv), on en conclura peut-être qu'à cette date de 924 les moines de Tournus ne se considéraient pas comme en état de faire figurer Talloires dans la liste de leurs possessions. Le diplôme de Boson aurait-il été fait ou refait pour légitimer la nouvelle mention de ces domaines dans le diplôme de Louis d'Outre-Mer? La chose est possible, mais la série des actes relatifs à l'abbaye de Tournus n'est pas assez complète pour qu'il nous semble possible d'arriver sur ce point à une conclusion précise.
(Sigillum.) (Chrismon.) In nomine sanctae et individuae Trinitatis. Boso, ipsius misericordiae rex. Sanctae recordationis effectum ad memoriae reducentes pio incitamento [2] veraciter duximus dignum fore quatinus aecclesiȩ Dei in omnibus augmentari pro posse videlicet nostro desiderantes peragamus. Quam rem ad perfectum deducere optantes, divino fulti amore, ut de terrenis mercemur aeterna, libenti animo talia studuere decrevimus. [3] Qua de re omnium fidelium nostrorum comperiat notitiae quod propria voluntate, pro mercede Karoli augusti et nostrȩ remedio animae seu et etiam conjugis nostrȩ, in honore domini et salvatoris nostri Iesu Xpisti sanctaeque Mariae, sancto Filiberto, qui ob infestationem paganorum castro [4] Trinorchio delatus est, ubi vir venerabilis abba Geilo, cum plurima monachorum turba, preesse dinoscitur, concedimus in comitatu Genevensi cellam que vocatur Talgeria, quȩ etiam dicata est in honore sanctae Mariae, et curtem Dulcatis, curtem [5] etiam Marlandis, curtemque Verilico ac curtem Tudesio et villam Ariaco, in comitatu…. Tarentasiae villam quȩ vocatur Clasia. Haec omnia cum omnibus integritatibus, cum aecclesiis ibidem aspicientibus servisque utriusque sexus, cum exitibus [6] et regressibus atque campis, pratis, cultis et incultis, aquis aquarumque decursibus, ab hodierna die et deinceps prefato sancto Filiberto monachisque Deo ibidem militantibus concedimus perpetualiter permanendum.
[7] Et ut haec libens concessio majoris valeat obtinere firmitatem rigoris, manu propria roborare curavimus et anuli nostri impressione insigniri jussimus. Signum (Monogramma) Bosonis gloriosissimi regis. Stephanus notarius ad vicem Adalgarii recognovi.
[8] Data VI iduum, indictione XIIa, anno primo regni Bosonis gloriosissimi regis. Actum Lugduno civitate, in Dei nomine feliciter. Amen.